Texte intégral
C. Roux, M. Biraben et L. Mercadet.- M. Biraben : La ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, par ailleurs candidate UMP en Ile de France, pour les élections régionales de 2010, V. Pécresse est notre invitée, Caroline.
C. Roux : Voilà des semaines, qu'elle est aux prises avec la colère des enseignants chercheurs. Le mouvement se radicalise, pas de reprise sans le retrait des réformes contestées disent les manifestants. Blocage inacceptable, répond la ministre. Le problème, les examens de fin d'année approchent, et crispent encore un peu plus les positions.
M. Biraben : Bonjour V. Pécresse.
C. Roux : Bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Merci d'être avec nous. Vous avez déclaré : « après les vacances scolaires, si les blocages continuent, les examens seront menacés ». Est-ce que c'est le seul moyen que vous avez trouvé pour stopper la mobilisation ?
Non, pas du tout, il y avait des préoccupations qui se sont exprimées tout au long de ce mouvement. Des préoccupations qui tenaient aux emplois dans les universités, et le Premier ministre a dit : ces emplois seront maintenus en 2010 et en 2011. Il y avait des préoccupations sur le statut des universitaires. Et vous savez que ce statut a été entièrement réécrit, il y a eu une médiatrice, et nous avons concerté, nous avons réécrit entièrement le statut. Il y avait des préoccupations sur la réforme que veut faire X. Darcos, du recrutement, des professeurs des écoles et du second degré à Bac+5...
C. Roux : Alors vous êtes en train de nous expliquer, que tout a été... que vous allez apporter des réponses à tous les problèmes. Là, la question c'est sur les examens, il y a énormément de parents d'élèves qui sont inquiets et d'élèves eux-mêmes qui sont inquiets. Est-ce que c'est la seule solution que vous avez trouvée pour mettre fin à la mobilisation ?
Non ! Je vous dis que la solution que j'ai trouvée, c'est le dialogue, la concertation, les réponses sur chacun des sujets d'inquiétude qui s'exprimaient. Et maintenant que nous avons apporté toute une série de réponses, je dis, l'urgence, c'est de penser aux étudiants...
C. Roux : Est-ce qu'il y a réellement urgence ?
C'est de penser aux étudiants, c'est de penser à la qualité de nos diplômes, c'est de penser à l'image de notre université.
C. Roux : Alors est-ce qu'il y a réellement urgence ? C'est ce qu'on essaie de savoir ce matin, parce que qu'on a G. Aschiéri, secrétaire général de la FSU qui vous accuse de dramatiser, de jouer le pourrissement de la situation, en disant : on a des solutions alternatives, il n'y a pas du tout urgence sur les examens. Est-ce que vous maintenez qu'il y a urgence ?
Je crois que tout dépend de ce qu'on veut. Nous, nous voulons que nos étudiants à l'université aient de diplômes qui correspondent à des enseignements qui leur ont été délivrés. Je refuse l'idée de valider des semestres sans cours. Ça ce n'est pas possible, ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas acceptable pour nos étudiants, et ce n'est pas acceptable pour nos universités, parce que ça va les dévaloriser. Au plan national, parce que les familles ne vont plus mettre leurs enfants dans des universités, qui valident des semestres blancs. Et au plan international, parce qu'il y a une reconnaissance des diplômes français et les diplômes français ne peuvent pas correspondre à des semestres blancs. Donc il est temps de se remettre au travail.
C. Roux : Quelle solution vous proposez ? Repousser les examens est-ce que c'est possible ?
Toutes les universités ont organisé... d'ores et déjà, les présidents d'universités ont travaillé pendant les semaines passées. Toutes les universités ont organisé un plan de rattrapage des cours. Et c'est possible, aujourd'hui... il est temps aujourd'hui, c'est possible de rattraper tous les cours qui ont été manqués, en étalant éventuellement les examens, en utilisant les vacances de Pâques qui arrivent pour commencer les rattrapages. Donc aujourd'hui, tout est possible, pour avoir des diplômes...
C. Roux : Donc il n'y a pas urgence ?
Si au contraire, au contraire madame Roux. Il y a urgence à le faire maintenant, si vous voulez que les diplômes et les examens correspondent vraiment à l'intégralité du programme.
C. Roux : Est-ce qu'il y a toujours la possibilité de changer le calendrier des examens, de reporter les examens ?
Bien sûr ! Mais c'est prévu dans les plans de rattrapage d'ores et déjà ! C'est-à-dire quand je vous dis aujourd'hui : il y a des plans de rattrapage qui sont mis en place, d'ores et déjà un certain nombre d'universités, les plus perturbées par les mouvements, par les bloqueurs, par des violences, ces universités-là ont d'ores et déjà prévu de repousser les examens, certaines en juillet.
C. Roux : Qu'est-ce que vous dites ? Est-ce que vous dites comme J.-F. Kahn, ce matin, dans Le Parisien, qui s'adresse aux enseignants chercheurs et leur dit : reprenez les cours, manifestez autrement ?
Mais je crois que manifester son désaccord vis-à-vis de la politique générale du gouvernement, ou vis-à-vis de l'autonomie des universités, ce sont des points de désaccord forts, politiques, mais ça n'a pas grand-chose à voir avec la situation actuelle, avec l'état actuel des choses. Puisque l'autonomie, elle a été votée en 2007, elle a été votée en 2007, aujourd'hui, il y a 20 universités autonomes, qui fonctionnent. Donc je veux dire, il y a un certain nombre de demandes qui sont portées dans ce mouvement de manifestation, de demandes qui sont très radicales, qui visent à ce qu'on retire tout ce qu'on a fait, depuis 2007. Ces demandes-là, elles ne peuvent pas être satisfaites.
C. Roux : Qu'est-ce que ça veut dire « radicales » ?
« Radicales » ça veut dire non à l'autonomie des universités. L'autonomie des universités, c'est une loi qui a été votée en 2007, qui est appliquée depuis janvier 2008, il y a 20 universités autonomes, nous ne reviendrons pas, le président de la République l'a dit, sur cette autonomie. Pourquoi ? Parce que c'est comme ça que les universités rayonnent dans le monde entier.
C. Roux : Vous laissez entendre que c'est un conflit instrumentalisé ou pas ?
Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a dans le conflit, des inquiétudes qui s'expriment sur des mesures concrètes, actuelles, que prend le Gouvernement. Le nouveau statut des universitaires, la réforme du recrutement des enseignants du second degré et du premier degré, ça c'est ce qu'on fait maintenant. Là, on peut concerter, on va mettre une commission sur la réforme de la formation des enseignants, on met une commission en place, qui organisera la concertation, pour que la réforme se fasse dans de bonnes...
C. Roux : Donc la discussion continue ?
Mais le dialogue n'a jamais été arrêté, simplement ce que je vois, aujourd'hui, dans l'université, c'est une frange du mouvement qui bloque les universités, qui se radicalise. Et qui nous dit « retirez tout. ». Si c'est ça aujourd'hui, la conception qu'ils ont du dialogue, ça ne marchera pas. Donc il ne faut pas bloquer les étudiants, il faut qu'on dialogue, il faut qu'on continue, mais qu'on dialogue sur des choses qui sont actuelles. Pas sur le passé, pas sur des réformes qui sont déjà en place.
M. Biraben : On va maintenant, passer avec Léon, à une question de spectateur pour vous. L. Mercadet : Bonjour madame la ministre. Une question de Stéphane qui vous demande : jusqu'où êtes-vous capable d'aller pour faire passer cette réforme ?
Eh bien, c'est simple, nous allons faire, prendre toute une série de mesures, à la fois pour les universités, pour leur budget, pour augmenter leur budget, pour les universitaires, nous allons revaloriser les carrières des universitaires. C'est un grand plan, qui entrera en vigueur avec le nouveau statut des universitaires. Parce qu'il y a un besoin de reconnaissance de la fonction de professeur d'université, de maître de conférence aujourd'hui. Donc je suis prête - et nous allons maintenir les emplois de l'université, alors que vous savez bien qu'on est en période de contraintes budgétaires - donc nous sommes prêts à faire des grands gestes pour le rayonnement de nos universités et pour cette réforme.
C. Roux : Et vous êtes prête à faire des grands gestes dans la négociation, il y a encore des marges de négociation avec vos interlocuteurs. C'est ce que vous leur dites ce matin ?
Ce que je dis ce matin, c'est que sur tous les points qui crispaient les inquiétudes, nous avons apporté des réponses, dans la concertation. En revanche, il y a des réformes qu'on ne remettra pas en cause.
C. Roux : Ca, on a bien compris. Donc ça veut dire que pour l'instant, il n'y a plus de marges de négociations possibles. C'est-à-dire qu'on va discuter, mais sur quoi ? Je veux dire, vous dites : il y a les réformes qui ont été appliquées, et donc qui ne sont pas contestables, comme l'a dit le président de la République et pour le reste, on a fait les gestes qu'on devait faire, donc fermer le banc ?
Non, non, non, on lance une commission de concertation pour réussir la réforme de la formation des maîtres. Si on lance une commission de concertation, c'est qu'on va concerter. Donc le dialogue se poursuit. Non, non, excusez-moi, nous avons avec X. Darcos décidé de faire cette réforme, de prendre le temps de la faire. Donc si vous voulez, il y a toute une série de sujets et dans tous ces sujets, nous apportons les réponses dans la concertation.
M. Biraben : Alors vous prenez le temps, mais le Baccalauréat arrive.
C. Roux : Pour les épreuves du Bac, il y a 246 enseignants chercheurs de l'université qui ont refusé de présider le jury du Bac et ils sont indispensables pour que l'épreuve se déroule normalement.
M. Biraben : (Pour que) Le Bac puisse se dérouler.
C. Roux : Est-ce que vous avez une solution de repli ?
Mais je crois que de toutes les façons, c'est là aussi qu'on voit une forme de dérive de ce mouvement universitaire. On ne peut pas menacer de boycotter le Baccalauréat. Je veux dire, on ne peut pas prendre des lycéens comme ça, comme boucs émissaires d'une revendication. Je veux dire le Baccalauréat doit se dérouler dans de bonnes conditions, il se déroulera dans de bonnes conditions.
C. Roux : Qui est à l'origine de cette dérive ?
Je crois qu'il y a une forme de violence qui s'exprime dans ce mouvement. On a eu des présidents d'université...
C. Roux : De la part de qui, c'est la question ?
On a eu des présidents d'université séquestrés, de groupes politiques qui s'agrègent à ce mouvement. On a des présidents d'université qui ont été séquestrés, on a eu des dégradations et quand on porte plainte, quand il y a des plaintes déposées, on s'aperçoit qu'un certain nombre de ces personnes cagoulées, avec des bâtons, des barres de fer, qui ont dégradé les locaux ne sont pas les étudiants de l'université.
M. Biraben : Alors justement...
Et ça, ça fragilise l'université.
C. Roux : Une toute petite précision : c'est bien A. Kahn qui demande aux professeurs de reprendre le travail, pas J.-F. Kahn. Axel, il est patron d'université...
Source : Premier ministre, Service d'Information du gouvernement, le 10 avril 2009