Texte intégral
Madame la Ministre [Valérie LÉTARD],
Madame le Sénateur [Christine KAMMERMANN, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat],
Monsieur le Préfet [Michel MORIN, chargé de mission auprès du secrétaire général du ministère de l'intérieur, Henri-Michel COMET],
Madame la représentante du Club des labellisés [Cristina LUNGHI],
Mesdames et messieurs les lauréats,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir dans cet Hôtel du Châtelet, riche d'histoire et de valeurs.
Riche d'histoire car, avant de se confondre avec le ministère que nous connaissons aujourd'hui, cette maison de la République abrita, en effet, des institutions aussi prestigieuses - et diverses ! - que l'École nationale des ponts et chaussées, l'ambassade d'Autriche et, enfin, la résidence de l'archevêque de Paris.
Riche de valeurs aussi, avec cette salle des Accords qui, depuis plus de quarante ans maintenant, est synonyme d'objectifs partagés, d'engagements réciproques et de progrès concrétisés.
A cette histoire et à ces valeurs, nous sommes fidèles ce soir, en honorant celles et ceux qui, dans l'entreprise, dans l'administration ou encore dans le monde associatif, ont relevé le défi de l'égalité professionnelle et salariale entre hommes et femmes.
Nous le savons tous, la promotion du droit des femmes est un long chemin qui requiert patience, détermination et humilité. Mais aussi, disons-le, parfois fierté ! Je ne suis, en effet, pas peu fier d'avoir à mes côtés trois femmes, et non des moindres, comme secrétaires d'État et de mettre ainsi, pour une fois, la gent masculine en minorité numérique. C'est non seulement une chance au quotidien, mais c'est surtout un signe que les choses peuvent bouger... et même parfois s'inverser !
I. Mon cas personnel mis à part, quel est, aujourd'hui, le constat ? Si beaucoup de progrès ont été accomplis, la situation est encore loin d'être satisfaisante.
Nous venons de vivre quarante années d'avancées sociales majeures pour les femmes. Ces avancées, quelles sont-elles ? Elles s'inscrivent tout à la fois :
dans la sphère de l'école, avec la percée et la réussite des filles dans l'enseignement secondaire et supérieur : 25% des jeunes femmes de 25 à 34 ans détiennent un diplôme d'au moins bac+3, contre 20% des jeunes hommes de leur génération ; dans la sphère professionnelle, aussi, avec une féminisation continue de la population active, comme en atteste un taux moyen d'activité de 82% en 2006 pour les femmes âgées entre 25 et 59 ans ;
et, enfin, dans la sphère politique : la parité est presque atteinte au Parlement européen, dans les conseils régionaux et dans les conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus.
Malgré ces réelles avancées, certaines réalités demeurent inacceptables.
(1) Je n'accepte pas, par exemple, que les écarts de rémunération entre hommes et femmes puissent perdurer comme c'est le cas actuellement.
Ainsi, selon une étude de la DARES [Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère] datant d'octobre 2008 : tous temps de travail confondus, les femmes sont rémunérées, en moyenne, 27% de moins que les hommes, ou, vu autrement, les hommes gagnent 37% de plus.
(2) Je n'accepte pas non plus les inégalités en matière de chômage, de précarité et de pénibilité. Au quatrième trimestre 2008, le taux de chômage des femmes s'établissait à 8,3% contre 7,3% pour les hommes.
(3) Je n'accepte pas, enfin, l'accès très limité des femmes aux postes de responsabilité.
Aujourd'hui, les femmes ne représentent que 36% des « cadres et professions intellectuelles supérieures » et seulement 17% des dirigeants d'entreprises.
II. Face à ce constat, quelle est notre politique ? Les choses sont claires : nous devons passer de l'égalité de droit à l'égalité de fait, c'est-à-dire de l'égalité formelle à l'égalité réelle.
La question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est essentielle :
- pour le Président de la République, qui l'a évoquée, récemment, à deux reprises : dans de son discours du 13 février sur la politique familiale et, cinq jours plus tard, en conclusion du sommet social de l'Elysée ;
- et pour le Premier ministre qui, sur ma proposition, en a fait l'un des points principaux de l'agenda social de concertation et de négociation avec les partenaires sociaux pour l'année 2009.
Fort de cette priorité fixée au plus haut niveau de l'État, quelle est, aujourd'hui, ma feuille de route ?
(1) Il s'agit, d'une part, de concrétiser l'égalité salariale.
Nous disposons aujourd'hui d'une loi, la loi du 23 mars 2006, qui impose aux partenaires sociaux de négocier chaque année pour abolir, d'ici le 31 décembre 2010, les écarts de rémunération entre hommes et femmes.
J'observe toutefois que les accords consacrés à l'égalité professionnelle n'ont représenté que 5,2% du total des accords d'entreprise signés l'année dernière. Chaque année, de plus en plus d'accords de ce type sont signés, mais c'est encore bien trop peu.
(2) Il s'agit, d'autre part, de favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Notre pays connaît une démographie dynamique avec un taux de fécondité de 2,02 enfants par femme, pour l'année 2008, ce qui nous place en tête des pays européens.
C'est, certes, un formidable signe de confiance dans l'avenir, mais c'est surtout aussi un grand défi qu'il nous revient de relever collectivement : permettre aux Françaises et aux Français de mener harmonieusement leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Je n'oppose pas l'une et l'autre, bien au contraire. On observe d'ailleurs, dans les pays occidentaux, que plus le taux d'emploi des femmes est important, plus le taux de fécondité est élevé. Les femmes font le choix de ne pas renoncer à leur carrière professionnelle ; il faut donc permettre aux familles de faire garder leurs enfants pendant les heures de travail.
Très concrètement, notre objectif, avec la secrétaire d'État à la famille, Nadine MORANO, est de créer environ 200 000 places de garde d'ici 2012.
Et nous nous en sommes donné les moyens avec la négociation que j'ai conduite et la signature, la semaine passée, de la convention d'objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales, qui va permettre de créer, d'ici trois ans, 100 000 places supplémentaires d'accueil collectif, les autres places l'étant sous formes d'assistantes maternelles.
(3) Ces deux thèmes - l'égalité salariale et la conciliation de la vie familiale et professionnelle - font, en conséquence, partie des sujets majeurs inscrits, pour le second semestre, à l'agenda social 2009.
La concertation portera sur les voies et moyens d'appliquer les règles actuelles et les adapter, ainsi que sur les sanctions susceptibles d'être envisagées pour les entreprises qui ne les respecteraient pas, que ce soit en termes de rémunération ou d'obligation de négocier.
Afin de réussir au mieux ce rendez-vous, j'ai demandé, avec Valérie LETARD, à Mme Brigitte GRESY, inspectrice générale des affaires sociales, d'établir des propositions que j'examinerai avec la plus grande attention.
Vous le voyez, sur ces sujets, nous sommes dans l'action concrète, dans la recherche de résultats effectifs, pour une égalité qui, chaque jour, devienne de plus en plus tangible.
III. C'est pourquoi, sans attendre l'ouverture de ces discussions, j'ai tenu, avec cette remise des trophées du Label égalité, à distinguer celles et ceux qui, sur le terrain, ont placé l'égalité entre hommes et femmes au coeur de leur démarche professionnelle.
Ce Label égalité, de quoi s'agit-il ?
C'est une initiative politique forte prise en 2004 par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux pour valoriser la mixité, pour rééquilibrer la place des femmes et des hommes comme acteurs de la vie économique et pour reconnaître toutes les potentialités et compétences.
D'une durée de trois ans renouvelable, ce label repose sur :
- une démarche volontaire : ce sont les entreprises et organismes qui s'y portent candidats ;
- des critères particulièrement stricts, dont le respect par les candidats est évalué par AFNOR Certification. Entrent notamment en ligne de compte :
les actions menées dans l'entreprise en matière d'information et de sensibilisation à la mixité ; la gestion des ressources humaines, notamment pour assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux instances de décision ; les mesures concrètes pour aider à concilier vie professionnelle et vie familiale.
- et, enfin, il repose sur la décision de l'État et des partenaires sociaux, puisque c'est une commission de labellisation réunissant 5 représentants de l'État, 5 représentants de syndicats de salariés et 5 représentants des organisations patronale qui choisit les lauréats.
En l'espace de cinq ans, nous sommes passés de 17 à 46 organismes labellisés, ce qui représente quelque 800 000 salariés.
Je me réjouis de constater que tous les labellisés de 2004 et 2005 ont vu leur certification renouvelée. C'est le signe d'un engagement sincère, solide et durable.
Parmi les 23 nouveaux lauréats, je voudrais saluer la diversité des profils avec d'anciennes sociétés publiques, des multinationales, des entreprises du BTP, sans oublier des collectivités locales, mais aussi l'administration qui prend, à son tour, le chemin de l'exemplarité. Je pense, par exemple, à la préfecture de la Haute-Loire qui est la première en France à recevoir cette distinction, ce qui, comme auvergnat et ministre en charge notamment du travail, des relations sociales et de la solidarité me réjouit doublement.
Mesdames et Messieurs,
Chacun de vos organismes méritent nos félicitations et nos encouragements pour l'action et les engagements qui sont les leurs.
En effet, la crise économique mondiale que traverse notre pays ne doit pas devenir synonyme de régression pour la place des femmes dans le monde de l'entreprise, de l'administration et du secteur associatif.
Plus que jamais, nous devons nous mobiliser au service de l'égalité. Il vous revient, après avoir été les précurseurs du Label égalité, d'en devenir, chacun dans votre secteur, les ambassadeurs auprès de vos pairs et vos interlocuteurs.
Nul doute que vous y réussirez tant, comme l'a écrit François de LA ROCHEFOUCAULD, « rien n'est si contagieux que l'exemple ».
source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 16 avril 2009