Texte intégral
Q - La France vient de revenir dans le commandement militaire intégré de l'OTAN. Vous militez en même temps pour une véritable Europe de la défense. N'est-ce pas incompatible ?
R - Non, je crois au contraire que c'est très complémentaire. Le fait que la France retourne dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, c'est une façon de dire à tous nos partenaires - notamment à nos partenaires européens - que la France n'a pas un pied à l'intérieur et un pied à l'extérieur de l'Alliance atlantique : elle est pleinement dedans et lorsqu'elle réclame un renforcement de la défense européenne, ce n'est pas contre l'OTAN, c'est avec l'OTAN. De ce point de vue-là, je considère que le sommet de Strasbourg-Kehl - qui a été un grand succès franco-allemand pour l'Alliance atlantique et un grand succès aussi, je l'espère, pour la défense européenne - doit être un point de départ. Nous devons considérer qu'à partir du sommet de Strasbourg-Kehl, nous pouvons poursuivre le renforcement de la défense européenne, qui a déjà connu quelques succès depuis la Présidence française de l'Union européenne et aller vers des objectifs plus ambitieux. Je pense notamment que nous aurons besoin, à terme, d'avoir un commandement militaire unique de l'Union européenne.
Q - C'est à dire un état-major européen ?
R - Oui, un état-major européen qui pourrait être installé à Bruxelles et qui permettrait de commander des opérations européennes partout où les intérêts de sécurité européens sont en jeu. Aujourd'hui, il y a trois états-majors qui font cela : un au Royaume-Uni, un en France et un en Allemagne. Il serait plus logique, plus raisonnable et plus économe des deniers publics, d'avoir un seul état-major de conduite des opérations.
Q - Cela va être difficile de convaincre les Britanniques ?
R - Cela va être très difficile mais lorsque nous proposons d'aller plus loin en matière de défense européenne - plus loin pour renforcer l'Europe, plus loin pour défendre nos valeurs européennes - on ne peut plus nous accuser de faire cela contre l'OTAN puisque nous sommes, aujourd'hui, pleinement dans l'OTAN.
Q - Mais sur le terrain, en Afghanistan, la collaboration entre la force européenne et l'OTAN ne fonctionne pas trop puisque la force européenne est sous la dépendance de celle de l'OTAN et que cela pose un problème de crédibilité...
R - L'Union européenne doit gagner en crédibilité sur tous les sujets. Nous y reviendrons sur les sujets économiques, les sujets d'éducation, les sujets d'innovation y compris les sujets de défense parce que l'Alliance atlantique a vocation à intervenir pour défendre les intérêts de sécurité des membres de l'Alliance. Mais l'Union européenne peut se retrouver dans une situation où elle devra défendre seule ses propres intérêts de sécurité sans pouvoir compter sur les autres. Admettons, par exemple, que dans les Balkans, une région où il y a encore une certaine instabilité, nous ayons à nouveau des difficultés, des violences qui éclatent et la nécessité pour protéger nos propres intérêts de sécurité d'intervenir ; qui le fera si nous n'avons pas de défense européenne ? Qui viendra régler les problèmes de sécurité dans cette région ? Nous aurons besoin d'une défense européenne. Regardez ce qui se passe dans le golfe d'Aden. Si l'Union européenne n'était pas capable d'avoir une force, qui le ferait ? Il y a un moment où les alliés, y compris les alliés américains, disent : "Nos amis européens ont des intérêts de sécurité qui ne sont pas forcément les nôtres. S'ils veulent les défendre, qu'ils se donnent les moyens de les défendre." Nous avons donc besoin d'une défense européenne autonome, complémentaire de l'OTAN qui permette de garantir les intérêts de tous les Européens lorsqu'ils sont menacés.
Q - Vous êtes pour beaucoup dans les améliorations des relations franco-allemandes. N'y a-t-il pas moyen de faire un geste fort pour cimenter ce noyau dur de l'Europe ? Matthieu Pigasse et Gilles Finkelstein proposent dans un ouvrage de fusionner les trésors français et allemand pour une gestion commune de la dette des deux pays. Cela vous semble possible ?
R - Je pense que nous aurons besoin d'un geste fort. Je pense que le geste qui est proposé n'est pas concevable. Il n'est pas concevable pour la France, aujourd'hui, car cela porterait une atteinte trop importante à sa souveraineté et, surtout, il n'est pas concevable pour notre partenaire allemand. Lorsque je m'efforce de renforcer, jour après jour, le lien entre la France et l'Allemagne, je le fais en faisant très attention aux intérêts des Allemands et à la vision qu'ont les Allemands de leurs propres intérêts et de leur relation avec la France. Je n'impose rien, évidemment, à nos partenaires allemands. Je suis très soucieux de respecter l'identité allemande et la façon que les Allemands ont de concevoir les choses. Aller proposer à Berlin une fusion du trésor allemand et français, c'est à la limite de la provocation de la partie allemande. En revanche, là où je rejoins cette analyse, c'est que nous aurons besoin - lorsque nous aurons progressé dans ce renforcement, pas à pas, avec cet engagement très fort de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel - d'un geste encore plus fort pour montrer que la relation franco-allemande est capable d'innovation, est capable d'offrir des perspectives pour les cinq ou dix années à venir. Je crois que le moment n'est pas encore venu.
(...)
Q - Quel est le rôle, au fond, du Parlement et des députés qui seront élus début juin ?
R - Le Parlement européen décide de 80 % de la législation qui s'applique aujourd'hui en France.
Q - Il le décide vraiment ou c'est la Commission ?
R - Il le décide en co-décision. C'est-à-dire avec le Conseil et l'ensemble des chefs d'Etat européens : il a donc une influence majeure sur notre vie quotidienne et sur la façon dont les politiques sont conduites dans les Etats membres.
Lorsque l'on voit ce chiffre, un peu effrayant, d'un taux d'abstention qui pourrait être très important, notre responsabilité est de montrer que l'enjeu des élections européennes est grave. C'est un enjeu important. C'est lui qui nous permettra de décider si nous aurons demain une Europe forte, politique, ce qui est notre souhait, ou une Europe faible qui n'existe pas entre les Etats-Unis et la Chine. C'est ce vote-là aussi qui nous permettra de décider quelles sont les grandes orientations que nous donnons à l'Europe de demain en matière d'éducation, d'économie, de culture. Je crois profondément, et j'espère que l'on arrivera à en apporter la preuve dans les semaines à venir, que l'Europe est la solution à la crise. C'est cela qui se décide aussi pendant ces élections. J'ai vu les différents clips de Libertas de Philippe de Villiers contre l'Europe : ils procèdent avec beaucoup de désinformation, de caricatures et renvoient de l'Europe une image extrêmement négative. Si nous n'allons pas voter, nous laissons la voie ouverte à ce type de discours, à cette caricature de l'Europe. Alors que l'Europe, une fois encore, c'est de la sécurité et cela doit être de la prospérité pour les citoyens. L'Europe doit changer pour apporter toutes les solutions à la crise économique et financière que nous connaissons aujourd'hui.
(...)
Q - Quels domaines restent concrètement du ressort de la France ?
R - Je vous donne un exemple très concret. Hier, une personne m'a dit : "l'Europe ce n'est pas possible, avec l'Europe je vais devoir cotiser pendant 70 ans pour pouvoir toucher ma retraite et ma durée de cotisation va être définie par l'Europe." La durée de cotisation en France pour toucher sa retraite est décidée souverainement par la France et il n'est pas question que cela soit étendu aux autres Etats européens pour une raison très simple : nos démographies ne sont pas les mêmes. Cela a été rappelé tout à l'heure : l'Allemagne a une démographie qui est déclinante, la France, au contraire, une démographie qui progresse. Ce n'est donc évidemment pas l'Europe qui va décider de la durée de cotisation pour sa retraite.
Q - Donc c'est un cadre, un objectif ?
R - Nous avons mis en commun les compétences où il est mieux d'être solidaire. Je vous donne à nouveau un exemple concret : la petite fille que l'on a retrouvée très récemment. Nous l'avons retrouvée parce qu'il y avait un mandat d'arrêt européen. Les polices se téléphonent et coordonnent leurs systèmes de renseignements. S'il n'y avait pas eu de coordination entre les polices hongroises, françaises et d'autres Etats membres, je suppose que l'on n'aurait jamais retrouvé cette petite fille. Chacun aurait gardé son information pour lui dans son Etat. Il est de notre intérêt, pour notre sécurité, d'avoir un mandat d'arrêt européen parce qu'il permet de répondre précisément à ce problème de recherche et de retrouver des personnes disparues.
(...)
Q - Quel est aujourd'hui le poids des Français dans les institutions européennes ? C'est aussi l'enjeu de ces élections car la Commission va ensuite passer sous le feu des eurodéputés...
R - Pour être le plus clair possible, nous avons un triangle institutionnel qui est aujourd'hui très important en Europe. Le Parlement, tout d'abord. Il est important que nous ayons des groupes parlementaires forts au Parlement parce que c'est cela qui assure la cohésion de la position française.
Q - Groupes parlementaires transnationaux ?
R - Les groupes parlementaires transnationaux ; le parti populaire pour la majorité à laquelle j'appartiens. Plus nous aurons de députés français appartenant au PPE, plus nous pèserons naturellement dans les décisions de ce parti populaire au Parlement européen. Ensuite, il y a le Conseil avec l'ensemble des chefs d'Etat. Là, nous pesons très fort parce que nous avons un président de la République qui conduit les débats sous Présidence française et anime les Conseils européens avec beaucoup de force, notamment lorsqu'il travaille main dans la main avec Angela Merkel. C'est ce qui s'est passé au dernier Conseil européen. La position française et allemande sur la régulation financière a été endossée par l'ensemble du Conseil. Puis il y a une troisième institution très importante qui est la Commission. Parce que les commissaires, chacun dans leur domaine - la sécurité, l'économie, la finance, l'éducation - ont du poids. Nous faisons tout, jour après jour, pour renforcer le poids de la France dans la Commission avec les commissaires. Aujourd'hui c'est Jacques Barrot, le vice-président, qui a fait un travail absolument formidable, suivi des directeurs généraux qui eux aussi ont de l'influence. Je vous donne un exemple concret de ce que cela donne, celui du système de géolocalisation que tout le monde connaît : le GPS. Nous avons décidé de créer un système européen autonome pour être indépendant.
Q - C'est un bon exemple car il a été beaucoup retardé. On parle de 2013.
R - C'est un très bon exemple parce que Galileo, c'est la preuve que lorsque l'on y travaille tous ensemble, on peut avoir un système de géolocalisation indépendant et européen. Ce système Galileo a été sauvé par Jacques Barrot qui a imposé sa mise en place et imposé son financement. Si nous avons demain dans notre voiture un système de géolocalisation autonome qui ne dépend pas des Américains, c'est parce que nous avons eu un commissaire français qui a dit : "Nous avons besoin de Galileo."
(...)
Q - Je reviens sur la pédagogie. Je prends un exemple concret : le fonds d'ajustement à la mondialisation. Il existe au niveau européen il bénéficie d'un milliard d'euros pour aider les bassins d'emplois les plus touchés par les licenciements dans tous les pays y compris la France. Je reprends un sondage : 36 % des Européens disent avoir entendu parler des mesures européennes pour la relance et parmi ceux-là 44 % les trouvent positives. Cela veut dire que si l'on explique, c'est plutôt positif. Or, aujourd'hui, le fonds d'ajustement à la mondialisation c'est un échec. Les fonds ne sont pas utilisés.
R - Je vous le dis très clairement. Aujourd'hui, le fonds d'ajustement à la mondialisation est un échec. C'est à la fois une très bonne mesure sur le principe, comme souvent en Europe, et une mauvaise dans son application. C'est pour cela que nous avons demandé, et je me bats à ma place, comme nous nous battons avec l'ensemble des services français à Bruxelles, pour faire en sorte que ce fonds d'ajustement à la mondialisation soit révisé dans son fonctionnement. Cela veut dire qu'à la place d'attendre que mille salariés soient licenciés d'un coup pour pouvoir utiliser ce fonds - ce qui est la règle aujourd'hui - l'on descende à un seuil qui soit plus raisonnable. De nombreuses PME et TPE, je le vois chez moi en Normandie, ferment leurs portes : ce n'est pas mille salariés d'un coup mais c'est un drame social. A partir de ce moment-là, nous devrions pouvoir intervenir. Deuxième élément propre à l'Europe : un système administratif de circulation des papiers et des demandes beaucoup trop complexe. Il faut simplifier ce système. Si nous obtenons ces deux décisions, nous aurons un fonds d'ajustement à la mondialisation qui fonctionnera et sera utile aux salariés et, au lieu des quelques millions d'euros aujourd'hui dépensés pour la France face aux milliards d'euros disponibles, nous aurons des sommes plus importantes au service des salariés.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2009
R - Non, je crois au contraire que c'est très complémentaire. Le fait que la France retourne dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, c'est une façon de dire à tous nos partenaires - notamment à nos partenaires européens - que la France n'a pas un pied à l'intérieur et un pied à l'extérieur de l'Alliance atlantique : elle est pleinement dedans et lorsqu'elle réclame un renforcement de la défense européenne, ce n'est pas contre l'OTAN, c'est avec l'OTAN. De ce point de vue-là, je considère que le sommet de Strasbourg-Kehl - qui a été un grand succès franco-allemand pour l'Alliance atlantique et un grand succès aussi, je l'espère, pour la défense européenne - doit être un point de départ. Nous devons considérer qu'à partir du sommet de Strasbourg-Kehl, nous pouvons poursuivre le renforcement de la défense européenne, qui a déjà connu quelques succès depuis la Présidence française de l'Union européenne et aller vers des objectifs plus ambitieux. Je pense notamment que nous aurons besoin, à terme, d'avoir un commandement militaire unique de l'Union européenne.
Q - C'est à dire un état-major européen ?
R - Oui, un état-major européen qui pourrait être installé à Bruxelles et qui permettrait de commander des opérations européennes partout où les intérêts de sécurité européens sont en jeu. Aujourd'hui, il y a trois états-majors qui font cela : un au Royaume-Uni, un en France et un en Allemagne. Il serait plus logique, plus raisonnable et plus économe des deniers publics, d'avoir un seul état-major de conduite des opérations.
Q - Cela va être difficile de convaincre les Britanniques ?
R - Cela va être très difficile mais lorsque nous proposons d'aller plus loin en matière de défense européenne - plus loin pour renforcer l'Europe, plus loin pour défendre nos valeurs européennes - on ne peut plus nous accuser de faire cela contre l'OTAN puisque nous sommes, aujourd'hui, pleinement dans l'OTAN.
Q - Mais sur le terrain, en Afghanistan, la collaboration entre la force européenne et l'OTAN ne fonctionne pas trop puisque la force européenne est sous la dépendance de celle de l'OTAN et que cela pose un problème de crédibilité...
R - L'Union européenne doit gagner en crédibilité sur tous les sujets. Nous y reviendrons sur les sujets économiques, les sujets d'éducation, les sujets d'innovation y compris les sujets de défense parce que l'Alliance atlantique a vocation à intervenir pour défendre les intérêts de sécurité des membres de l'Alliance. Mais l'Union européenne peut se retrouver dans une situation où elle devra défendre seule ses propres intérêts de sécurité sans pouvoir compter sur les autres. Admettons, par exemple, que dans les Balkans, une région où il y a encore une certaine instabilité, nous ayons à nouveau des difficultés, des violences qui éclatent et la nécessité pour protéger nos propres intérêts de sécurité d'intervenir ; qui le fera si nous n'avons pas de défense européenne ? Qui viendra régler les problèmes de sécurité dans cette région ? Nous aurons besoin d'une défense européenne. Regardez ce qui se passe dans le golfe d'Aden. Si l'Union européenne n'était pas capable d'avoir une force, qui le ferait ? Il y a un moment où les alliés, y compris les alliés américains, disent : "Nos amis européens ont des intérêts de sécurité qui ne sont pas forcément les nôtres. S'ils veulent les défendre, qu'ils se donnent les moyens de les défendre." Nous avons donc besoin d'une défense européenne autonome, complémentaire de l'OTAN qui permette de garantir les intérêts de tous les Européens lorsqu'ils sont menacés.
Q - Vous êtes pour beaucoup dans les améliorations des relations franco-allemandes. N'y a-t-il pas moyen de faire un geste fort pour cimenter ce noyau dur de l'Europe ? Matthieu Pigasse et Gilles Finkelstein proposent dans un ouvrage de fusionner les trésors français et allemand pour une gestion commune de la dette des deux pays. Cela vous semble possible ?
R - Je pense que nous aurons besoin d'un geste fort. Je pense que le geste qui est proposé n'est pas concevable. Il n'est pas concevable pour la France, aujourd'hui, car cela porterait une atteinte trop importante à sa souveraineté et, surtout, il n'est pas concevable pour notre partenaire allemand. Lorsque je m'efforce de renforcer, jour après jour, le lien entre la France et l'Allemagne, je le fais en faisant très attention aux intérêts des Allemands et à la vision qu'ont les Allemands de leurs propres intérêts et de leur relation avec la France. Je n'impose rien, évidemment, à nos partenaires allemands. Je suis très soucieux de respecter l'identité allemande et la façon que les Allemands ont de concevoir les choses. Aller proposer à Berlin une fusion du trésor allemand et français, c'est à la limite de la provocation de la partie allemande. En revanche, là où je rejoins cette analyse, c'est que nous aurons besoin - lorsque nous aurons progressé dans ce renforcement, pas à pas, avec cet engagement très fort de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel - d'un geste encore plus fort pour montrer que la relation franco-allemande est capable d'innovation, est capable d'offrir des perspectives pour les cinq ou dix années à venir. Je crois que le moment n'est pas encore venu.
(...)
Q - Quel est le rôle, au fond, du Parlement et des députés qui seront élus début juin ?
R - Le Parlement européen décide de 80 % de la législation qui s'applique aujourd'hui en France.
Q - Il le décide vraiment ou c'est la Commission ?
R - Il le décide en co-décision. C'est-à-dire avec le Conseil et l'ensemble des chefs d'Etat européens : il a donc une influence majeure sur notre vie quotidienne et sur la façon dont les politiques sont conduites dans les Etats membres.
Lorsque l'on voit ce chiffre, un peu effrayant, d'un taux d'abstention qui pourrait être très important, notre responsabilité est de montrer que l'enjeu des élections européennes est grave. C'est un enjeu important. C'est lui qui nous permettra de décider si nous aurons demain une Europe forte, politique, ce qui est notre souhait, ou une Europe faible qui n'existe pas entre les Etats-Unis et la Chine. C'est ce vote-là aussi qui nous permettra de décider quelles sont les grandes orientations que nous donnons à l'Europe de demain en matière d'éducation, d'économie, de culture. Je crois profondément, et j'espère que l'on arrivera à en apporter la preuve dans les semaines à venir, que l'Europe est la solution à la crise. C'est cela qui se décide aussi pendant ces élections. J'ai vu les différents clips de Libertas de Philippe de Villiers contre l'Europe : ils procèdent avec beaucoup de désinformation, de caricatures et renvoient de l'Europe une image extrêmement négative. Si nous n'allons pas voter, nous laissons la voie ouverte à ce type de discours, à cette caricature de l'Europe. Alors que l'Europe, une fois encore, c'est de la sécurité et cela doit être de la prospérité pour les citoyens. L'Europe doit changer pour apporter toutes les solutions à la crise économique et financière que nous connaissons aujourd'hui.
(...)
Q - Quels domaines restent concrètement du ressort de la France ?
R - Je vous donne un exemple très concret. Hier, une personne m'a dit : "l'Europe ce n'est pas possible, avec l'Europe je vais devoir cotiser pendant 70 ans pour pouvoir toucher ma retraite et ma durée de cotisation va être définie par l'Europe." La durée de cotisation en France pour toucher sa retraite est décidée souverainement par la France et il n'est pas question que cela soit étendu aux autres Etats européens pour une raison très simple : nos démographies ne sont pas les mêmes. Cela a été rappelé tout à l'heure : l'Allemagne a une démographie qui est déclinante, la France, au contraire, une démographie qui progresse. Ce n'est donc évidemment pas l'Europe qui va décider de la durée de cotisation pour sa retraite.
Q - Donc c'est un cadre, un objectif ?
R - Nous avons mis en commun les compétences où il est mieux d'être solidaire. Je vous donne à nouveau un exemple concret : la petite fille que l'on a retrouvée très récemment. Nous l'avons retrouvée parce qu'il y avait un mandat d'arrêt européen. Les polices se téléphonent et coordonnent leurs systèmes de renseignements. S'il n'y avait pas eu de coordination entre les polices hongroises, françaises et d'autres Etats membres, je suppose que l'on n'aurait jamais retrouvé cette petite fille. Chacun aurait gardé son information pour lui dans son Etat. Il est de notre intérêt, pour notre sécurité, d'avoir un mandat d'arrêt européen parce qu'il permet de répondre précisément à ce problème de recherche et de retrouver des personnes disparues.
(...)
Q - Quel est aujourd'hui le poids des Français dans les institutions européennes ? C'est aussi l'enjeu de ces élections car la Commission va ensuite passer sous le feu des eurodéputés...
R - Pour être le plus clair possible, nous avons un triangle institutionnel qui est aujourd'hui très important en Europe. Le Parlement, tout d'abord. Il est important que nous ayons des groupes parlementaires forts au Parlement parce que c'est cela qui assure la cohésion de la position française.
Q - Groupes parlementaires transnationaux ?
R - Les groupes parlementaires transnationaux ; le parti populaire pour la majorité à laquelle j'appartiens. Plus nous aurons de députés français appartenant au PPE, plus nous pèserons naturellement dans les décisions de ce parti populaire au Parlement européen. Ensuite, il y a le Conseil avec l'ensemble des chefs d'Etat. Là, nous pesons très fort parce que nous avons un président de la République qui conduit les débats sous Présidence française et anime les Conseils européens avec beaucoup de force, notamment lorsqu'il travaille main dans la main avec Angela Merkel. C'est ce qui s'est passé au dernier Conseil européen. La position française et allemande sur la régulation financière a été endossée par l'ensemble du Conseil. Puis il y a une troisième institution très importante qui est la Commission. Parce que les commissaires, chacun dans leur domaine - la sécurité, l'économie, la finance, l'éducation - ont du poids. Nous faisons tout, jour après jour, pour renforcer le poids de la France dans la Commission avec les commissaires. Aujourd'hui c'est Jacques Barrot, le vice-président, qui a fait un travail absolument formidable, suivi des directeurs généraux qui eux aussi ont de l'influence. Je vous donne un exemple concret de ce que cela donne, celui du système de géolocalisation que tout le monde connaît : le GPS. Nous avons décidé de créer un système européen autonome pour être indépendant.
Q - C'est un bon exemple car il a été beaucoup retardé. On parle de 2013.
R - C'est un très bon exemple parce que Galileo, c'est la preuve que lorsque l'on y travaille tous ensemble, on peut avoir un système de géolocalisation indépendant et européen. Ce système Galileo a été sauvé par Jacques Barrot qui a imposé sa mise en place et imposé son financement. Si nous avons demain dans notre voiture un système de géolocalisation autonome qui ne dépend pas des Américains, c'est parce que nous avons eu un commissaire français qui a dit : "Nous avons besoin de Galileo."
(...)
Q - Je reviens sur la pédagogie. Je prends un exemple concret : le fonds d'ajustement à la mondialisation. Il existe au niveau européen il bénéficie d'un milliard d'euros pour aider les bassins d'emplois les plus touchés par les licenciements dans tous les pays y compris la France. Je reprends un sondage : 36 % des Européens disent avoir entendu parler des mesures européennes pour la relance et parmi ceux-là 44 % les trouvent positives. Cela veut dire que si l'on explique, c'est plutôt positif. Or, aujourd'hui, le fonds d'ajustement à la mondialisation c'est un échec. Les fonds ne sont pas utilisés.
R - Je vous le dis très clairement. Aujourd'hui, le fonds d'ajustement à la mondialisation est un échec. C'est à la fois une très bonne mesure sur le principe, comme souvent en Europe, et une mauvaise dans son application. C'est pour cela que nous avons demandé, et je me bats à ma place, comme nous nous battons avec l'ensemble des services français à Bruxelles, pour faire en sorte que ce fonds d'ajustement à la mondialisation soit révisé dans son fonctionnement. Cela veut dire qu'à la place d'attendre que mille salariés soient licenciés d'un coup pour pouvoir utiliser ce fonds - ce qui est la règle aujourd'hui - l'on descende à un seuil qui soit plus raisonnable. De nombreuses PME et TPE, je le vois chez moi en Normandie, ferment leurs portes : ce n'est pas mille salariés d'un coup mais c'est un drame social. A partir de ce moment-là, nous devrions pouvoir intervenir. Deuxième élément propre à l'Europe : un système administratif de circulation des papiers et des demandes beaucoup trop complexe. Il faut simplifier ce système. Si nous obtenons ces deux décisions, nous aurons un fonds d'ajustement à la mondialisation qui fonctionnera et sera utile aux salariés et, au lieu des quelques millions d'euros aujourd'hui dépensés pour la France face aux milliards d'euros disponibles, nous aurons des sommes plus importantes au service des salariés.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2009