Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à RTL le 26 mars 2009, sur l'augmentation du chômage, les mesures prises pour la création d'emplois et sur la rémunération des dirigeants d'entreprises.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, P. Devedjian. 90.200 chômeurs supplémentaires en janvier. On l'a su, hier, 79.900 en février : le chômage flambe en France ! A quel moment, P. Devedjian, votre Plan de Relance de l'économie française peut-il stopper cette tendance ?
 
Il peut, en tous les cas, servir d'amortisseur. Il a déjà commencé. Nous avons vendu 70.000 voitures de plus avec la prime à la casse. C'est de l'emploi. Nous avons 100.000 personnes qui ont été embauchées d'ores et déjà sous le régime de l'exonération dans les très petites entreprises. Une centaine de chantiers sont déjà ouverts et je compte sur une cinquantaine de plus chaque semaine. La mobilisation est en train de se faire dans tout le pays, contre le chômage, avec la création d'emplois un peu partout.
 
En fait, les chiffres du chômage que l'on a, et qui sont très importants, sont déjà, à votre avis, amortis par le plan de relance. Donc, il faut s'attendre pendant tous les mois qui viennent à un haut niveau de chômage.
 
Bien sûr, la crise frappe le monde entier ; et la France comme tout le monde. Elle nous frappe naturellement sévèrement mais notre plan de relance produit déjà ses effets et c'est un avantage sur d'autres pays, par exemple, parce que chez nous, il a démarré très vite. Premièrement, le président de la République a su anticiper avant les autres. La France est le premier pays qui s'est mobilisé pour la relance ; et deuxièmement, les méthodes que nous avons adoptées nous permettent d'entrer dans les faits beaucoup plus vite et nous avons déjà un début de résultat, mais nous sommes au moment du démarrage effectif puisque l'argent est arrivé dans les circuits de l'économie. Tout le monde est mobilisé. Et les entreprises publiques, les collectivités locales, tout le monde s'y met.
 
Certains pronostiquent un million de chômeurs pour toute l'année 2009. Ceci vous paraît-il hélas possible ?
 
Je ne fais pas de pronostics parce que moi, je suis dans le combat. Je ne compte pas l'ennemi ; j'essaie de le pourfendre ; et pour ça, de mobiliser le pays. Je crois qu'on en est effectivement un peu comme dans une guerre économique et que donc, il faut créer des emplois partout, c'est ce qu'on fait. Hier, je suis allé à Roubaix, par exemple. La Poste se mobilise. Elle va créer un millier de chantiers dans l'année 2009 et 2010. EDF va lancer pour 2,5 milliards de travaux. Vous voyez ! Enfin, je peux énumérer comme ça toutes les entreprises nationales. Maintenant, je voudrais aussi engager les entreprises privées aussi dans cette démarche de création d'emplois : celles qui gagnent de l'argent, celles qui peuvent le faire.
 
Dans ce climat de "guerre économique", pour reprendre l'expression que vous venez d'employer, P. Devedjian, les rémunérations de certains patrons choquent ; et chaque jour, il y a des nouvelles. Votre gouvernement va-t-il faire une loi pour limiter les rémunérations des chefs d'entreprise ?
 
Il y a deux situations qui sont complètement différentes. Il y a la situation des entreprises qui bénéficient d'une aide publique ; dans ce cas-là, en aucun cas, l'aide publique ne peut servir à améliorer la rémunération des dirigeants, ni d'ailleurs la rémunération des actionnaires au niveau des dividendes.
 
Et donc, vous allez faire une loi pour ces gens-là, pour ces entreprises-là ?
 
Ecoutez ! Ou bien les dirigeants le comprennent eux-mêmes - et c'est l'idéal - parce qu'ils donneront l'exemple. Ou bien, il faudra bien prendre des mesures réglementaires ou législatives pour ça. Mais l'argent public, il est investi dans les entreprises pour des raisons d'intérêt général pour sauvegarder l'outil de travail, pour permettre à notre pays d'être plus compétitif, de sortir de la crise en meilleur état. Il ne peut pas servir à autre chose. Puis, il y a la situation des entreprises dans lesquelles l'Etat n'intervient pas. Bon, nous sommes dans un pays de libertés, de libre-administration des entreprises. On peut, chacun, avoir son jugement là-dessus. Il y a parfois de mauvais exemples qui sont donnés aussi de ce point de vue-là. Mais l'Etat n'a pas non plus vocation à fixer tous les salaires du pays.
 
Par exemple, on apprend, ce matin, que GDF-Suez est une entreprise qui gagne de l'argent et qui va embaucher des personnes cette année. Le PDG du groupe GDF-Suez, G. Mestrallet, vient de se voir attribuer par le conseil d'administration 830.000 stock-options. Valeur potentielle : c'est un peu plus de 7 millions d'euros ; et son vice-président J.-F. Cirelli, 300.000 stock-options. Valeur potentielle : 3 millions d'euros. Cela, ça vous choque ou pas ? Le niveau de ces rémunérations potentielles vous choque ou pas, P. Devedjian ?
 
C'est une rémunération très, très confortable. C'est le moins qu'on puisse dire. Cela dit, l'Etat n'y a pas mis d'argent. Ce n'est pas de l'argent public. Ce qui m'intéresse - mais je vais me renseigner un peu plus parce que je le découvre avec vous -, c'est quelle a été l'attitude des administrateurs de l'Etat qui figurent au conseil d'administration...
 
Au conseil d'administration, l'Etat est actionnaire à 35% chez GDF-Suez...
 
Donc, il faut regarder. Mais encore une fois, c'est une entreprise, vous l'avez souligné vous-même avec beaucoup de probité, qui gagne de l'argent. C'est une entreprise qui embauche. Que les dirigeants soient encouragés, ça ne me choque pas. Maintenant, il faut que ce soit dans une mesure raisonnable.
 
Et la filiale du Crédit Agricole qui va verser des primes à ses salariés. Alors, le Crédit Agricole a touché de l'argent public ; mais la prime va être versée, dit le Crédit Agricole. Qu'est-ce que vous en pensez, là, P. Devedjian ?
 
Si c'est aux salariés, c'est une mesure de soutien du pouvoir d'achat...
 
Une prime à plusieurs centaines de personnes dans la filiale, mais on n'en connaît pas la répartition.
 
Ce n'est pas assez, naturellement ; mais je ne suis pas sûr que le Crédit Agricole ait touché beaucoup d'argent public.
 
Mais il en a perçu de l'argent public comme toutes les banques...
 
Ah non, non, non, toutes les banques n'ont pas été soutenues par les pouvoirs publics. Un certain nombre de banques, par exemple - et je crois que c'est le cas du Crédit Agricole - ont refusé les mesures de soutien parce qu'elles n'en avaient pas besoin. Bon.
 
Je suis un peu surpris. Je pensais que le Crédit Agricole l'avait touchée.
 
Je ne suis pas sûr que le Crédit Agricole soit dans cette situation.
 
Personne ne tranche !
 
V. Parizot : Là, dessus, on va dire joker !
 
Moi je dirais qu'il a touché. Mais on verra. On vérifiera. En tout cas, pour la loi, on sent que vous hésitez et que la doctrine du Gouvernement n'est pas fixée ?
 
Je préfère - et comme le président de la République l'a répété à plusieurs reprises - que cela vienne des dirigeants, qu'ils donnent le bon exemple sans qu'on soit obligé de légiférer.
 
Oui ça, on le dit depuis des semaines et des mois ; mais voilà ! On va le dire encore des semaines et des mois...
 
Il n'est pas interdit d'espérer être entendu ; mais si ça n'arrive pas, il faudra bien prendre des mesures.
 
Le Président a dit, hier, qu'il avait "la banane" ! Vous avez "la banane", vous, P. Devedjian ?
 
Si on entend par cela avoir du courage, avoir de la détermination, oui nous l'avons parce que notre pays est évidemment affronté à une crise très grave et c'est maintenant qu'il a besoin de ses dirigeants, c'est maintenant qu'il a besoin d'un Gouvernement qui se bat. Et moi je suis décidé à me battre.
 
Ce genre de propos ne risque pas d'être mal compris, P. Devedjian : "J'ai la banane" ?
 
C'est un propos populaire. Il ne faut pas faire des procès d'intention. On en entend d'autres sur votre radio.
 
Sur notre radio, explicitement, il y a quelque chose qui vous a choqué ?
 
Non, mais au contraire, c'est une radio populaire qui emploie parfois des facilités de langage.
 
P. Devedjian, qui a la banane, si on a bien compris. Ici aussi, on a la banane !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 mars 2009