Interview de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, à Europe 1 le 16 avril 2009, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) et l'emploi des jeunes.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
F. Namias.- Bonjour M. Hirsch. Le RSA doit entrer en application le 1er juin, et une étude publiée dans le journal Les Echos, met en doute son efficacité. Dans les départements où il a été testé, il n'inciterait pas vraiment à reprendre un emploi. C'est un mauvais coup, ça pour vous ?
 
Non, ce n'est pas une étude publiée dans Les Echos. C'est une étude publiée sur le site de notre ministère.
 
Et qui a été reprise part le journal Les Echos hier.
 
Oui, oui. Donc, je voudrais rassurer d'abord les auditeurs : le RSA, si vous avez trois lettres à retenir, il est Robuste, il est Solide, il est Adapté à la situation de crise. On avait fait faire une étude il y a à peu près un an, en mai dernier, auprès des premières personnes qui rentraient dans les premiers départements, pour voir ce qui se passait, pour avoir un baromètre. Et donc cette étude, qui ne doit pas être interprétée, et que personne peut interpréter comme une mise en cause du Revenu de Solidarité Active, qui est vraiment...
 
Ce qu'elle dit simplement, pour que nos auditeurs comprennent bien, c'est que dans les départements où il a été testé, où le RSA a été testé, la reprise d'emploi est finalement très peu supérieure par rapport aux départements, où il n'a pas été testé, ce n'était pas significatif.
 
Au début, il y avait 350 personnes qui ont été interrogées à ce moment-là et on a un comité d'évaluation qui travaille sur les 15 000 personnes en emploi. Donc on est à une échelle beaucoup plus grande. Et effectivement, on a eu la satisfaction, j'espère que ça va continuer, que mois après mois, dans les zones où on expérimente le RSA, il y a plus de personnes qui reprennent du travail. Et il y a autre chose qui a surpris tout le monde, même moi j'avais été très surpris par cela, c'est-à-dire que ceux qui étaient au RMI depuis plus de 4 ans, dont tout le monde disait "ils sont perdus pour la cause", alors quand vous alliez un chef d'entreprise en lui disant prenant un RMI depuis plus de 4 ans, il vous riait au nez. Même ces personnes qui étaient au RMI depuis plus de 4 ans, reprennent plus de travail. Donc le RSA il marchera.
 
M. Hirsch, vous parlez du RMI, la crise économique que l'on vit actuellement, précarise la société bien plus qu'on imaginait quand le RSA a été conceptualisé. Est-ce que le nombre de bénéficiaires du RSA va exploser mécaniquement ?
 
A ce stade, ce n'est pas ce qu'on pense ou ce n'est pas ce qu'on prévoit.
 
Comment c'est possible ça ?
 
C'est possible, parce que si vous voulez, le RSA concerne deux catégories de personnes : d'une part des personnes qui ne travaillent pas, et d'autre part des personnes qui en travaillant ont besoin d'un complément de revenus. Donc il y a un certain nombre de mécanismes, qui font qu'il y a peut-être un peu plus de personnes qui, s'ils passent vers le chômage, qui basculeront dans le régime d'assurance chômage, et qui n'auront pas le complément de revenu du RSA. Dans l'autre sens, ou bon... je voulais dire que, quand on regarde ces différents mouvements...
 
Il n'y aura pas plus d'allocataires du RSA ?
 
...À ce stade, on pense qu'il n'y aura pas une explosion du nombre d'allocataires, plutôt le nombre qui est prévu, voilà !
 
C'est-à-dire combien ?
 
À peu près 4 millions de personnes, mais dont beaucoup d'entre elles sont des gens qui travaillent et pour lesquelles on va compléter leur travail. La révolution culturelle du RSA, je le rappelle : avant, RMI ça rimait avec inactivité et privé d'emploi ; RSA c'est à la fois ce qui remplace le RMI en mieux et ce qui vient compléter les revenus des salariés modestes. Et je pense...
 
Alors le coût, M. Hirsch, c'est important...
 
Juste une seconde, parce que je pense, même quand il y a des doutes sur le RSA, je redis quelque chose, je pense alors qu'année après année, au cours des dernières années, on a vu le nombre de travailleurs pauvres augmenter dans ce pays, je pense que grâce au RSA, cette année, malgré la crise et grâce au RSA, on fera diminuer le nombre de travailleurs pauvres. Vous voyez, j'y crois, moi j'y mets...
 
De combien ? Vous avez quantifié ça ?
 
Peut-être 100, 200 000, alors que ça augmentait tout le temps. Voilà, il y a 2 millions et demi de travailleurs pauvres, et c'est ça l'obsession, et même pendant la crise. Le RSA il est adapté à la période de crise, parce que vous avez quelques heures de travail en moins, votre RSA peut augmenter et compenser les pertes de revenu du travail.
 
Le financement du RSA, il est estimé à 1 milliard et demi d'euros, je crois que ça va rester 1 milliard et demi ? Là, vous allez rassurer la majorité qui est un peu réticente ?
 
Alors là ! Les réticences de la majorité et d'ailleurs de l'opposition, qui étaient timides, on entend, je pense maintenant beaucoup plus une convergence pour dire qu'heureusement que le RSA a été fait...
 
Oui, mais alors, je vous pose la question c'est : le coût du RSA est-ce que ça reste 1 milliard et demi d'euros ? Tel qu'il est prévu aujourd'hui ?
 
Là aussi, a priori oui, peut-être 100 ou 200 millions de plus, je ne sais pas vous dire. On sera au rendez-vous, il n'y aura pas de souci de financement, on a créé un droit nouveau, on a crée des devoirs nouveaux, ils seront honorés à 100 %.
 
A partir du 1er juin.
 
A partir du 1er juin. Et vous savez, c'est très attendu ; il s'est passé quelque chose ces dernières semaines d'absolument extraordinaire : on a adressé, on a prévenu les personnes qu'elles allaient avoir le RSA, probablement, parce que c'est du cas par cas, il faut regarder les situations individuelles, en versant une prime de 200 euros, pour attendre. Il y a 1 million de personnes par jour, qui sont allés sur les sites Internet pour vérifier s'ils étaient éligibles ou pas. Il y a une attente fantastique autour de ce RSA, ce qui est normal, parce qu'on est dans une situation de précarité, où les gens sont inquiets, ils ont besoin de ce revenu complémentaire.
 
M. Hirsch, votre autre activité au sein du Gouvernement, c'est la jeunesse. Le chef de l'Etat doit annoncer des mesures sur l'emploi des jeunes. Ça, vous nous le confirmez, ce sera quand, ces annonces ?
 
Ecoutez, je pense que ça sera à la fin de la semaine prochaine. Mais ce n'est pas moi qui tiens l'agenda du président de la République.
 
Mais les annonces, pour la fin de la semaine prochaine ?
 
 Je pense, je pense. En tout cas, on fait tout pour s'y préparer, on travaille d'arrache-pieds sur ce sujet-là.
 
Justement quelles sont les pistes que vous lui suggérez aujourd'hui au Président ?
 
C'est compléter la relance par la relève. C'est-à-dire de dire que, effectivement, il y a un plan de relance, et comme le disait la chronique, tout à l'heure...
 
de P.-M. Christin.
 
...en disant La France a une démographie extraordinaire, on a beaucoup de jeunes, utilisons les jeunes pour faire tourner l'économie d'après crise.
 
Ca, on est tous d'accord, mais on fait comment ?
 
Eh bien, comment on fait ?
 
Là, très concrètement, qu'est-ce que vous proposez ? Est-ce qu'il faut par exemple, je ne sais pas, moi, relancer les contrats aidés ?
 
Il faut se tourner vers les entreprises. Moi, j'ai passé les 15 derniers jours, et je pense qu'on est plusieurs membres du Gouvernement à l'avoir fait, à avoir vu toutes les fédérations d'entreprises, depuis la restauration, la propreté, l'informatique, le commerce, le bâtiment etc. etc., en leur demandant d'abord ce qui ferait qu'elles pourraient embaucher plus de jeunes, pendant cette période-là, compenser l'effet de la crise.
 
 
 
Et ce qu'elles vous répondent, c'est une aide de l'Etat en gros, j'imagine ?
 
Pas seulement, non, pas seulement...
 
Une incitation financière ?
 
Mais non, pas seulement, pas seulement. Elles nous demandent par exemple de faire en sorte que les formations soient bien adaptées à leur cycle de vie. Elles nous demandent, par exemple, qu'elles puissent utiliser des jeunes pour être volontaires dans leur prospection à l'étranger, les volontaires... Enfin, elles demandent toute une série de choses. Donc on est en train d'essayer de dire : si on vous aide, est-ce que vous, vous prenez des engagements en face ? Donc ensuite, ça se traduira en dispositions, en mesures, etc. etc.
 
Si on vous aide financièrement...
 
Mais derrière, je voudrais insister sur l'esprit de cela... ce qu'on a réussi, c'est à faire rentrer dans la caboche d'à peu près tout le monde, qu'effectivement les jeunes c'est prioritaire, c'est à la fois ceux qu'on a le plus mal traités depuis 20 ans dans ce pays, parce qu'on était un pays malthusien vis-à-vis des jeunes ; qu'en période de crise, c'est eux qui trinquent le plus et que par conséquent, il faut ouvrir ses portes plutôt que de les fermer. Et les mesures viendront avec et ces mesures, elles iront plus vers les emplois d'avenir dans les entreprises que vers les parkings.
 
Et plutôt vers les entreprises que vers le secteur public ? Parce qu'il semble que L. Wauquiez, qui s'occupe de l'emploi au sein du Gouvernement, lui, préconise les associations, les collectivités locales. Vous, vous dites, c'est les entreprises ?
 
Je pense que le challenge le plus fort, c'est effectivement de les aider à aller dans les entreprises, qui venaient nous voir il y a six mois parce qu'elles avaient des besoins de main-d'oeuvre. Mais il ne faut fermer strictement aucune porte, aucun levier ; il faut faire le maximum et je dis à tous les auditeurs qui travaillent dans les entreprises : « ouvrez vos portes, le Gouvernement sera au rendez-vous pour vous aider. »
 
M. Hirsch, il paraît que c'était très violent, hier, en Conseil des ministres. N. Sarkozy n'aurait pas du tout aimé les états d'âmes et les demandes de promotion de vos collègues, dans la presse. C'est vrai, il a poussé un coup de gueule hier ?
 
En Conseil des ministres ? Oui. Vous savez que le Conseil des ministres est un endroit secret, une enceinte secrète. Vous savez qu'en micro ou hors micro, je ne dévoile jamais ce qui s'est dit. Donc je ne vous dirai pas ce qui s'est dit.
 
Donc vous ne confirmez pas s'il était en colère, vous. Là, vous pouvez profiter du micro d'Europe 1, faites comme vos collègues, une petite annonce, vous voulez changer de poste ? Vous êtes bien là où vous êtes ?
 
Ecoutez, vous le savez bien, tout le monde s'est demandé pourquoi j'avais tenu à dire que je ne me sentais pas un homme politique classique, je souhaitais être une sorte de... enfin quelque chose qui s'appelait le Haut commissaire, qui est le dernier dans l'ordre protocolaire.
 
Toujours pas, vous vous refuseriez un poste de ministre, c'est une coquetterie, ça.
 
Mais ça ne se pose pas comme question, et ce n'est pas de la coquetterie, c'est ma manière de travailler, c'est ma manière d'essayer de faire en sorte que je travaille sur les jeunes, sur la pauvreté etc. Et puis voilà, c'est ça !
 
Vous savez comment on vous surnomme au Gouvernement ?
 
Il paraît qu'on a dit « Le Coucou » c'est ça ?
 
Le coucou, oui, parce qu'il fait ses oeufs dans le nid des autres. Qui prend le travail des autres ?
 
Ecoutez, je ne fais pas d'oeufs...
 
Vous n'avez pas que des amis !
 
Je ne fais pas d'oeufs, que ce soit à Pâques ou tout le temps. Je ne sais pas, je dis simplement - c'est quand même curieux - [que] sur la pauvreté et sur la jeunesse, ça fait des années que tout le monde dit que ça doit être transversale, interministérielle et que ça doit concerner toutes les politiques. Donc j'essaie de faire au mieux pour les jeunes et pour les pauvres.
 
Merci, M. Hirsch.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 avril 2009