Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à RTL le 20 mars 2001 sur les résultats du PCF aux élections municipales 2001, la sécurité et le dopage dans le cyclisme.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

O. Mazerolle Le Parti communiste a perdu de nombreuses villes à l'occasion de ces municipales, y compris dans ses bastions traditionnels. Beaucoup y voient la chronique d'une mort annoncée et inéluctable.
- "C'est vrai, on a fait un très mauvais résultat à ces municipales, situation préoccupante. J'y vois deux grandes raisons : dans les couches populaires, une insatisfaction liée à la politique gouvernementale, mais également liée à des raisons locales, de proximité, d'attentes fortes de reconnaissance qu'ils ne trouvent pas toujours ou qu'ils ont l'impression de ne pas trouver - c'est ce que j'ai ressenti dans certains quartiers où je suis allée. Il faut qu'on réfléchisse beaucoup sur nos formes d'organisation dans ces quartiers, sur nos façons de gérer ces villes. Et il faut qu'on réfléchisse au niveau du Gouvernement lui-même sur quels signes on donne à ces populations. Des jeunes m'ont dit dans ces quartiers qu'ils avaient l'impression d'être restés au bord du chemin, qu'ils voyaient bien que le Gouvernement fait des choses mais qu'ils avaient l'impression de ne pas être concernés pour l'instant."
Pour le Parti communiste lui-même, on entend dire, aussi bien de la part de ceux qui voudraient que le parti se réforme que de ceux qui voudraient que la parti redevienne ce qu'il était auparavant, qu'ils ne reconnaissent plus leur parti, qu'ils ne savent pas à quoi il sert.
- "On a un problème de visibilité sur le projet communiste. J'ai envie de dire qu'il faudrait qu'on soit capable, en deux feuillets peut-être, en quelques phrases, de définir pourquoi on a besoin des communistes aujourd'hui. Qu'est-ce que nous voulons faire pour des individus, pour la société, quel est notre message, quelles sont nos propositions... On a beaucoup travaillé, le congrès de Martigues l'année dernière a été quelque chose de très fort. Mais il nous faut maintenant gagner en clarté sur le projet communiste. Cela va être l'objet du congrès que nous allons tenir au mois d'octobre."
N'est-ce pas quelque chose d'impossible ? Finalement, pour les Français, le Parti communiste, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, était un parti prolétarien, révolutionnaire. Ce sont des références qu'il a abandonnées. Est-ce que, ce faisant, il ne devient pas un parti comme les autres, ordinaire, qui n'a plus de raison d'être ?
- "Il faut que l'on soit, toujours mieux, le parti de la transformation sociale, c'est cela être révolutionnaire aujourd'hui. C'est-à-dire faire en sorte que, sur toutes les questions posées aux individus, à la société, nous soyons en capacité de faire intervenir les gens eux-mêmes, de faire avancer les choses. Un retour en arrière serait un suicide organisé. Il faut continuer, avancer, travailler dans le sens de la mutation."
R. Hue est-il en cause ?
- "Non, je ne le pense pas ; nous sommes tous, quelque part, en cause. On va beaucoup travailler d'ici le mois d'octobre."
Tout de même, lorsque vous voyez l'électorat populaire qui vote à l'extrême gauche ou qui s'abstient, laquelle extrême-gauche n'apporte pas ses voix au deuxième tour des élections à la majorité plurielle, voyez-vous une solution ?
- "Il va falloir qu'on rediscute de la gauche plurielle. Des villes sont tombées à droite parce que des listes appartenant à cette majorité de gauche plurielle se sont maintenues au second tour. C'est un premier point. Mais au-delà, on voit bien un électorat qui choisit parfois des votes alternatifs à la gauche plurielle et à la droite et qui, ensuite, ne se reporte pas de façon spontanée. Ce qu'on a dit pendant des années sur le report républicain presque automatique à gauche ou à droite ne s'effectue plus dans les mêmes conditions. Les gens ont d'autres itinéraires, d'autre choix. Il faut qu'on y travaille."
Manque d'idéologie ?
- "Il faut qu'on se remette davantage sur la bataille d'idées. En même temps, il faut qu'on parte des problèmes des gens, qu'on soit concret. Mais j'ai un peu trouvé que dans cette campagne - c'est mon expérience personnelle, peut-être est-elle tout à fait infondée ailleurs - nous n'allions pas au bout de la discussion avec les gens. Ils ont des problèmes, nous les écoutons, nous essayons de trouver des solutions concrètes. Mais quel vote ? Et pourquoi ce vote-là ? Quel débat d'idées dans ce pays pour faire avancer les choses ? On a peut-être besoin de refaire de la politique, de redonner un peu ses lettres de noblesse à la politique."
Vous entendez également tout ce que l'on dit, à savoir que précisément, pour ce qui est de la vie quotidienne dans la politique, les Verts sont très représentatifs, qu'ils deviennent une vraie force à l'intérieur de la gauche plurielle et qu'ils sont même appelés à supplanter le Parti communiste, comme étant la vraie force alternative à côté du PS.
- "La gauche plurielle a besoin de toutes ses composantes. Il ne faut donc pas chercher à éliminer les unes ou les autres, ce n'est pas un bon raisonnement, cela fait politicien en plus. Il faut donc que les Verts gardent leur image, leur sensibilité et ne rentrent pas dans ces jeux-là. Je souhaite que la gauche progresse par toutes ses composantes et qu'il n'y en ait pas une qui écrase l'autre. Les Verts ont progressé justement parce qu'ils ont correspondu à une recherche de vote à un moment alternatif, on l'a vu. Ce vote s'est souvent maintenant au second tour, on l'a vu également. C'est le constat que l'on fait, à nous les communistes de travailler."
La reconquête de l'électorat populaire par le Parti communiste est-elle compatible avec le maintien d'une activité gouvernementale ?
- "Oui, si on fait vivre cette participation un peu différemment."
Comment ?
- "Il faut peut-être plus mettre en discussion les débats que nous avons au sein du Gouvernement. Il faut peut-être plus que nous soyons capables, nous les communistes, de les porter en débat dans la population elle-même. Par exemple, on a évoqué les questions sur la politique gouvernementale du pouvoir d'achat : on a eu un débat il y a quelques mois là-dessus au sein du Gouvernement, on a abouti sur le crédit d'impôt et non pas sur une augmentation du Smic et des minima sociaux. Est-ce qu'on a suffisamment porté à l'extérieur ce débat ? Est-ce que ce n'est pas resté interne au Gouvernement et à la majorité plurielle ? Les gens ne mesurent pas l'utilité des ministres communistes s'ils ont l'impression qu'en fin de compte, on ne mène pas un débat pour défendre leurs intérêts. C'est peut-être cela qu'il faut qu'on corrige."
Mais hier matin, assis à votre place, F. Hollande disait que la stratégie du Gouvernement, la stratégie de "l'économie maîtrisée", et la bonne.
- "Je n'ai quand même pas l'impression que le message qu'on nous a envoyé ces deux derniers dimanches soit tout à fait celui-là. Les gens apprécient le travail mené par le Gouvernement depuis bientôt quatre ans, mais ils demandent quand même - notamment ceux qui sont dans une situation difficile, parce qu'il y a les bas salaires, parce qu'il y a la précarité, parce qu'il y a encore le chômage pour deux millions d'entre eux - des gestes un peu plus forts. Il faut les entendre. C'est ce dont on va discuter au séminaire gouvernemental du 31."
Pour vous, l'accent doit-il davantage être mis sur la politique économique et sociale que sur la sécurité par exemple ?
- Non, nous avons besoin de sécurité. Le droit à la tranquillité est peut-être l'une des questions qui est le plus revenue dans cette campagne des municipales. C'est pour cela quand on demande si les municipales sont un enjeu local ou national, quand les gens vous parlent d'insécurité, les deux se mélangent. C'est quelque chose qui est très présent, notamment dans ces quartiers où il y a eu beaucoup d'abstention, où ils ont l'impression que leur vie est mise à mal au quotidien, parce qu'ils rentrent dans la cage d'escalier qui n'est pas nettoyée comme il faudrait, parce qu'ils se sentent menacés... La police de proximité est une première réponse, mais il faut donner encore plus de moyens pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Nous en avons vraiment besoin."
L'inversion du calendrier entre législatives et présidentielles est une des questions politiques. Les communistes s'étaient abstenus lors du premier passage du texte devant l'Assemblée nationale. Pourraient-ils voter pour cette fois-ci, pour faire plaisir à L. Jospin ?
- "Je ne pense pas qu'on modifiera notre position qui n'était pas liée simplement à une situation conjoncturelle."
Vous êtes ministre de la Jeunesse et des sports et vous allez rencontrer la semaine prochaine M. Verbruggen qui dirige la Commission d'évaluation du CIO pour la candidature de Paris. Cela va-t-il bien se passer avec lui, parce qu'il y a eu des mots quand même ! On le soupçonne un peu de ne pas être très vigilant à l'égard du dopage dans le cyclisme...
- "La Fédération française de cyclisme comme la Fédération internationale de cyclisme ont mené cette action contre le dopage. Il a fallu que les Etats s'en mêlent, que je m'en mêle, mais aujourd'hui, nous discutons beaucoup avec M. Verbruggen, nous essayons d'harmoniser la législation française et le règlement de la Fédération de l'union cycliste internationale. Les choses vont donc se passer de mieux en mieux. Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas mettre la lutte pour l'éthique du sport dans notre poche au moment où il y a la candidature pour les Jeux de Paris. Au contraire, il faut montrer que nous sommes le pays qui portons cette éthique."
Paris 2008, ce n'est ni gauche ni droite ?
- "Paris 2008, c'est le plaisir du sport, point final."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 mars 2001)