Interview de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, à I-télévision le 6 avril 2009, sur l'information des parlementaires concernant l'application des réformes, l'activité parlementaire et les violences durant le sommet de l'OTAN à Strasbourg.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Notre invité politique ce matin, c'est R. Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Vous préparez un tour de France avec les parlementaires sur la manière dont les réformes sont appliquées sur le terrain et vous envoyez aujourd'hui une note à chaque parlementaire sur l'état des réformes. Cela veut dire que certains auraient perdu de vue l'efficacité du gouvernement ?
 
Non, ce n'est pas tout à fait ça. Le président de la République m'a demandé d'envoyer à tous les parlementaires, département par département, l'état des lieux si je puis dire, c'est-à-dire combien de primes de solidarité active, combien de personnes dans leur département sont concernées par les hausses de la retraite, combien de personnes concernées etc., etc., par la prime de 200 euros, la prime de 150 euros ? Donc, on est en train, et aujourd'hui, ils vont tous recevoir, députés et sénateurs, tous recevoir département par département, la réalité concrète de ce qui a été voté.
 
Parce qu'ils ont perdu de vue la réalité ?
 
Non parce que beaucoup voient au Parlement et ensuite, sur le terrain, sont dans des données nationales pas forcément très localisées.
 
Donc, vous leur donnez les armes pour défendre le Gouvernement ?
 
On leur donne les armes concrètes pour dire, "voilà la réalité concrète chez vous", et je viendrai avec eux, dans un certain nombre de départements, voir comment ça s'applique, qu'est-ce que donnent finalement les lois. Parce que beaucoup de gens nous disent, "vous votez beaucoup de lois mais est-ce que réellement, concrètement sur le terrain, on voit la traduction ?" On va ensemble marquer cette traduction.
 
Même si il faut leur mâcher un peu le travail ?
 
Il faut le faire ensemble. Je n'ai pas dit "mâcher". Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui mâche le travail des autres ? Non, je les accompagne.
 
Oui d'autant qu'en ce moment, ça s'agite un peu, ça rue dans les brancards. La semaine dernière par exemple au Sénat, les centristes ont adopté avec la gauche un amendement sur la rémunération des patrons des entreprises aidées, alors que le Gouvernement a fait le choix clair de passer par décret. Cela veut dire qu'il y a plus de lignes, ça veut dire que chacun a le droit d'apporter sa pierre à l'édifice ?
 
Cela veut dire que le président de la République en 2007 a voulu...
 
Cela veut dire que le gouvernement et le président n'ont plus l'autorité nécessaire pour imposer leurs choix ?
 
Non, ce n'est pas du tout le cas. Cela veut dire que, en 2007, le Président a voulu une réforme constitutionnelle, qui a été votée en 2008, qui rééquilibre le pouvoir avec le Parlement, qui donne plus de pouvoir au Parlement. La gauche ne l'a pas votée d'ailleurs en disant, "non, non, on n'aura pas plus de pouvoir". On voit aujourd'hui un Parlement qui est doté de plus de pouvoir de contrôle et d'initiative législative. Alors qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que, de la part du Gouvernement, il faut plus d'attention, plus de négociation, plus de discussion et j'ai vu avec plaisir...
 
Un peu de "câlinothérapie" ?
 
Oui, mais bien sûr qu'il faut de la "câlinothérapie". D'abord, pourquoi est-ce que les parlementaires seraient les seuls hommes sur Terre à ne pas aimer la "câlinothérapie" ? Tout le monde en veut. Mais en même temps, cela veut dire un travail commun. Quand je travaille avec J.-F. Copé, avec Larcher, avec Accoyer, il y a du job, on travaille. Et puis on essaie d'avancer. Alors, ce qui est vrai, c'est qu'on verra le nouvel équilibre vrai, à mon avis, à partir de l'automne parce que, le temps de la mise en place, pour le moment, ça tâtonne ; les députés ou les sénateurs se disent : "est-ce qu'on peut avoir tel pouvoir ?".
 
Le sentiment que ça laisse et c'est, dit t-on, une inquiétude à l'Elysée, c'est que pour le coup l'électorat du premier tour de N. Sarkozy se demande où il veut en venir, où il veut aller. La loi pénitentiaire renvoyée sine die, la loi sur les beaux-parents, y compris les couples homosexuels, qui était pas très populaire dans la majorité il faut bien le dire, est enterrée apparemment, comme le travail du dimanche repoussé, comme la réforme du lycée. Cela fait beaucoup !
 
Oh la, du calme et du sang-froid. Non, d'abord le texte pénitentiaire, je vous le rappelle, est déjà passé dans une des deux assemblées. Il faut effectivement que nous trouvions une date pour le passer dans l'autre assemblée. Il ne s'agit pas de le renvoyer sine die du tout. Il y aura des modifications entre la lecture dans la première assemblée et la lecture dans la deuxième assemblée. Ces modifications sont en train d'être préparées, ce qui explique le décalage. Sur le statut des beaux-parents, vous savez que le Premier ministre a demandé à Leonetti, le viceprésident du groupe UMP à l'Assemblée, de travailler avec une mission pour...
 
Alors qu'il y a un texte de loi qui est prêt ?
 
Oui mais parce qu'il y a eu un certain nombre de sujets, d'ailleurs plutôt connexes par rapport à ce texte de loi ; donc, il vaut mieux les régler.
 
Ça, c'est le statut des beaux-parents et couples homosexuels ?
Pas seulement. Il y a un problème qui est lié non pas seulement au statut mais à vers tel type d'adoption va-t-on, dans quelle condition ?
 
Donc, une commission pour étudier un projet de loi ?
 
Mais c'est normal. Quel est le problème ? Le problème, c'est de dire : voilà le Parlement a beaucoup voté de lois. Quand moi, on me dit, "ah mais est-ce que ça avance ?". [Moi, je réponds] : 85 lois votées en même pas deux ans. 85 lois. Là, on vient encore d'adopter le texte Internet. Aujourd'hui, on repart sur le texte Outre-mer dans la deuxième assemblée. Ce sera fini à la fin de cette semaine. Je veux dire que le Parlement vote beaucoup. La majorité [est] fidèle, stable. Maintenant, qu'à l'intérieur de la majorité, sénateurs ou députés, il y ait des gens qui disent : "attendez vous nous avez donné de nouveaux pouvoirs, il faut que ça se voit un peu, il faut qu'on ait des idées, il faut qu'on avance un peu, il faut que parfois par rapport au gouvernement, on puisse dire on n'est pas totalement godillots..."
 
C'est fini, les godillots ?
 
Oui c'est fini et c'est la volonté du président de la République. Il dit : "moi, je ne veux pas marcher sur une jambe..."
 
Il paraît que ça l'agace quand même, le président de la République. Non ?
 
Quand vous discutez, quand vous débattez, mais sur le coup vous vous dites, "ah zut on aurait pu aller plus vite". Les parlementaires vont dire, "ah oui mais si on rajoutait une retraite chapeau"... Regardez C. Lagarde a dit hier : "très bien le texte de l'amendement Arthuis, en l'occurrence corrigé, ce texte, on l'appliquera". En clair, on est d'accord pour dire que le Parlement fait avancer les choses avec le gouvernement, et puis on peut discuter et si on trouve que ça va dans le bon sens, on avance tous ensemble. Mais c'est normal. La démocratie et le renforcement des pouvoirs du Parlement, ça ne peut pas être "on fait semblant de vous donner du pouvoir, mais surtout vous ne les utilisez pas parce que vous allez nous casser les pieds ; donc, vous les utilisez, on discute, on négocie, on avance ensemble". L'essentiel, c'est que les Français voient des résultats concrets.
 
On marque une pause, on parle de la polémique Royal. De ce qui s'est passé à Strasbourg. Et du titre du prochain livre de F. Bayrou qui s'appelle justement "Abus de pouvoir". (...).Y. Jégo, votre collègue du Gouvernement, est revenu sur les propos de S. Royal dans le Journal du Dimanche d'hier. S. Royal considère que les salariés doivent forcer le barrage de l'injustice absolue et d'une certaine mani??re comprend les séquestrations sans violence de dirigeants d'entreprise. "Elle est un pompier pyromane", dit Y. Jégo.
 
Oui, je ne sais même pas si elle est pompier et pyromane tout court. Autant dans des périodes de grande difficulté, on comprend les inquiétudes, on comprend l'exaspération de certains salariés, notamment dans des entreprises situées dans des zones déjà très touchées par le chômage. Pour autant qu'un dirigeant politique qui se veut présidentiable légitime les séquestrations, c'est quand même très violent.
 
Vous avez entendu la réponse de V. Peillon, hier sur l'antenne de I Télé, de France Inter avec Le Monde : "le vrai problème c'est le manque d'attention, c'est le Gouvernement qui attise les tensions".
 
Non il n'y a pas de manque d'attention. Vous savez que l'année 2008 a été l'année qui a été l'année maximum, si je puis dire, sur le temps consacré au dialogue social, sur le nombre de négociations etc. Non il y a eu une période très difficile à traverser, personne ne le nie. Et le président de la République l'a dit, crise financière, crise économique, la période est difficile. On va se battre et on se bat pour limiter la casse et pour faire en sorte de protéger au maximum les Français. Mais il ne faut pas que, dans cette période où on pourrait espérer un minimum d'unité nationale pour sortir de la crise, il ne faut pas qu'il y ait des pyromanes tout court, même pas pompiers d'ailleurs, mais des pyromanes tout court. Qu'est-ce que ça veut dire de dire, on légitime les séquestrations ? Franchement non. Il y a des discussions, il peut y avoir des rapports compliqués, il peut y avoir des interventions de l'Etat. De là à dire... parce que quand on commence à dire, on légitime la séquestration non violente...
 
Elle n'a pas dit "on légitime", S. Royal...
 
Enfin, on dit "je comprends les séquestrations à condition qu'elles soient non violentes", c'est la première phase. Moi je crois que là-dessus, il faut faire extrêmement attention. Oui au dialogue social, oui au fait d'être aux côtés des salariés quand ils sont dans cette exaspération et dans cette inquiétude, mais enfin, il faut conserver raison.
 
(Propos de B. Hamon).
 
Je ne vais pas me mêler des affaires du Parti socialiste. Mais enfin si monsieur Hamon veut dire que lui et ses amis n'ont pas été capables de remplir un Zénith quand S. Royal l'a rempli, certes pour faire un peu télé-évangéliste. Mais enfin, elle, au moins elle remplit les salles. Oui si c'est ça, oui, mais enfin je ne crois pas que ce soit uniquement le fait de remplir les salles qui fait qu'on soit présidentiable.
 
O. Besancenot sur France Inter ce matin tient l'Etat pour responsable de ce qui s'est passé à Strasbourg lors des violences. Il était d'ailleurs lui-même dans la manifestation.
 
Je trouve cela hallucinant. Vous avez des gens qui quasiment viennent casser ; parce qu'il faut le dire, pas seulement à Strasbourg, ça c'était fait déjà à Gênes. Vous avez, lorsqu'il y a des sommets de l'OTAN, des gens qui sont quasi des professionnels de la casse, qui viennent sur les sommets anti-OTAN, sur des organisations et tout. Ils sont là, ils viennent vraiment avec la volonté de casser. Ils ont brûlé un hôtel, ils ont brûlé un poste de douane, ils ont brûlé je ne sais pas quoi. Enfin bref, très bien. Les types, ils sont là pour casser. Vous protégez le sommet. Vous avez des incidents beaucoup plus et de loin provoqués par des manifestants qui eux-mêmes étaient des casseurs qu'autre chose. Et après on vient vous dire, comment ça ? Il y a eu des incidents ? C'est excessif et tout.
 
Le maire de Strasbourg, R. Ries dit lui-même ce matin qu'il y a sans doute eu un problème dans la chaîne de commandement, dans le maintien de l'ordre.
 
Non, attendez, le maire de Strasbourg il a été informé, associé, M. Alliot-Marie l'a redit à l'Assemblée nationale la semaine dernière, sur toutes les mesures de sécurité qui étaient prises par rapport au sommet.
 
Vous voyez bien, on a protégé le sommet de l'OTAN et les chefs d'Etat et on a laissé les casseurs mettre à sac une partie de Strasbourg. Voilà le reproche qui est adressé.
 
On a protégé l'ensemble de la ville. Quand vous avez des bandes de casseurs totalement déterminés qui veulent vraiment l'affrontement, qui veulent vraiment casser un magasin, franchement, c'est un climat inacceptable. Moi je préfèrerais que monsieur Besancenot qui dit qu'il est la vitrine officielle, claire, plutôt modérée de toute cette mouvance d'extrême gauche, très bien mais que monsieur Besancenot condamne plutôt les actes des casseurs plutôt que de dire, "c'est l'Etat qui est responsable". Franchement. Vous voudriez quoi ? Que l'Etat n'ait rien fait, qu'il n'y ait pas eu de policiers à Strasbourg, qu'on ait laissé la ville livrée aux pillards, aux casseurs ? Bien sûr que non. Bon alors, il faut quand même que chacun comprenne que la sécurité de tous, c'est aussi le respect de la loi et c'est le fait de prendre des mesures contre les casseurs et M. Alliot-Marie, elle a fait le job et puis c'est tout. Qu'est-ce que vous voulez faire ?
 
Je reviens à la politique politicienne, si j'ose dire, mais ça fait partie de la cuisine bien évidemment. L'UMP a bien du mal à mettre au point ses listes aux européennes et ça fait sourire le Parti socialiste qui à l'époque avait lui-même eu du mal dans une région, disent les socialistes, alors que vous en avez 22.
 
Non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. D'abord parce que nous, nous avons désigné très vite toutes nos têtes de liste.
 
Ça coince ou pas ? Vous entendez bien ma question. Est-ce que vous avez du mal à avoir aujourd'hui une union majoritaire ?
 
Non il n'y a pas de difficulté. Il y a simplement le fait que dans les deuxièmes parties de liste, vous avez des gens qui sans forcément être éligibles veulent être positionnés pour avoir une visibilité politique sur la suite. Donc, il peut y avoir désaccord avec le Nouveau Centre, avec tel ou tel.
 
Il faut faire la cuisine tranquillement, ça viendra ?
 
Mais sincèrement, nos têtes de liste sont déjà dans la campagne européenne. Regardez en Ile-de-France, M. Barnier et R. Dati sont déjà dans leur campagne européenne. Et pareil chez les autres. Donc, ce qui compte, c'est justement cet effet d'entraînement. Finir les listes, ce n'est pas un souci. Franchement je pense que le Parti socialiste, qui a bien du mal à faire quoi que ce soit en ce moment, ferait bien de commencer par se réorganiser avant de regarder à l'UMP où les choses vont bien, merci.
 
F. Bayrou va publier un livre sans doute à la fin du mois d'avril. On connaît le titre. C'est un confidentiel du Figaro, "Abus de pouvoir". Ce sera une charge très lourde contre le président de la République. On dit qu'il s'entend très bien avec D. De Villepin par ailleurs, en ce moment. Ils pourraient former un groupe ensemble. Vous craignez cette coalition ?
 
Un groupe où ça ? D. De Villepin n'étant pas élu, je ne sais pas...
 
Il dit avoir rassemblé une vingtaine de députés autour de lui.
 
Enfin bon on ne va pas épiloguer là-dessus. Moi, je ne sais pas du tout. Je n'ai pas, par définition, lu encore ce livre certainement passionnant de F. Bayrou qui se complaît dans une position presque plus opposante que l'opposition de gauche. Je ne suis pas sûr que ce soit compris par les Français, je ne suis pas sûr que ce soit compris par beaucoup de ses amis politiques et je pense que ce n'est pas une position politique d'avenir, ni même compréhensible. On peut avoir été, avoir fait un score en 2007 et puis depuis on ne comprend pas très bien. Mais je lirai avec intérêt "Abus de pouvoir". Je suis sûr que ça va être fascinant.
 
J'entends ça dans votre voix, cet enthousiasme est communicatif.
 
Oui, je n'ai pas beaucoup le temps de lire des livres, mais celui-là, je ne vais pas le rater.
 
Merci beaucoup R. Karoutchi. Bonne journée à vous pour votre tour de France et un bon voyage aussi en région.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 avril 2009