Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à RTL le 30 mars 2009, sur la poursuite du mouvement étudiant contre l'autonomie des universités et la préparation des élections régionales de mars 2010.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour V. Pécresse. Malgré vos reculs ou vos concessions, le mouvement de fronde universitaire se poursuit, une nouvelle journée d'actions des professeurs de l'Enseignement supérieur est programmée pour jeudi prochain, 2 avril. Pourquoi ne parvenez-vous pas, V. Pécresse, à ramener le calme dans les universités ?
 
Je crois quand même que le Gouvernement a répondu à une série de préoccupations qui sont exprimées dans la communauté universitaire. Vous savez, nous étions dans l'étape 2 après la loi autonomie. L'étape 2 c'était un nouveau statut pour les enseignants chercheurs, mais c'était aussi...
 
Elle ne passe pas bien l'étape 2.
 
C'était aussi toute une série de réformes qui sont absolument essentielles : une allocation des moyens, davantage à la performance des universités, la réforme de la formation des enseignants du premier et du second degré, à Bac +5, avec un diplôme de master. Donc toute une série de réformes qui ont fait...
 
Qui suscitent, visiblement, beaucoup, beaucoup de contestations, V. Pécresse.
 
... qui ont causé des crispations et nous sommes en train de répondre à chacune, à chacun des motifs de préoccupations des enseignants chercheurs et je crois qu'aujourd'hui...
 
Ça va durer combien de temps ?
 
Je crois qu'aujourd'hui la tendance est à la reprise des cours, est à la baisse des perturbations.
 
Ah, vous avez le sentiment ?
 
Oui, parce qu'il y a toute une série d'universités qui ont repris leurs cours, mais surtout parce que le Gouvernement apporte les réponses et que, aujourd'hui, eh bien il y a de moins en moins de sujets de tensions qui concernent l'université. Alors, il y a évidemment un mouvement qui se poursuit, mais un mouvement qui a des sujets de contestation qui sont bien au-delà des simples sujets universitaires. A Strasbourg, j'ai entendu manifester contre l'OTAN, bon...
 
Strasbourg, c'est autre chose, oui, là, aujourd'hui...
 
Ah oui, non mais attendez, c'est à l'université de Strasbourg dont je vous parle, qui est bloquée et où les manifestants appelaient, disaient « non à l'OTAN ».
 
Nous entrons dans la neuvième semaine de contestations. Beaucoup de cours ont été annulés, supprimés, des retards importants sont pris, les examens sont-ils menacés, V. Pécresse ?
 
Aujourd'hui, l'année est tout à fait récupérable, avec notre objectif qui est un objectif de qualité des diplômes.
 
Vraiment ?
 
A condition...
 
Il peut manquer deux mois de cours et la qualité des diplômes n'est pas entamée, V. Pécresse ?
 
La situation est très disparate selon les universités. Vous avez des universités qui ont été perturbées de manière sporadique, vous avez des universités dont une partie des cours a été perturbée pendant plusieurs semaines. Donc, il faut faire du sur-mesure, il faut répondre à la situation des étudiants, en fonction des perturbations qu'ont subies leurs unités de formation. C'est ce que nous allons faire dès cette semaine. Je reçois les présidents d'université, nous sommes en train de travailler au rattrapage et je vous le dis, la situation est tout à fait récupérable dès lors que les rattrapages se mettent en place dès cette année... dès cette semaine, pardon.
 
Les rattrapages ça veut dire qu'il ne faut pas faire les vacances de Pâques, par exemple ? Il faut travailler pendant les vacances de Pâques ?
 
Alors, il y aura des possibilités de rattrapage, pendant les vacances, il y aura aussi des mises en ligne de cours, il y aura aussi, sans doute, quelques décalages d'examens, pour permettre aux étudiants de rattraper les cours. Notre objectif, c'est la réussite des étudiants, mais c'est aussi la qualité de la formation. Nous ne voulons pas que les diplômes n'aient pas la même qualité cette année, parce qu'il y a eu des perturbations, donc nous organiserons les rattrapages avec les présidents d'université.
 
Une année universitaire, c'est six, sept mois. Deux mois de perturbations, vous pensez que la qualité des diplômes ne sera pas entamée ? Il faut être optimiste, là, V. Pécresse.
 
Ecoutez, monsieur Aphatie, si vous dites que l'année c'est six, sept mois, je comprends mal les revendications de certains syndicats étudiants, qui eux demandent dix mois d'aides sociales. Non, je crois qu'une année universitaire...
 
Une année universitaire ça commence en octobre et ça finit en mai, quoi.
 
Non, une année universitaire c'est neuf mois, c'est une année qui est effectivement entrecoupée d'un certain nombre d'intercessions. Nous allons organiser les rattrapages, et je crois que les étudiants et les enseignants ont à coeur de faire de cette année, une année de réussite, sans dégrader la qualité des diplômes.
 
Certains examens en juillet, c'est ce que vous avez sous-entendu, V. Pécresse ?
 
Non, décalage des examens, pour l'instant, pour l'instant c'est de quelques semaines, on verra... Je vous le dis, on va faire du sur mesure, on va faire ça unité de formation par unité de formation et université par université.
 
Est-il vrai, V. Pécresse, que vous souhaitez succéder à R. Dati au ministère de la Justice ? Le ministère sera libre le 7 juin.
 
Ecoutez, aujourd'hui, ça ne vous a pas échappé, j'ai un certain nombre de sujets qui sont importants à porter dans mon ministère : l'autonomie est en marche, il y a 20 universités qui sont autonomes aujourd'hui, c'est un accompagnement de tous les instants. J'ai toute une série d'universités qui envisagent de prendre l'autonomie l'année prochaine, j'ai aussi toute une série de réformes, l'opération "Campus", qui doit changer le visage de nos universités, mais qui est une opération très complexe à mettre en oeuvre pour des universités qui ne savent pas, qui n'ont pas la compétence immobilière, nécessairement. Le plan "Réussir en licence", et la formation des maîtres. Donc, si vous voulez, là, en ce moment, je suis toute à ma tâche.
 
Mais on a l'impression que vous n'avez plus assez d'autorité, peutêtre, pour mener toutes ces tâches, V. Pécresse, qu'autant de contestations, tout de même, elles ont bien un effet, elles vous affaiblissent, V. Pécresse.
 
Je pense que mes interlocuteurs de la concertation, c'est-à-dire mes interlocuteurs syndicaux, reconnaissent la direction et le sens dans lequel va le Gouvernement. Quelle est cette direction ? C'est de mettre l'université au coeur de notre système d'enseignement supérieur.
 
Non, bien sûr, non, je vous parlais de votre autorité.
 
Ecoutez, pour l'instant, j'ai quand même le sentiment qu'ils savent que je suis déterminée à poursuivre cette réforme, et qu'ils savent aussi qu'ils peuvent compter sur moi pour des négociations qui sont parfois longues et qui nous conduisent à trouver des voies de passage de la réforme.
 
Bon, et vous ne m'avez pas répondu, non plus, pour votre intérêt pour le ministère de la Justice.
 
Si, si, j'ai dit que j'étais toute à ma tâche dans celle de ministre de l'Enseignement supérieur et que j'avais beaucoup à faire et que donc ça ne me permet pas de regarder ailleurs.
 
Le journal Le Parisien, a brossé votre portrait hier, puisque vous êtes candidate pour les élections régionales de mars 2010 dans la région Ile-de-France, candidate UMP. Alors, il était écrit dans ce portrait que votre mari est dirigeant d'entreprise, et RTL ce matin pose la question à ses auditeurs : « Les dirigeants d'entreprise sontils devenus des boucs émissaires un peu commodes ». Que répondez-vous, V. Pécresse ?
 
Je crois que dans une situation de crise, les questions éthiques et les questions de règles du jeu, de justice, sont absolument essentielles.
 
Et les dirigeants d'entreprise y dérogent.
 
Et les dirigeants d'entreprise doivent...
 
Ils y dérogent.
 
Non, ils doivent faire preuve de la même éthique et de la même logique de justice que celle qu'ils demandent à leurs propres salariés. Donc, je crois que cette question de « être rémunéré à la performance », quand la performance de l'entreprise baisse, renoncer à sa part de rémunération à la performance, ne pas s'accorder des rémunérations à une période où le cours de l'action est très bas, parce que, effectivement, ça permet de se préparer des bonus pour la suite, je crois que les chefs d'entreprise doivent s'appliquer les mêmes règles de bonne conduite que celles qu'ils demandent à leurs salariés de s'appliquer à eux-mêmes.
 
Il faut de l'éthique.
 
Il faut de l'éthique et il faut aussi que les entreprises qui sont aidées par l'Etat, n'en profitent pas pour effectivement mieux rémunérer leurs cadres dirigeants.
 
Ethique toujours : si vous êtes élue à l'issue des élections régionales, présidente de la région Ile-de-France, cumulerez-vous cette fonction, V. Pécresse, avec une fonction ministérielle, une fonction parlementaire ?
 
Ecoutez, vous savez bien, monsieur Aphatie, que je suis une militante anti-cumul. Donc, pour moi, le ministère c'est une étape de ma vie, c'est un défi à relever, c'est une réforme essentielle que je veux mener, et la région Ile-de-France, c'est une autre... un autre défit, un autre temps de ma vie politique.
 
V. Pécresse, qui est encore ce matin, ministre de l'Enseignement supérieur, était l'invitée de RTL...
 
Mais, j'espère encore pour longtemps !
 
Bonne journée !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 mars 2009