Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à La Chaîne Info le 6 avril 2009, sur les violences commises à Strasbourg en marge du sommet de l'OTAN et sur une manifestation violente à Bastia.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- M. Alliot-Marie, bonjour. 300 manifestants interpellés samedi à Strasbourg, après les violences de la journée. Une trentaine seulement encore en garde à vue, et 12 comparutions immédiates aujourd'hui. N'avez-vous pas laissé filer les principaux coupables... ou l'essentiel de ceux qu'on a vus sur les images ?
 
D'abord, ce que je veux dire, c'est qu'il faut saluer le travail des forces de l'ordre...
 
Tout le monde ne le salue pas.
 
Oui, mais attendez, elles avaient trois missions : permettre que ce sommet se déroule, dans les meilleures conditions ; cela a été le cas, tout le monde, le reconnaît. Deuxièmement, protéger les habitants, protéger les personnes, et je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas eu de blessés. Nous avons protégé les personnes. Troisièmement, permettre que la liberté de manifestation existe et il y a eu la manifestation même si elle a été perturbée par un certain nombre de violences. Alors certes, les forces de l'ordre n'ont pas pu tout empêcher, et il y a de la violence, et je comprends tout à fait le traumatisme des habitants de certains quartiers qui ont vu, un hôtel incendié, deux pharmacies attaquées, une station-service et un ancien bâtiment des douanes. Ca, je le comprends, aussi, tout à fait. Mais il faut bien voir, à quoi se sont heurtées les forces de l'ordre ? A 1.500 à 2.000 personnes venant de toute l'Europe, repérées par les polices des différents pays comme étant des gens qui sont des casseurs, qui sont des violents, qui sont des anarchistes prônant la violence. Je l'avais d'ailleurs dit avant. Tous les sommets de l'OTAN en particulier, font l'objet de violence inouïe.
 
2.000 casseurs et seulement une trentaine encore en garde à vue, et ils sont passés entre les mailles du filet ?
 
Non, ce qui se passe et qu'il faut bien voir, c'est que ce sont des petits groupes, des groupes d'une dizaine ou d'une quinzaine de personnes, qui sont très dispersés, qui vont très vite, et ensuite qui filent, qui se dispersent extrêmement vite. Et nous sommes obligés de faire très attention, aussi, à ce qu'il y ait une retenue, parce que vous savez les mêmes qui aujourd'hui, s'étonnent d'un certain nombre de violences, sont exactement ceux qui dès que la police intervient un peu fermement, y compris, sur ceux-là, sont prêts à toutes les indignations. Et moi, ce que je voulais, c'est qu'il n'y ait pas comme malheureusement cela s'est produit autrefois, de mort ou de blessé.
 
Vous souhaitez des sanctions très sévères contre ceux qui ont été interpellés, pour dissuader les autres la prochaine fois ?
 
Bien entendu, ils ont été interpellés, ils sont déférés à la justice, et ce que je souhaite, c'est qu'il y ait des sanctions extrêmement sévères contre eux, parce que c'est aussi un exemple, il faut que ce soit dissuasif, et puis je pense que c'est la moindre des choses par rapport aux habitants qui ont été traumatisés. Alors de ce point de vue, ce que je voudrais dire aussi, c'est que comme l'a annoncé le président de la République, il est évidement, qu'il y aura des indemnisations...
 
L'Etat paiera les reconstructions ?
 
Mais bien entendu, il y aura des indemnisations, il y a tout un système d'indemnisations qui est prévu. D'ailleurs le préfet dès samedi soir l'a annoncé, et a annoncé aussi qu'il recevrait les habitants qui ont éventuellement perdu quelque chose, pour mettre en place ces indemnisations.
 
Le maire considère que le quartier en question a été sacrifié. C'est-à-dire que la première mission « protéger le sommet » donc le centre ville, a amené à sacrifier ce quartier qui est plus déshérité ?
 
Ecoutez, monsieur Ries était avec moi, lorsque j'ai visité le dispositif lundi dernier. Et il m'a dit que ce dispositif lui semblait parfaitement adapté. D'ailleurs je note que samedi soir, sur une des chaînes de la vôtre, il a dit aussi ses remerciements, sa satisfaction du travail qui avait été accompli par les forces de l'ordre.
 
Qu'est-ce qui s'est passé alors ?
 
Je pense que monsieur Ries, qui est socialiste, est reparti un peu, je ne peux que le déplorer, vers la politique politicienne. Mais je tiens à dire une chose : effectivement, il y aura des indemnisations et si ce quartier est sacrifié, ce n'est pas du fait de l'OTAN qu'il est sacrifié, s'il y a des difficultés dans ce quartier, elles existaient bien avant le sommet de l'OTAN. Alors que monsieur Ries essaie maintenant de récupérer le plus possible, je dirais que je peux le comprendre, mais enfin, il ne faut pas non plus exagérer en la matière. Et il ne faut surtout pas mettre en cause les forces de l'ordre, qui encore une fois, dans des conditions extrêmement difficiles - et je voudrais que chacun le reconnaisse - ont permis de protéger les personnes. Ont permis de limiter les dégâts aussi.
 
"C'est légitime et cohérent qu'on dérape, les violences étaient prévisibles", c'est O. Besancenot qui déclare ça. Que lui répondez-vous ?
 
Je dis que c'est scandaleux. Et que monsieur Besancenot doit savoir que les violences ne font pas parties du dialogue démocratique. Alors il faut un jour ou l'autre savoir si on se place du côté de la démocratie, de l'expression de ses idées et c'est tout à fait normal dans un cadre démocratique. Et moi, qui suit en charge aussi, de la protection des libertés publiques, je fais tout ce que je peux, y compris en aidant à ce que les manifestations se passent au mieux pour les manifestants eux-mêmes. Mais on n'a pas le droit de s'exprimer par la violence et il est évident que ceux qui font des actes de violence seront toujours recherchés, poursuivis et je l'espère sévèrement sanctionnés.
 
L'allusion est claire : maintenir J. Coupat, en prison, tenir une ligne dure comme vous le faites, contre les militants d'extrême gauche, c'est de la provocation, voilà ce qu'on vous reproche ?
 
Je crois surtout, j'ai annoncé depuis des années, qu'effectivement avec la disparition ou l'affaiblissement considérable des partis extrêmes, notamment du Parti communiste, on voyait réapparaître des groupuscules, extrêmement violents, qui dénient toute action démocratique. Qui refusent de s'inscrire dans des voies démocratiques. Nous en sommes là ! Et moi, j'aimerais bien que l'indignation au lieu de se porter contre les forces de l'ordre, se porte contre ceux-là, qui comme certains le disaient sur certaines chaînes ce matin, ne sont là que pour détruire la société - le mot a été employé par l'un d'entre eux qui était interviewé - et donc pour commettre des violences et finalement pour pénaliser dans la société, qui ? D'abord les plus fragiles.
 
Alors vous étiez en Corse, hier, après les incidents de samedi qui ont blessé 70 policiers. Est-ce que sur place les forces de l'ordre ont été débordées par un mouvement prémédité, organisé ? On a vu surtout des jeunes.
 
Ce mouvement était effectivement très organisé, avec un système de guérilla urbaine. Les forces de l'ordre n'ont pas été débordées, elles ont fait preuve de beaucoup de courage, de beaucoup de sang-froid de beaucoup de retenue, aussi, qui a fait que quand il y a eu des blessés, les blessés ont été du côté des forces de l'ordre et donc...
 
Et personne n'a été interpellé, tout le monde a pu fuir ?
 
Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'est pas question de laisser ce type d'acte impuni. Nous avons récupéré un certain nombre d'images et un certain nombre d'éléments, notamment sur les gros boulons, sur les boules de pétanque, sur les boules d'acier qu'ils ont lancé contre les policiers, sur les explosifs qu'ils ont lancés sur les policiers. Et à partir de là, les enquêtes vont nous permettre de déterminer et d'interpeller. Mais ce que je veux dire, c'est qu'effectivement on a vu, devant, des très jeunes, mais la réalité, c'est que c'est très jeunes, par portable, notamment ou par porte-voix étaient encouragés ou dirigés par des plus âgés, qui étaient suffisamment lâches pour mettre devant des plus jeunes, sans doute, en espérant - parce qu'on voit bien leur dessein - qu'il pourrait y avoir des blessés ou des bavures de la part des policiers, et à ce moment-là fédérer des gens. Ce ne sont finalement que de tous petits groupes qui plus ils sont affaiblis sur le plan politique, plus ils sont violents, qui essaient d'agir ainsi, mais la population et je l'ai constaté, hier, en me promenant dans les rues de Bastia, de par les témoignages que j'ai reçus, la population a bien compris leur jeu et ne l'admet pas. Quand vous voyez écrit sur des murs : « les Français dans les fours » faisant allusion au four crématoire, vous voyez bien ce que sont les gens qui sont derrière ces actions.
 
"Nous sommes très fiers de la prise de conscience politique de notre jeunesse", affirme un dirigeant de Corsica Libera. Vous voyez un nouvel âge du nationalisme corse se développer ?
 
Non, je vois au contraire des gens - et cela m'a été dit également par tous les élus que j'ai rencontrés, hier - qui sont de plus en plus acculés, parce qu'ils savent que leur méthode ou que leurs idées sont rejetées par les Corses, qui eux, sont des gens qui sont des démocrates, qui sont courageux, qui n'envoient pas les enfants devant et qui sont des gens aussi qui sont profondément attachés à des valeurs, telles que celles du courage et de la loyauté.
 
La manifestation visait à protester contre la blessure d'un adolescent dans une manifestation précédente. On n'a toujours pas les résultats de l'enquête sur ce prétendu tir tendu ?
 
Non, on n'a pas les résultats de l'enquête, on ne sait pas ce qui a pu blesser, ni dans quelles circonstances cet adolescent a été blessé. Il y a aujourd'hui une enquête qui est en cours, une enquête judiciaire qui est en cours. Attendons les résultats de cette enquête.
 
Police et Gendarmerie, vous lancez des forums, ça ne travaille pas bien ensemble sur le terrain ?
 
Pas du tout ! Police et Gendarmerie vont rencontrer les Français. Ces forums, ils sont faits pour que les forces de sécurité qui sont là pour protéger les Français, puissent rencontrer ceux qu'elles sont en train de protéger pour qu'elles puissent expliquer comment elles agissent, pourquoi elles agissent. Tout doit être fait en transparence, dans le ministère de l'Intérieur parce que nous n'avons rien à cacher au contraire. Et d'un autre côté, ce que je souhaite, c'est que policiers et gendarmes entendent aussi nos concitoyens pour qu'ils leur disent, peut-être leur admiration pour leur travail, dans un certain [nombre de] cas. Mais également, leurs attentes, leurs demandes voire leurs incompréhensions. Je pense que l'établissement d'un lien de confiance entre police, gendarmerie, et population c'est un des éléments de notre démocratie.
 
M. Alliot-Marie, merci, bonne journée !
 
Merci à vous.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 avril 2009