Texte intégral
Q - Après près de quarante ans de silence, le ministère de la Défense s'apprête à faire voter une loi pour indemniser les victimes des essais nucléaires. Qu'est-ce qui vous a décidé à vous emparer de ce dossier sensible ?
R - Lorsque j'étais président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, j'ai reçu les associations de vétérans, leurs récits m'ont interpellé. J'ai eu le sentiment que la République se grandirait en affrontant cette question des essais nucléaires plutôt qu'en persistant à la nier. A mon arrivée au ministère de la Défense, j'ai aussitôt demandé que l'on ouvre le dossier. Il y a eu des résistances mais je me suis dit qu'on pouvait aujourd'hui appréhender ce passé avec plus de sérénité. L'absence de transparence alimente l'irrationnel, les rumeurs infondées. L'Etat français a mené ses essais avec un maximum de souci de protection mais, comme dans toute technologie nouvelle, il y a eu des incidents.
Q - Vous démentez là tous vos prédécesseurs, qui ont constamment affirmé que les essais nucléaires avaient été "propres"...
R - Non, je maintiens que l'immense majorité des essais a été propre. Certains tirs ont connu des retombées radioactives, et pour cause, 45 tirs ont été atmosphériques. Quand on a globalement peu de chose à se reprocher, on a intérêt à accepter l'idée que tout n'a pas été parfait. Il y a eu des normes de radiation qui dépassent les limites aujourd'hui admises.
Q - Que prévoit votre projet de loi ?
R - Toute personne atteinte d'une maladie radio-induite prouvant sa présence au moment des essais sur les lieux d'expérimentation est en droit d'obtenir réparation intégrale de son préjudice. Il n'y aura donc plus d'inégalité de traitement entre les militaires, les civils et les populations locales du Sahara et de Polynésie. La nouveauté du projet, c'est qu'il inverse la charge de la preuve : une personne victime d'une des maladies radio-induites reconnues par l'Unscear (Comité scientifique des Nations unies pour l'Etude des Effets des Rayonnements ionisants) sera indemnisée, à condition, bien sûr, qu'elle ait été irradiée. Une commission de médecins présidée par un magistrat fera une proposition au ministre de la Défense, qui, in fine, décidera.
Q - On risque de vous reprocher d'être juge et partie...
R - Non, je veux être rigoureux mais juste, c'est pourquoi j'ai parallèlement lancé une étude de mortalité sur 30.000 vétérans. Les archives ont été ouvertes à deux chercheurs de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences afin qu'ils établissent une analyse des conditions de réalisation de chaque essai.
Q - Envisagez-vous de les ouvrir plus largement, y compris aux chercheurs non mandatés par le ministère ?
R - Pourquoi pas ? Il faut en finir avec le secret inutile.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2009