Déclaration de M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur l'importance d'une démarche volontaire en vue de l'obtention d'un titre de séjour et de l'intégration dans la communauté nationale, Paris le 11 mars 2009.

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Circonstance : Remise d'un titre de séjour au réfugié afghan M. Sharif Hassan Zadeh, devenu champion de France Espoir de boxe française, à Paris le 11 mars 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Cher Sharif,
Cher Sharif, vous êtes très jeune et en même temps vous avez vécu tant de choses. Votre grande pudeur fait que nous ne connaissons pas tout ce que vous avez pu traverser avant d'arriver sur notre territoire. Ce que je sais en revanche, c'est que depuis que vous êtes en France, vous avez déployé une énergie exceptionnelle pour que votre vie prenne un sens ici.
Abandonné à votre sort par un passeur dans les rues de Lille, vous avez été accueilli par le foyer « Le Gîte », où les organisateurs font un travail exceptionnel d'accompagnement des mineurs en détresse. Ils sont aujourd'hui présents et j'en profite pour les saluer. Les filières d'immigration illégales font courir des risques inacceptables à des jeunes à peine sortis de l'enfance. C'est la volonté du Président de la République et de ce Gouvernement, de tout entreprendre pour que les mineurs isolés ne soient pas les victimes de ces réseaux qui exploitent la misère humaine.
C'était en 2006, il y a trois ans. Vous avez été tout de suite confié au pôle « enfance famille » dépendant du Conseil Général du Nord, sous la tutelle du service d'aide sociale à l'enfance : je tiens à rendre hommage aux services d'aide à l'enfance et au Conseil Général, qui sont ici représentés par Mme Magali CARON, responsable adjointe à la direction territoriale Enfance/Famille de Roubaix Tourcoing Métropole. Au « Gîte », Vous avez trouvé un point d'ancrage et un peu de stabilité. Vous y avez aussi découvert le sport. Et vous choisissez alors de vous consacrer à la boxe française, la savate. Vous y avez manifesté un talent hors du commun. Votre entraîneur, Bruno CARDOSO, comprend tout de suite qu'il a devant les yeux un garçon au potentiel et à la détermination extraordinaires. Les tournois et les victoires s'enchaînent. Vous devenez le héros du club le « Punch Boxe Française Savate Tourquennois ». Mais très vite votre renommée dépasse le cadre de votre ville d'accueil : et en quelques mois les rings ont fait de vous le jeune espoir de la France dans votre sport et votre catégorie. Aujourd'hui Vous êtes champion de France Espoir en catégorie super-léger de boxe française, un titre que vous avez obtenu il y a quelques jours sur un ring du Morbihan.
Je vous ai entendu à la télévision dire que vous souhaitiez défendre les couleurs de notre drapeau dans votre discipline. Je ne peux que vous y encourager.
Il est important que vous sachiez que la République reconnaît vos efforts, votre mérite, votre volonté de réussir votre vie. Je voudrais ajouter que votre valeur et votre talent ne se mesurent pas simplement, aux yeux de la République, à vos performances sur les rings. Votre désir d'appartenir à notre communauté, vous l'avez montré par la rapidité avec laquelle vous avez appris notre langue. La langue, c'est le fondement de l'appartenance à notre Nation. Le français n'est pas votre langue maternelle, mais vous avez montré que vous l'aimez déjà.
Dans quelques mois vous serez majeur et vous pourrez, si vous le souhaitez, demander à devenir français. Je ne pourrai qu'encourager cela et vous soutenir dans cette démarche. D'ici là, il est important que la France vous permette de continuer à faire grandir toutes vos ambitions dans notre pays.
Vous étiez jusqu'à présent en situation irrégulière. A la fin de cette année, vous ne serez plus mineur et comme la loi le prévoit, vous envisagez d'entreprendre une démarche volontaire pour demander votre régularisation. J'ai lu des choses édifiantes sur votre cas, qui insinuent que vous risquiez d'être expulsé. Je tiens à rassurer tous ceux qui ne connaissent pas très bien nos lois : l'article L 511-4 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile dit que « ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière, l'étranger mineur de 18 ans ».
Dans l'attente de vous voir faire acte de candidature pour ta naturalisation, j'ai tenu à vous recevoir ici pour vous remettre, en personne, votre titre de séjour. La loi s'appliquera, pour vous, comme pour tous ceux qui demandent à pouvoir séjourner sur le territoire français, ou intégrer la communauté nationale.
La France est un grand pays d'accueil et d'immigration, je le dis avec fierté.
Et ce ministère régalien, le Ministère de l'Immigration, incarne l'une des missions fondamentales de l'Etat, qui détermine qui a, ou non, droit de séjour sur son territoire. Aussi, la décision de vous remettre un titre de séjour est une décision réglementaire et souveraine de l'Etat.
L'identité nationale française ne repose sur aucun caractère ethnique, religieux ou social ; elle se fonde sur la volonté de vivre ensemble, sur le respect des droits et des devoirs de la République, sur le respect des symboles qui nous relient tous.
La discipline à laquelle vous vous êtes volontairement soumis, par le sport, par l'étude, votre désir de vivre dans les règles de ce pays, tout cela démontre votre volonté d'appartenir à notre communauté. Voilà tout ce qui vous destine à devenir français, si tel est votre souhait à terme.
Etre français, a fortiori le devenir, c'est participer à un même projet de liberté, d'égalité, et de fraternité. La liberté et l'égalité sont garanties par nos lois. La fraternité, quant à elle ne l'est pas. Elle repose sur le désir de vivre ensemble et par les preuves de bienveillance que les citoyens se manifestent les uns aux autres.
Aussi, j'ai souhaité que vous vous souveniez de votre passage en ces lieux par plusieurs gestes de fraternité.
Tout d'abord, la Fédération française de boxe vient de vous proposer d'effectuer un stage de 15 jours avec l'équipe de France de Boxe Junior. Je salue la présence et je remercie le Vice-Président délégué de la Fédération Française de Boxe, Daniel TALON, et le Directeur technique national de la Fédération Française de Boxe, Dominique NATO, de cette invitation à poursuivre plus loin votre aventure sportive.
J'ai souhaité aussi vous offrir quelques livres. Ils font partie des trésors de la littérature française que tous les jeunes Français connaissent : deux livres de sagesse, Le Petit Prince et les Fables de la Fontaine, qui ont formé les coeurs et les esprits de notre Nation ; un livre d'amitié, les Trois Mousquetaires, écrit par un géant des lettres, Alexandre DUMAS qui était petit-fils d'une esclave, fils d'un général d'empire. Aujourd'hui la dépouille d'Alexandre DUMAS repose au Panthéon. Nous vous encourageons tous à continuer d'étudier et à persévérer dans votre soif d'apprendre, en France elle peut mener très loin.
J'ai entendu aussi que vous souhaitiez chanter la Marseillaise, lors de vos prochaines victoires : vous trouverez les paroles de notre hymne parmi les présents que nous vous adressons aujourd'hui. Apprenez ces mots qui résonnent dans le coeur des Français depuis plus de deux siècles, n'ayez pas peur de les chanter haut et fort : la France sera fière de vous.
Avant de vous remettre officiellement votre carte de séjour, quelques derniers mots.
Je vous souhaite de continuer sur votre lancée ; je souhaite que votre succès soit suivi de beaucoup d'autres, pas seulement sur les rings, mais partout dans votre vie. Vous êtes devenu un exemple pour de nombreux jeunes qui vivent en France, quelle que soit leur nationalité. N'ayez donc pas peur, dans le tumulte que doit être votre vie depuis quelques jours, d'être une source d'inspiration pour eux et de leur communiquer votre formidable énergie.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.immigration.gouv.fr, le 15 avril 2009