Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur l'inversion du calendrier électoral de 2002, le relèvement des minima sociaux et les élections municipales et cantonales de 2001, Paris le 17 décembre 2000.

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades,
C'est pour moi une très grande joie d'être aujourd'hui parmi vous, aux Mées.
Je remercie les communistes des Alpes-de-Haute-Provence, qui ont pris l'initiative de ce rassemblement chaleureux et fraternel, de leur invitation à me joindre à vous. Merci, plus particulièrement, à Gérard Paul, responsable départemental de notre Parti, et à notre hôte, le maire de votre ville, Raymond Philippe.
Merci également à toutes celles, tous ceux qui, dans la diversité de leurs sensibilités, de leurs engagements, nous font l'amitié de leur présence.
Je sais que le moment qui nous rassemble s'inscrit dans les initiatives qui se tiennent en ce moment, un peu partout en France, à l'occasion du 80ème anniversaire du parti communiste.
Permettez-moi de débuter mon propos par quelques mots consacrés à cet anniversaire.
Je veux d'abord dire ceci: nous sommes les continuateurs du choix accompli à Tours en décembre 1920. Bien sûr l'époque n'est plus la même, et le Parti communiste a engagé un immense effort de réflexion et d'élaboration pour changer, pour être le nouveau Parti communiste français. Et cet effort, pour une part déterminante, c'est à Martigues que nous l'avons accompli, il y a quelques mois.
Oui, avec le 30ème Congrès, c'est bien à la fondation d'un nouveau parti communiste que nous avons travaillé.
Il a fallu, bien sûr, tenir compte des leçons du passé et de l'échec tragique des systèmes se réclamant du communisme. Et nous n'ignorons pas qu'elles en furent les conséquences néfastes sur le parti communiste, son mode d'organisation, son fonctionnement, sa conception de l'action pour changer la société.
En même temps, notre conviction demeure que les défis que doit relever la civilisation humaine à l'aube du 21ème Siècle appellent la recherche de voies nouvelles pour la transformation sociale. Le capitalisme ne le permet pas. Il prolonge et aggrave au contraire toutes les inégalités, tous les rapports de domination.
Relever le défi de la vitalité d'une force communiste moderne dans la France du 21ème siècle, exige par conséquent que nous soyons bien inscrits dans les conditions de notre temps; que nous fassions vivre des formes politiques nouvelles et un projet de transformation de la société convaincant.
J'entends bien quelques commentaires tenter de brocarder le parti communiste, en lui reprochant de ne plus avoir d'idées et d'avenir, pour se contenter de suivre, déboussolé, les humeurs du temps.
En vérité, c'est un parti communiste nouveau que nous bâtissons, pour que le mouvement de la transformation sociale de notre pays, pour que les hommes, les femmes, les jeunes qui aspirent à vivre autrement disposent d'un outil politique encore plus efficace afin de changer la vie et changer le monde.
Un parti communiste, dont l'ambition est bien plus élevée que de se fondre dans la social-démocratie ou d'en constituer "l'aile gauche".
Le Parti communiste, c'est le parti politique qui refuse et combat toutes les inégalités et discriminations, les agressions contre l'environnement, l'insécurité alimentaire, les injustices sociales auxquelles un nombre croissant d'êtres humains sont soumis. Il y voit une logique, à l'uvre au cur même du fonctionnement de la société et du monde: la logique du capitalisme. C'est donc le parti de la transformation de la société, le parti d'un projet communiste, qui vise non pas à "aménager" le capitalisme, mais à le dépasser pour en libérer la société.
C'est cela, le sens du 30ème Congrès, du congrès fondateur de Martigues.
Au moment où monte et s'affermit, en France et dans le monde, la contestation du capitalisme, du libéralisme et de la mondialisation de concurrence sauvage, nous sommes en phase avec ces aspirations à une autre organisation de la société; à un nouvel élan donné à la civilisation. C'est de ce côté qu'il faut se tourner pour construire l'avenir. Et c'est pour cela que nous sommes communistes, que nous sommes le Parti communiste moderne, ouvert, disponible dont la France du 21ème siècle a besoin.
Je voulais, chers amis et camarades, faire ce rapide rappel devant vous non seulement parce qu'il intéresse le 80ème anniversaire de notre Parti, mais aussi, vous l'avez compris, parce qu'il est en rapport direct avec l'actualité récente.
Permettez-moi d'en évoquer à présent quelques aspects.
Et d'abord je veux devant vous revenir sur les propos tenus jeudi soir par le Chef de l'Etat.
J'ai dit, immédiatement après sa prestation, qu'il n'avait pas levé les doutes relatifs à son rôle dans ce qu'il est convenu d'appeler les "affaires". Je maintiens cette appréciation.
Au-delà, ce qui est surtout remarquable dans l'intervention présidentielle c'est ce qui n'y est pas. Ainsi le Président de la République minore gravement les conséquences de la situation actuelle. Il n'y a pas, selon lui, de crise politique en France aujourd'hui. C'est une appréciation un peu rapide et, pour tout dire, bien "légère" de la part de l'homme qui occupe les plus hautes fonctions de l'Etat.
Quant à moi, je pense le contraire: notre pays traverse une crise de la politique à bien des égards préoccupante. Les signes en sont nombreux: le taux d'abstention aux diverses élections - sept Français sur dix se sont abstenus au référendum de septembre dernier! - L'attitude plus que réservée des jeunes à l'égard des partis et des responsables politiques; la baisse très sensible de l'engagement militant; et surtout, la défiance grandissante à l'égard de celles et ceux qui occupent des responsabilités, dans les institutions de la France et dans les partis.
Je ne cherche nullement, disant cela, à dramatiser ce constat, que tout le monde est à même de faire. Mais, je ne veux pas le cacher, il appelle selon nous des initiatives politiques significatives. Jacques Chirac n'en a pas dit un mot.
Or le chantier est vaste, et les attentes nombreuses. Par exemple en matière de transparence de la vie politique, et de fonctionnement - donc, notamment, de financement - des partis politiques.
Ou bien encore afin de revaloriser le rôle du parlement, et de permettre en son sein une plus juste représentation du pluralisme politique constitutif de l'identité de notre pays. Cela passe par le recours à la proportionnelle qui permettrait, en outre, un plus large accès des femmes aux responsabilités publiques.
Et il est temps, grand temps, de promouvoir une véritable démocratie participative, un accès direct des citoyennes et des citoyens aux débats, aux lieux de décision qui intéressent leur vie quotidienne et leur avenir. Il n'est plus possible de continuer sur une lancée initiée il y a un demi-siècle, où le pouvoir - tous les pouvoirs en vérité - est concentré entre les mains de quelques-uns, tandis que l'immense majorité des Françaises et des Français s'en trouve dépourvue.
Défendre "bec et ongles" ce système d'une autre époque, c'est prendre le risque de "couper" toujours davantage le peuple des politiques, et c'est donc mauvais pour la démocratie.
Non vraiment, avec l'intervention présidentielle de jeudi dernier, le compte n'y est pas. Pas plus qu'avec la proposition d'inverser le calendrier électoral de 2002, en faisant précéder les élections législatives par l'élection présidentielle.
Un débat aura lieu sur ce point mardi prochain à l'Assemblée nationale, et j'aurai l'occasion de m'y exprimer.
Je veux simplement dire que je suis résolument opposé à ce projet d'inversion, car il ferait, encore plus qu'aujourd'hui, de la présidentielle l'élection structurante de la vie politique. Les législatives seraient réduites à une simple formalité destinée à confirmer a posteriori l'élection du Président et à lui donner une majorité "monocolore". Permettez-moi de le dire très directement: cette subordination transformerait le Parlement en une "assemblée godillot".
Une telle perspective est dangereuse pour la démocratie et le pluralisme, en cela qu'elle vise à limiter au maximum la présence politique des formations qui ne comptent pas dans leurs rangs de responsables réputés "présidentiables"
Et c'est en plus un signe de grave surdité politique. Parce qu'enfin, rappelons-nous le référendum sur le quinquennat et ses 70% d'abstention que j'évoquais précédemment. C'est bien parce que nos concitoyens - toutes sensibilités politique confondues - n'ont pas ressenti qu'il s'agissait là d'une vraie réforme de modernisation des institutions qu'ils n'ont pas voulu voter.
Or, moins de trois mois après, on leur ressert une nouvelle astuce politicienne en guise de réponse à des préoccupations qui demandent un large débat citoyen, et des mesures inédites, novatrices, à la mesure des bouleversements des rapports humains qui caractérisent notre époque.
Là encore, le compte n'y est pas, et c'est ce que je me propose de dire mardi, en avançant des propositions pour une vraie modernisation et une authentique démocratisation de la vie politique.
L'actualité du moment, chers amis et camarades, c'est aussi, bien sûr votre vie quotidienne et la qualité des réponses apportées par le gouvernement aux problèmes qui vous assaillent.
Vous vous souvenez: il y a plus d'un mois, le 7 novembre, c'était le sommet de la gauche plurielle, réuni à mon initiative. Pour l'essentiel, les raisons qui m'avaient incité à faire cette proposition demeurent.
Les Françaises et les Français constatent qu'à l'heure de la croissance, ce sont les profits, les revenus financiers, les fortunes qui, littéralement, "explosent", alors que celles et ceux qui n'ont que leur travail pour vivre - et parmi eux celles et ceux qui sont confrontés à des difficultés inextricables, - ne reçoivent que des miettes. Ils constatent que si les chiffres de l'emploi s'améliorent les plans sociaux, les plans de licenciements n'en continuent pas moins, tandis que la précarité gagne sans arrêt du terrain.
C'est pour ces raisons que le sommet a eu lieu. Il s'est conclu par une déclaration commune contenant 75 engagements.
Ce texte ne nous donne certes pas entière satisfaction. Mais, tel qu'il est, il préconise un comportement politique et des mesures sociales, économiques, démocratiques qui supposent une inflexion nette de la politique suivie actuellement par le gouvernement.
Seulement, il faut passer aux actes, et vite! D'abord, c'est à mes yeux une priorité absolue, au bénéfice des millions de Françaises et de Français qui n'ont pour vivre - pour survivre en vérité - que les minima sociaux. Les communistes sont naturellement satisfaits de la prime de fin d'année qui va leur être versée. Nous souhaitions cette mesure, et nous l'avions dit à plusieurs reprises.
Mais il ne s'agit que d'une prime. Dès janvier 2001, il faudra de nouveau se contenter des maigres minima revalorisés de seulement 2,2%. Ce n'est sans doute pas indifférent à celles et ceux qui les perçoivent, mais c'est vraiment trop peu!
Nous, nous voulons - et la déclaration du 7 novembre l'a précisé sur notre insistance - que personne dans notre pays ne soit obligé de vivre en dessous du sinistre "seuil de pauvreté", c'est-à-dire avec moins de 3800 francs par mois.
Cette question est capitale, j'y insiste. Quand on parle de minima sociaux, on ne parle pas de chiffres abstraits. Des millions de gens sont concernés. Pour eux il est incompréhensible et profondément injuste que les bons résultats dont tout le monde se réjouit ne leur soient pas davantage distribués.
Le gouvernement doit s'engager dans ce sens, sans tarder, et en agissant au niveau des attentes des citoyennes et des citoyens. Je ne crains pas de le dire: il y va de sa crédibilité. Et je fais une proposition. Il y a tout lieu de penser que 17 à 22 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires sont attendus, en plus de la "cagnotte" déjà annoncée et affectée.
Eh bien, utilisons-les sans attendre à revaloriser les minima sociaux - le RMI en particulier - de 500 F. en plus des 2,2% déjà prévus. Cela coûterait 9 milliards pour 1,5 million de bénéficiaires.
De la même façon, et là aussi pour que des actes soient pris en conformité avec les intentions affichées par le sommet de la gauche, il y a à prendre des mesures concrètes pour lutter contre la précarité, dont j'ai dit qu'elle ne cesse de gagner du terrain.
Les formations de la gauche plurielle ont estimé ensemble qu'il fallait, je cite "pénaliser financièrement le recours aux emplois précaires" et, par ailleurs, développer "la reconnaissance des droits des salariés précaires".
Pourquoi, dans ce domaine, ne pas passer aux actes?
Par exemple en organisant un prélèvement sur les revenus financiers des entreprises qui développent la précarité, ou en augmentant le taux de leurs cotisations sociales patronales.
En revanche, plus elles s'engageraient à créer des emplois stables - ou à convertir des emplois précaires en emplois stables - plus elles pourraient bénéficier de crédits à taux réduits pour leurs investissements.
J'ai voulu prendre ces deux exemples parce qu'ils me paraissent révélateurs de ce que le gouvernement de gauche plurielle peut entreprendre, vite et sans avoir à surmonter de difficultés particulières.
J'aurais pu évoquer aussi la transformation des emplois-jeunes en emplois stables - et que l'on se garde bien de décevoir les jeunes: ils sanctionneront durement ceux qui n'auront pas tenu leurs promesses - ou le problème de la revalorisation des petites retraites, ou encore la lutte contre les licenciements.
Dans tous les cas, je persiste à dire que le gouvernement a la responsabilité d'ancrer son action plus sensiblement à gauche, comme y invite les engagements du sommet du 7 novembre dernier.
C'est dans cette voie, dans cette voie seulement, qu'il gagnera durablement la confiance d'une majorité de Françaises et de Français.
C'est donc la façon la plus efficace de préparer l'avenir, et notamment les prochaines échéances électorales.
Parmi celles-ci il y a, vous le savez les élections municipales et cantonales de mars 2001.
Ce sont des élections extrêmement importantes. Les Françaises et les Français les ressentent ainsi, parce qu'il s'agit pour eux d'élire des femmes et des hommes de proximité, qu'ils peuvent interpeller plus directement que d'autres sur tout ce qui touche leur vie quotidienne.
J'évoque ces élections ici, dans les Alpes-de-Haute-Provence, où la gauche exerce la direction du conseil général. Plus que jamais, bien sûr elle doit continuer à gérer cette importante collectivité territoriale. Et pour cela, sans esprit de boutique, il est indispensable que la présence communiste en son sein soit confirmée avec la réélection du conseiller général communiste sortant, et même renforcée avec le gain possible des cantons des Mées et de Moustier.
J'ai la conviction que vous pouvez, que vous allez y parvenir. Quant aux élections municipales, il faut que les accords soient rapidement conclus, notamment à Sisteron, Manosque, et Sainte Tulle où ce n'est pas encore le cas, afin que dans votre département, comme partout ailleurs en France, des listes de la gauche plurielle soient constituées en plus grand nombre possible. A cette condition, il sera possible à la gauche de conserver les villes et cantons qu'elle dirige ou représente déjà, et d'en gagner d'autres sur la droite et l'extrême droite.
Chers amis, chers camarades,
Je veux, pour conclure mon propos, vous dire une fois encore combien il m'est agréable d'être des vôtres aujourd'hui. Si j'ai pris un peu de temps pour vous dire ce qu'inspire aux communistes la situation de notre pays en cette fin d'année c'est que, vous l'aurez compris, notre seule ambition est d'être utiles aux Françaises et aux Français.
Nous voulons être des femmes et des hommes communistes disponibles, ouverts, en permanence attentifs aux aspirations citoyennes, aux attentes populaires d'une politique répondant mieux à la diversité des besoins qui s'expriment dans la société. Et nous nous efforçons d'être ainsi partout: dans la majorité, au gouvernement, dans le mouvement social et dans les luttes.
Alors, permettez-moi, pour conclure, d'adresser une invitation à celles et ceux d'entre vous qui ne sont pas membres de notre Parti. Je vous le dis simplement: vous y êtes les bienvenus si vous souhaitez le rejoindre.
Nous avons besoin de votre intelligence, de votre expérience. Et vous trouverez au parti communiste les moyens d'un militantisme moderne, efficace, respectueux des sensibilités de chacune et de chacun.
Vous y trouverez la solidarité, le sens du partage, le goût du débat, de la réflexion pour agir, pour s'épanouir et être utile.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.pcf.fr, le 08 janvier 2001).