Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, à France 2 le 6 avril 2009, sur les violences commises à Stasbourg durant le sommet de l'OTAN et sur le débat sur la loi de développement économique et l'ouverture prochaine des états-généraux de l'outre-mer.

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Média : France 2

Texte intégral

O. Galzi.- Bonjour Monsieur le secrétaire d'Etat. On va parler de l'Outre- Mer, mais, d'abord, une question d'actualité - une autre question d'actualité - : la polémique enfle ce matin sur ce qui s'est passé à Strasbourg, en marge du sommet de l'OTAN. Des casseurs ont pu ravager un quartier pendant une demi-heure, sans que les forces de l'ordre n'interviennent. Est-ce qu'il y a eu manquement du ministère de l'Intérieur, votre ministère de tutelle ?
 
Ecoutez, ce qui est étonnant, c'est qu'on polémique sur ce sujet, il faudra voir évidemment la réalité de ce qui s'est passé, mais on devrait polémiquer sur les casseurs. Ce qui est scandaleux, c'est qu'il y ait des gens qui aient éprouvé le besoin de passer d'une manifestation à de la violence et de la casse, c'est ça qui est scandaleux...
 
Mais ça, on s'en doutait, il y avait 10.000 forces de l'ordre dans la ville...
 
On s'en doutait, mais on ne le dénonce pas assez, on ne dénonce pas assez ceux qui jettent de l'huile sur le feu, ceux qui, comme madame Royal, ce week-end, jouent les pompiers pyromanes, en disant que, on est passé avec elle de l'ordre juste au désordre juste ; on semble tout justifier, y compris la casse et la violence. C'est ces discours politiques qui entraînent ces situations qui font qu'effectivement, derrière, il y a des images qui sont totalement inacceptables, et qu'il faut que la justice soit ferme. Il faudra qu'il y ait une enquête, il faudra dire comment les choses se sont déroulées réellement, mais les coupables, ce sont les voyous, ce sont les casseurs, et personne d'autre.
 
Et qui doit payer, d'après vous, le maire de Strasbourg demande à l'Etat de prendre ses responsabilités ?
 
Vous savez, ce sera forcément une forme de solidarité nationale qui le prendra en charge, les assurances, la solidarité nationale. C'est scandaleux que l'impôt des contribuables, des gens qui travaillent, serve à payer le fruit de la casse d'une poignée de voyous qui a décidé de prendre la rue en otage, et qui a décidé de transformer des revendications en violences gratuites.
 
On va parler maintenant de l'Outre-Mer. La loi de développement économique de l'Outre-Mer arrive aujourd'hui à l'Assemblée. Dans quelques jours, il y aura les états-généraux de l'Outre-Mer. D'abord, est-ce que ce n'est pas un peu surprenant de faire la loi avant la grande consultation ? Normalement, la logique voudrait que ça soit plutôt l'inverse, non ?
 
C'est une première étape, cette loi, il y en aura sans doute d'autres après, en fonction de ce qui émergera des états généraux. C'est une loi de conjoncture économique. L'Outre-Mer souffre, il y a des difficultés économiques, les conflits l'ont démontré. Donc on veut conforter l'économie, conforter les entreprises, et puis, commencer à faire ce qui était d'ailleurs réclamé dans les manifestations, cette loi ayant d'ailleurs été préparée avant, ce qui prouve bien qu'on était en phase avec l'évolution nécessaire, c'est-à-dire faire plus de productions locales, moins d'importations, plus de logements sociaux, voilà les deux grands objectifs de cette loi. Elle est urgente parce qu'il y a beaucoup d'attente, mais évidemment, les états-généraux généreront sans doute d'autres textes législatifs pour transformer le modèle.
 
Alors justement, les états-généraux apparemment ne vont pas avoir beaucoup de succès en Guadeloupe, les grandes centrales syndicales ont annoncé hier qu'elles n'y participeraient pas, notamment celle d'E. Domota. Est-ce qu'il n'est pas un peu mort né, du coup, ce principe d'états-généraux ?
 
Si vous considériez que les états-généraux, c'était juste un dialogue avec les syndicats, ça serait...
 
Non, mais enfin, c'est quand même E. Domota qui a mené la fronde en Guadeloupe pendant 44 jours...
 
E. Domota et le LKP ont mené le front de la discussion sociale, ça a d'ailleurs abouti à un accord social. Maintenant, il faut engager la discussion sociétale. Ça va bien au-delà des problèmes qui étaient sur la table, sur l'organisation de la société, sur ses grands projets, sur l'égalité des chances, sur les rapports avec la métropole, sur la gouvernance ; moi, j'étais en Guadeloupe il y a une semaine, tous les élus vont participer et toutes les associations de la société civile vont participer...
 
Mais les élus ont un peu - pardon - été décrédibilisés dans ce qui s'est passé en début d'année, ce n'est pas eux qui ont obtenu les avancées...
 
Eh bien, dans une démocratie, ce sont tout de même eux qui ont la légitimité, parce qu'ils ont été élus. Vous savez, il y a une poignée d'individus qui sont... prennent souvent la tête de revendications sociales, qui n'ont pas tort sur tout, je l'ai dit, mais qui n'ont pas la légitimité qu'ont les élus. Donc il faut aussi faire travailler tout le monde. Le LKP avait deux choix à la sortie des manifestations : soit, de rentrer dans la concertation - et moi, je regrette qu'il ne rentre pas dans la concertation -, soit, d'être dans la marginalisation. Eh bien, ils ont choisi d'être dans la marginalisation. Je pense que les Guadeloupéens ne seront pas très satisfaits de cette position, parce qu'ils attendaient que le LKP soit aussi force de propositions.
 
Ce que dit monsieur Domota, c'est que, apparemment, tout ce qui a été signé ne sera pas fait, et il y a une inquiétude notamment sur cette augmentation des 200 euros qui ne serait pas pérenne au-delà de trois ans. Est-ce qu'il y a un recul du Gouvernement de ce côtélà, des décisions doivent être prises bientôt ?
 
D'abord, il faut noter que l'accord a été signé avec une partie du patronat et qu'il y a une partie du patronat qui a refusé de le signer, que selon les règles du code du travail, un syndicat, en l'occurrence, FO, a sollicité les procédures du code du travail pour étendre cet accord à toutes les entreprises. Le Gouvernement... le ministre du Travail annoncera les décisions du Gouvernement cette semaine...
 
Mais quelles seront-elles, est-ce qu'il va être étendu totalement, cet accord, c'est ce que demande monsieur Domota ?
 
Dans la semaine, le ministre du Travail va l'annoncer. Moi, je peux vous dire ce à quoi je suis favorable, moi, je suis favorable à l'extension de cet accord...
 
Total ?
 
En prenant modèle sur ce qui s'est passé en Martinique. En Martinique, il y a un accord qui a été signé, qui permet des augmentations de salaires dans les mêmes conditions qu'en Guadeloupe...
 
Mais sans la garantie d'ici à trois ans...
 
Cet accord effectivement ne préjuge pas de ce qui se passera dans trois ans. Honnêtement, est-ce que ce serait bien sérieux d'imposer à des entreprises, alors qu'on est dans une conjoncture économique qui change brutalement de semestre en semestre, des mesures dans trois ans. Je crois qu'il faut apporter une garantie aux Guadeloupéens : c'est ce que ce qui a été négocié sera respecté. Moi, je suis favorable à l'extension de cet accord, mais sur le modèle de celui qui a été signé en Martinique, et d'ailleurs, je note qu'en Martinique, tant le patronat d'un côté, que les syndicats de l'autre, ne contestent pas cet accord. Donc puisqu'il y a un accord qui marche, qui donne satisfaction, c'est peut-être celui-ci qu'il faut attendre...
 
La Martinique, ce n'est pas la Guadeloupe, est-ce que ce n'est pas un petit peu...
 
Ce n'est pas très loin, et l'économie n'est pas très différente, même si ce n'est pas évidemment le même territoire ni forcément la même approche...
 
Est-ce que ce n'est pas un petit peu une conséquence de votre manière d'avoir géré la crise à ses débuts - ça vous avait été reproché d'ailleurs -, d'avoir finalement tout cédé ou presque dès le départ sur les revendications du LKP, et aujourd'hui, on a le sentiment, eh bien, qu'il faut un peu faire marche arrière, parce que c'est plus compliqué que ça.
 
D'abord, ça, c'est une vision très réductrice. Si j'avais tout cédé, les choses seraient réglées très vite. La crise a été longue, justement parce que c'était compliqué, justement parce que les partis ne pouvaient pas se parler, justement parce que, par exemple, le Medef, quand il a fallu négocier cet accord, n'était plus à la table des négociations ; il vient aujourd'hui dénoncer un accord qu'il a refusé de négocier. On voit bien qu'il y a des problèmes de dialogue social qui sont des problèmes considérables. On voit bien que c'est souvent la tension qui l'emporte sur la concertation. Il y a donc la nécessité de faire en sorte, d'abord, de soigner l'avenir, et puis, surtout, d'apporter des réponses. Le Gouvernement va les apporter, mais dans le cadre du droit du travail. Donc il faut rassurer les Guadeloupéens qui pourraient être inquiets ; les mesures, qui ont été négociées, de sortie de crise seront des mesures qui s'appliqueront. La question de savoir si dans trois ans, on peut imposer à des entreprises, notamment à des PME, des mesures est une question, à mon avis, qui est annexe et accessoire, je crois que l'important, c'est que la société puisse se remettre et puis qu'on travaille le fond.
 
A l'époque, il avait été dit que le président de la République vous en voulait beaucoup pour la manière dont vous aviez géré la crise, ça va mieux maintenant ?
 
Vous savez, quand on en veut à un ministre, c'est simple, il n'est plus ministre, donc je ne serais pas là...
 
Il y a eu des rumeurs d'ailleurs la semaine dernière de votre départ...
 
Si les rumeurs étaient vraies, je ne serais sans doute pas là pour vous en parler ce matin.
 
Donc ça n'était que des rumeurs ?
 
Il faut toujours se méfier dans les moments de crise de ceux qui racontent, qui disent... L'essentiel c'est qu'on aboutisse à des accords, l'essentiel c'est que des accords s'appliquent dès cette année. L'essentiel c'est qu'on travaille à un nouveau modèle. Et l'essentiel c'est qu'il y ait la confiance évidemment au sein de l'exécutif, et je peux vous dire qu'elle existe, et puis, la confiance surtout sur le terrain ; j'ai été passé une semaine aux Antilles, et j'ai pu noter que, tant du côté patronal que du côté syndical, il y avait une reconnaissance de l'action du Gouvernement, qui avait évité le drame. C'est ça le plus important.
 
En parlant de terrain, dernière question, le président de la République avait dit qu'il se rendrait sur place une fois que le calme serait revenu, on a une date maintenant ?
 
Je crois que les choses approchent, il y a une actualité internationale qui fait que le président de la République s'est mobilisé beaucoup sur la crise mondiale, et heureusement à la fois pour la France et pour l'évolution internationale des problèmes...
 
Donc pas de date ?
 
Je pense que la date sera fixée très vite. Les états-généraux, vous savez, c'est avril, mai, avec une synthèse en juin, à Paris, donc c'est dans ce calendrier-là.
 
Merci d'avoir été avec nous ce matin, Monsieur Jégo.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 avril 2009