Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur les perspectives de développement du marché des éco-industries, l'action des pouvoirs publics en la matière et le nouveau modèle de développement économique, Paris le 11 mai 2009.

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Circonstance : Conférence "Eco-entreprises fançaises : à la conquête du marché mondial" à Paris le 11 mai 2009

Texte intégral

Madame la Ministre,
Messieurs les présidents, Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis que la thématique du développement des éco-entreprises ait été l'objet d'un colloque qui a suscité autant d'intérêt (public nombreux, de qualité, et représentatif de la diversité des entreprises françaises).
* L'enjeu de ce colloque est fondamental. Il doit permettre de positionner la France en tête de ce marché dont la croissance à venir est immense. Nous ne pouvons pas manquer ce virage.
*Ce nouveau marché doit, d'une part, nous permettre de surmonter la crise écologique actuelle. Les éco-activités offrent des solutions innovantes de gestion des ressources naturelles et de préservation de l'environnement :
- Transports (voitures hybrides, ...)
- Energie (énergies renouvelables, stockage de l'énergie, ...)
- Habitat
- Eau et déchets
- Innovations écologiques pour le quotidien (éco-conception, économie de la fonctionnalité)
* D'autre part, ce marché présente d'immenses opportunités industrielles et économiques. C'est un relais de croissance extraordinaire en cette période de crise économique.
Une immense vague se présente. Comme au surf, il faut savoir partir au bon moment pour ne pas la manquer.
I. Le marché des éco-industries
1/ Ce marché, il existe, et vous en connaissez les spécificités et les caractéristiques.
Surtout, il s'agit d'un secteur clé pour l'économie française :
* Le secteur des emplois verts, ce sont environ 400 000 personnes.
Il présente des avantages indéniables :
- Il est intensif en main d'oeuvre ;
- Les emplois ne sont pas « délocalisables » ;
- Il constitue un débouché pour une main d'oeuvre peu qualifiée comme très qualifiée.
* Les emplois dans les éco-activités en France en 2007 sont répartis de la façon suivante :
- Energies renouvelables : 52 000 emplois (13 %) ;
- Performance énergétique : 169 000 emplois (43 %) ;
- Environnement classique (eau, déchets pollutions) : 175 000 emplois (44 %).
* Les Etats-Unis d'Amérique, le Japon et l'union européenne se partagent à eux trois 85 % du marché mondial des produits et services environnementaux.
* Ce marché est évalué à 550 Geuros/an par l'OCDE, et 1 030G euros/an par Roland Berger.
* La France se situe au 4ème rang mondial derrière les Etats-Unis d'Amérique, le Japon et l'Allemagne.
2/ Ce marché a encore un grand potentiel de croissance
* La croissance de ce secteur au cours des 25 dernières années a été largement supérieure à celle du PIB.
* Sur le plan mondial, le marché devrait doubler dans la décennie à venir pour passer de 1 030 Mds euros en 2007 à 2 060 Mds euros en 2020 (Roland Berger).
* En France, le potentiel de création d'emplois serait de 280 000 emplois d'ici à 2020 (BCG).
* Par ailleurs, pour faire face à la crise économique actuelle, l'ensemble des pays développés s'est engagé dans des plans de relance massifs : estimation du montant cumulé dans le monde 2 800 G$ (environ 2 000 Geuros).

* 15 % de ce montant cumulé sont consacrés à des investissements verts, soit environ 430 G$ (320Geuros)
* On a beaucoup mis en avant sur ce point deux grands pays.
La Chine consacre ainsi 38 % de son plan de relance aux investissements verts, soit près de 221 G$.
Les Etats-Unis y consacrent 12%, soit 112 G$.
* Mais la France n'est pas à la traîne. Selon une étude HSBC, c'est 21,2% des crédits qui sont consacrés à la relance verte
- Car nous n'avons pas attendu la crise pour engager notre relance verte
- nous avons anticipé les évolutions de notre modèle économique avec le Grenelle, qui représente l'équivalent d'une vingtaine de plans de relance d'ici 2020.
- Pour être complet, il faut donc ajouter aux dépenses vertes du plan de relance les engagements du Grenelle.
- En consolidant les deux volets, c'est presque 18 Geuros de crédits publics qui seront, en France, consacrés à la relance verte pour la période 2009-2010.
- C'est au total 35 % de notre plan de relance, et nous sommes à cet égard loin devant le second pays de l'Union en matière de relance verte, l'Allemagne, qui y consacre 13,2 %.
- Achim Steiner, le directeur du PNUE, a par ailleurs indiqué récemment que, pour construire un « Global Green New Deal », les pays riches devaient consacrer 1 % de leur PIB sur deux ans à l'économie verte.
- La France, avec 18 Geuros de crédits publics pour la période 2009-2010, y consacre déjà 1 % de son PIB.
II. L'action des pouvoirs publics
Sur les éco-entreprises, nous avons également d'ores et déjà pris les choses en main en France. Nous connaissons nos forces (domaine de l'eau, de l'assainissement, de la gestion des déchets) et nos faiblesses (efficacité énergétique du bâtiment, biomasse, biocarburants, valorisation énergétique des déchets).
La problématique reste surtout celle de la structure de l'offre.
La stimulation et la synergie des relations entre secteurs public et privé est essentielle. Les différents acteurs publics conjuguent leurs efforts en ce sens.
1. L e rôle de l'ADEME
* Depuis longtemps, l'ADEME motive et accompagne les éco-industries
Appels à propositions spécifiques, programme de soutien à la R&D, volet éco-innovation à destination des PME, contribution aux différents fonds d'intervention...
A l'international également :
- existence d'un Club ADEME international depuis 1997,
- sous l'impulsion duquel a été élaboré un Plan Export des Eco-entreprises en 2002, en partenariat avec Ubifrance déjà et les partenaires publics du dispositif export français ;
- l'effort se porte particulièrement vers les PME.
* Récemment, création d'un fonds de financement de démonstrateurs de recherche
- hébergé à l'ADEME depuis juillet 2008, doté d'une enveloppe de 400 Meuros, abondée de 50 Meuros supplémentaires afin de lancer notamment de nouveaux projets dans le domaine du véhicule décarboné et des systèmes de charge ;
- ayant vocation à cofinancer des projets sur les nouvelles technologies de l'énergie (EnR, hydrogène, stockage de l'énergie, captage et stockage du CO2, réseaux énergétiques intelligents)
2. L e COSEI
* Avec la création du comité stratégique des éco-industries (COSEI), piloté conjointement par le MEEDDAT et le MINEIE (Luc Chatel), nous avons franchi une étape supplémentaire.
* Ce comité, installé le 8 juillet 2008, et qui réunit régulièrement les administrations des deux secrétariats d'Etat avec des représentants des secteurs économiques concernés, a pour objectif de conduire une stratégie privé-public coordonnée de développement des initiatives visant à promouvoir les écotechnologies en France.
* Pour aider à fédérer ces initiatives, un plan « Ecotech 2012 » a été lancé le 2 décembre 2008 par les Secrétaires d'Etat chargés de l'Ecologie et de l'Industrie. C'est un engagement du Grenelle et une réalisation du COSEI.
* « Ecotech 2012 » constitue une feuille de route partagée par les parties prenantes. Annoncé lors du salon Pollutec, il propose une mobilisation des pouvoirs publics au travers de 26 mesures sur cinq axes principaux.
Les cinq séries d'actions sont les suivantes :
- Améliorer la connaissance et la structuration du secteur
- Soutenir l'innovation
- Améliorer l'accès au financement pour les entreprises
- Améliorer la compétitivité des entreprises
- Agir sur la formation
* La quasi totalité de ces 26 mesures sont en cours, comme par exemple le récent appel à projet commun à la DGCIS, à OSEO et à l'ADEME lancé le 19 mars dernier et assorti d'un financement de 30 Meuros dans le cadre du Fonds de Compétitivité des Entreprises.
* Un premier bilan d'étape partagé sera réalisé au prochain comité plénier du COSEI, en juin 2009, dans le cadre du salon International des Énergies Renouvelables et de la Maîtrise de l'Énergie. Je vous y donne rendez-vous.
3. L'action d'autres acteurs publics
Permettez-moi enfin de saluer aussi l'implication forte en faveur des écotechnologies, de quelques autres acteurs majeurs de la sphère publique :
* la Caisse des dépôts,
- qui vient de s'engager en faveur du développement des éco-industries et des énergies renouvelables en France,
- en investissant 30 Meuros dans des plates-formes partenariales de recherche et d'innovation sur les défis énergétiques ;
- et 150 Meuros sur la période 2008 à 2010 dans la production d'énergies renouvelables
- et en renforçant son soutien aux PME innovantes dans le domaine des éco-industries au travers du programme France Investissement, géré par sa filiale CDC Entreprises.
* L'OSEO, France Investissement pour le soutien aux entreprises
* Et enfin, dans le domaine de la recherche, l'agence nationale pour la recherche, les laboratoires du CEA (Commissariat à l'énergie atomique), de l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), de l'IFP (Innovation, Energie, Environnement), du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui sont les catalyseurs de projets innovants et de création d'entreprise. Car nous avons consenti un immense effort dans le domaine de la recherche :
Objectifs du programme fixés par le Président de la République : Engager 1 Geuros supplémentaires sur 4 ans sur les NTE, la biodiversité et la santé-environnement
Première priorité : Porter la recherche sur les technologies propres au niveau du nucléaire à l'horizon 2012, c'est-à-dire à un montant de l'ordre de 500 Meuros par an.
Aujourd'hui, ce ne sont pas des promesses, mais une restitution que nous vous proposons. Nous avons engagé 1.2 Geuros supplémentaires pour la recherche d'un futur écologique.
- 40 % pour le NTE
- 22 % pour les transports
- 7 % pour le logement et l'urbanisme
- 12 % pour la biodiversité et l'agriculture
- 11 % pour la santé-environnement.
Deuxième priorité : accentuer la recherche la plus opérationnelle car il nous reste peu de temps pour agir.
- A 70 % la recherche industrielle et le développement préconcurrentiel
- A 30 % la recherche fondamentale, l'évaluation et l'appui aux politiques publiques
Troisième priorité : avoir un continuum complet depuis la recherche fondamentale essentiellement portée par l'ANR et la recherche industrielle. Il manquait un maillon : le fonds démonstrateur.
Quatrième priorité : rapprocher la recherche publique et privée et les entreprises.
4. Le partenariat Ubifrance / ADEME
Enfin, permettez-moi de m'attarder sur ce partenariat, qui est aujourd'hui mis à l'honneur.
C'est un partenariat de longue date, comme je l'ai rappelé.
* Mais la signature ce jour de l'accord cadre entre Ubifrance et l'ADEME qui renforce ce partenariat, est importante, car elle s'inscrit dans cette dynamique générale de portage de nos éco-entreprises ;
* Les objectifs principaux de cet accord doivent effectivement constituer le coeur de notre action de promotion de nos éco-entreprises à l'international :
- Le renforcement de l'accessibilité aux marchés étrangers ;
- la promotion de l'offre française globale en matière d'éco-entreprises et éco-technologies, de la R&D au marché ;
- le financement d'opérations de démonstrateurs technologiques à l'étranger.
* Le tandem Ubifrance/ADEME me paraît à cet égard avoir tous les avantages pour projeter les éco-industries vers les marchés internationaux les plus porteurs.
III. Un nouveau modèle de développement économique
* La France veut clairement montrer la voie du développement de demain.
La crise a invalidé notre modèle de développement actuel : nous devons nous tourner vers une économie qui ne repose pas sur le pétrole, le charbon, et, surtout, qui n'induise autant de pollution. Le contraire est inimaginable.
* C'est le sens du Grenelle de l'environnement et des mesures que nous avons décidées : la France doit être un modèle, c'est pour cela que nous avons engagé, par des un grand nombre de mesures fiscales, 19 Geuros sur 3 ans ; le Grenelle accélère notre mutation vers la croissance verte
Les programmes d'investissement du Grenelle représentent près de 440 Geuros d'ici 2020.
Ils devraient générer plus 20 Geuros de valeur ajoutée par an en moyenne, soit près d'1 point de PIB, et plus de 500 000 emplois.
* Ces investissements seront bénéfiques pour la compétitivité des entreprises, dans des secteurs qui occupent une place essentielle dans l'activité économique de notre pays : ils représentent près de 15 % du PIB et occupe environ 1,5 millions d'emplois :
- Le plan bâtiment va organiser une véritable rupture pour réduire la consommation énergétique des bâtiments ;
- Une politique durable des transports sera mise en place : bonus- malus automobile, priorité du rail pour les marchandises, renforcement des transports collectifs urbains ;
- La réduction de la consommation énergétique sera promue à travers des mécanismes fiscaux ; les énergies et technologies sobres en carbone (fonds ADEME) seront favorisées.
* De même, comme je l'ai déjà indiqué plus tôt, le plan de relance français contribuera à la transition vers une croissance verte ; car je veux répéter ici avec force que la France n'a pas à rougir de ses choix, elle est et demeure exemplaire en la matière.
* Enfin, c'est aussi le sens des réflexions de la Commission de Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social coprésidée par Amartya Sen et Joseph Stiglitz ; nous devons échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives, et élaborer de nouveaux indicateurs de richesse qui ne soient pas seulement des indicateurs du développement industriel, mais prennent en compte des valeurs sociales, culturelles, et naturelles (dans l'acception : « liées à la nature »). Le nouvel indicateur de notre capital humain et environnemental valorisera la nouvelle société écologique
* Avec Anne-Marie Idrac, nous voulons avoir une vraie stratégie de conquête pour nos éco-entreprises à l'international :
* Nous avons des leaders mondiaux dans les secteurs clé (Véolia, Suez...) ; nous devons maintenir cette position de force, et renforcer nos actions dans les secteurs un peu moins développés.
* Pour tous mes déplacements à l'étranger, je souhaite que vous soyez associés à la préparation, pour que nous portions vos problématiques.
* Nous allons également agir par la normalisation (par exemple : bilan carbone)
* Nous allons faire un annuaire des éco-entreprises.
* Nous allons continuer, en partenariat avec tous les acteurs concernés, à promouvoir la mise en place d'un tissu industriel dynamique, en particulier à l'export, qui nous permettra de saisir toutes les opportunités sur un marché en pleine croissance.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 12 mai 2009