Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec la chaîne de télévision qatarienne " Al Jazeera" le 23 mars 2009 à Paris, sur les négociations de paix au Proche-Orient et la situation en Afghanistan.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Al Jazeera

Texte intégral

Q - Bernard Kouchner nous a confié qu'il souhaitait que les négociations de paix au Proche-Orient reprennent, il a également fait savoir que sans une réconciliation entre le Hamas et le Fatah rien ne pourrait se faire.
R - C'est absolument nécessaire en vue d'obtenir un gouvernement d'unité palestinien et d'assurer la reconstruction de Gaza. Il faut reprendre l'initiative de paix et relancer les négociations politiques. Sans négociations à l'échelle politique entre les Israéliens et les Palestiniens, rien ne pourra être possible.
Q - Parlerez-vous avec le Hamas?
R - Oui, mais seulement après ce que nous appelons une réconciliation. Le Hamas doit reconnaître ce qui a été signé par l'OLP en ce qui concerne Israël et reconnaître l'existence de l'Etat d'Israël. Si le Hamas continue à rester dans un cercle vicieux, en quête de violence, ne voulant pas reconnaître Israël mais en l'attaquant, alors non, nous ne pouvons pas parler avec le Hamas. Cela ne dépend pas de nous, cela dépend avant tout des Palestiniens. Il faut un gouvernement d'unité, un gouvernement d'unité nationale. Nous sommes en faveur d'un Etat palestinien.
Q - Après la guerre à Gaza, les dramatiques images que vous avez vues, croyez-vous qu'Israël puisse être poursuivi pour crimes de guerre ?
R - J'ai été témoin de nombreuses guerres. C'est toujours le cas, les populations civiles sont ciblées, et désormais plus qu'auparavant. Plus nombreux sont les blessés parmi les populations civiles, plus les victoires sont inacceptables. C'est insupportable.
Q - En Afghanistan, comment envisagez-vous de combattre les Taliban ?
R - Il n'y a pas de solution militaire en Afghanistan. Nous devons être proches de la population, proches des Afghans, en leur proposant des projets émanant de leur propre volonté nationale voire même régionale. C'est la seule solution, par ailleurs nous ne pouvons pas quitter ce pays et laisser la victoire aux Taliban et aux membres d'Al Qaïda, c'est impensable.
Q - Comment, dès lors, combattre les Taliban ?
R - Nous devons leur parler, c'est la raison pour laquelle j'ai été très heureux de m'entretenir avec le Prince Muqrin qui, en Arabie Saoudite, est en charge des contacts avec les Taliban. Ce fut une discussion très intéressante.
Q - Les Américains ont envoyé 17.000 hommes supplémentaires en Afghanistan, signe qu'ils veulent gagner militairement ?
R - Oui, mais ils n'ont pas terminé l'élaboration de leur stratégie et nous verrons. Je pense qu'ils sont très réalistes par rapport à la situation. Je connais Richard Holbrooke, qui est un ami et je sais que c'est un homme réaliste.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mars 2009