Texte intégral
Monsieur le Président du Sénat ;
Messieurs les Ministres ;
Messieurs les Parlementaires de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (dont une délégation composée de 7 parlementaires français) ;
Monsieur le Président de séance (Karl A. Lamers, chef de la délégation allemande auprès de l'AP-OTAN).
Je tiens également à saluer l'initiative prise par le Sénateur Sergio De Gregorio de réunir ici les parlementaires et membres des délégations associées de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN qui a fêté à Strasbourg-Kehl son 60ème anniversaire.
La session de printemps de votre Assemblée se réunira sous forme plénière à Oslo, du 22 au 26 mai prochains. Ce sera alors l'occasion de mesurer concrètement les premiers effets du Sommet de Strasbourg-Kehl qui engage l'Alliance sur la voie de sa transformation et poursuit son élargissement. Il s'inscrit donc à un moment charnière : celui où toutes ces orientations importantes doivent être redéfinies pour faire face aux nouveaux enjeux de sécurité. En effet, l'Alliance de 1966 (année de sortie du commandement militaire - par soucis d'équilibre stratégique) n'a plus grand-chose à voir avec le contexte géopolitique de 2009. C'est une OTAN qui a beaucoup changé depuis la fin de la Guerre froide. Les forces permanentes ont disparu. En s'élargissant et en accueillant les pays d'Europe de l'Est et en menant des opérations de gestion de crise en dehors de l'espace Euro-Atlantique, l'Alliance continue son adaptation à un environnement en constante évolution. Les menaces ont fortement évoluées et les réponses qui pouvaient en résulter aussi.
La « frontalité » de la conflictualité héritée de la guerre froide a laissé la place à des menaces plus diffuses, aux acteurs et vecteurs asymétriques. Après plus d'un demi-siècle d'affrontement binaire, nous sommes entrés dans un XXIe siècle caractérisé par la complexité et la volatilité de ces menaces. C'est ainsi que le terrorisme « globalisé » puise sa source dans la montée des fondamentalismes ; que la prolifération des armes de destruction massive (ADM) fait directement peser un danger sur le continent européen ; que l'émergence de la cybercriminalité nous oblige à faire front en commun. Par ailleurs, la démographie « non-maîtrisée », l'accroissement des insécurités pesant sur les ressources vitales - notamment l'eau - obligent les Etats à réadapter sans cesse leurs parades.
La libre circulation des biens et des personnes et la libéralisation des échanges qui peuvent devenir des facteurs de cohésion et de rapprochement face à des défis communs n'en demeurent pas moins porteurs de risques. Je ne saurais oublier non plus le problème de la sécurisation des approvisionnements énergétiques, ni l'impact « stratégique » des changements climatiques. Je pense notamment à la zone arctique où la Russie et l'OTAN doivent pouvoir coopérer utilement dans cette région vitale pour la planète. Concrètement, c'est donc en misant sur la transformation de l'Alliance qui se poursuit que la France entend agir suffisamment « en amont », en faisant valoir la spécificité de ses règles d'engagement et en partageant son expérience stratégique et opérationnelle. Le sujet est d'importance, au moment où les relations entre les acteurs de la Communauté internationale n'ont jamais été aussi interdépendantes : ·
- L'Union Européenne à travers une Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) qui développe sa capacité à mener des opérations militaires et civilo-militaires ; ·
- L'ONU, vecteur essentiel de la sécurité collective, garantie par des opérations de maintien de la paix ;·
- L'OTAN, enfin, dont l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, portant sur la solidarité entre ses membres en cas d'agression, demeurent toujours la clé de voûte. Il s'agit d'une réflexion qui nous concerne tous : comment construire collectivement l'architecture de paix, de stabilité et de sécurité dont a besoin le continent européen et, au-delà, tous les pays qui composent son voisinage stratégique.
L'OTAN doit ainsi continuer à garantir la « sécurité collective » comme l'Article 5 du Traité (impliquant la solidarité des 28 Etats membres en cas d'agression d'un de ses membres) l'y engage. Mais elle doit aussi savoir s'adapter au concept de « sécurité globale », en prenant en compte le fait que la sécurité et la stabilité internationale impliquent de recourir, non seulement, à des moyens militaires mais aussi à ceux de nature politico-militaires. C'est justement cette réalité stratégique nouvelle que le Président Nicolas Sarkozy a souhaité mettre en exergue. C'est d'ailleurs ce qu'est venu confirmer le Livre blanc sur la Défense et la sécurité que la France a présenté en juin dernier. Comme cela a été maintes fois évoqué, si la France a choisi de reprendre toute sa place au sein de l'Alliance, c'est avant tout pour faire progresser la complémentarité entre l'OTAN et l'UE, que l'on souhaite voir contribuer conjointement à la stabilité dans le monde. Le « plein retour » de la France dans les structures militaires intégrées ne pouvait donc se faire sans la relance de la défense européenne. C'est désormais chose faite. Alors que nous allons fêter dans quelques mois le dixième anniversaire du Sommet d'Helsinki, les nombreuses initiatives qui ont été menées pendant les six derniers mois de 2008, pendant la PFUE, tendent à démontrer la maturité de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD).
Je pense, notamment, aux avancées acquises dans le domaine capacitaire et en matière de planification stratégique. Depuis dix ans, l'Union européenne a conduit avec succès plus d'une quinzaine d'opérations extérieures. Notre ambition est désormais d'en faire un acteur majeur de la gestion de crise et de la sécurité internationale. Pour certains de nos partenaires européens, un pas de plus vers l'Europe de la défense, c'était un pas en arrière dans l'OTAN. Depuis les déclarations du Président Obama à Strasbourg et à Prague, cette crainte n'est plus d'actualité. Ce dernier a tenu à rappeler l'importance d'une Europe « partenaire » de sécurité, à la fois forte et crédible. L'affichage d'un engagement sans ambiguïté au sein de l'Alliance a ainsi clairement contribué à la relance de la PESD. Il faut rappeler, bien entendu, que le « plein retour » de la France dans les structures de l'OTAN ne modifie en rien les trois principes fondamentaux qui régissent notre participation à l'Alliance : ·
- L'indépendance des forces nucléaires françaises, tout d'abord ;
- La liberté d'appréciation des situations par les autorités françaises, ensuite, ce qui signifie le rejet de toute automaticité dans nos engagements militaires ;
- Et enfin, la liberté de décision en toutes circonstances, qui suppose qu'aucune force française ne soit placée en permanence, en temps de paix, sous le commandement de l'OTAN.
Pour la France, une OTAN rénovée est parfaitement complémentaire avec une « Europe de la défense » renforcée. Elle est synonyme d'une OTAN plus souple, plus flexible, dont les moyens militaires puissent être mobilisés par l'Union européenne. La France peut et doit rénover ses relations avec l'OTAN en étant un allié indépendant et un partenaire libre. Nous cherchons à promouvoir nos idées, sans dogmatisme, et avec détermination. Cela a dissipé bien des doutes que nos partenaires, y compris européens, pouvaient avoir quant à nos objectifs vis-à-vis de l'Organisation. Permettez-moi également de rappeler combien est forte, aux yeux de la France, la légitimité d'approfondir les partenariats entre l'Alliance et la Russie d'une part, et avec nos voisins de la rive sud de la Méditerranée, d'une autre.
C'est justement avec ces voisins, en premier lieu desquels la Russie, que notre effort de dialogue constructif en matière de stabilité doit nous porter en priorité. On se souvient qu'à l'occasion du Sommet de Bucarest, en 2008, plusieurs Etats d'Asie centrale, tout à la fois membres du Partenariat pour la Paix (PpP) de l'OTAN (initié avec succès en 1994) et de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) avaient posé les jalons de partenariats transfrontaliers ambitieux. Le sommet de Sotchi entre la Russie et les Etats-Unis avait d'ailleurs scellé, à l'époque, l'engagement mutuel visant à juguler le terrorisme, tout en tenant compte de facteurs communs d'insécurités. Ceux liés au réchauffement climatique et ceux induits par les effets de la crise financière. Cette année, le Sommet UE-USA, tenu à Prague le lendemain de celui de Strasbourg-Kehl, a pleinement confirmé les propos du vice-président américain Joe Biden (prononcés quelques semaines plus tôt lors de la Conférence de sécurité de Munich) appelant à un nouveau « Partenariat stratégique de sécurité » entre l'Europe et les Etats-Unis, d'une part, et entre la Russie et l'OTAN, de l'autre.
Etait ainsi rappelée l'importance de la relance de la relation OTAN-Russie en matière de lutte contre les proliférations. Il faut donc se réjouir que le nouveau concept stratégique de l'Alliance évoque les occasions où l'OTAN, l'UE et la Russie ont à collaborer. En parallèle, le « plein retour » de la France dans l'OTAN nécessite un dialogue constant et approfondi avec les pays arabes, notamment ceux du pourtour méditerranéen, d'une part, et avec les pays issus de l'ancienne Union soviétique (Caucase, zone des mers Noire et Caspienne, Asie centrale), à qui la France doit savoir expliquer qu'il ne s'agit nullement d'une rupture (et encore moins d'un « alignement » sur la politique de Washington). L'OTAN développe d'ailleurs déjà des relations avec de nombreux pays du Maghreb, du Machrek et du Moyen-Orient, contribuant ainsi à la sécurité et la stabilité de ces régions au travers d'un cadre formel multilatéral, que la France soutient activement. Il s'agit du Dialogue méditerranéen (DM) dont la lutte contre le terrorisme constitue l'axe prioritaire de cet effort. La co-présidence franco-égyptienne de l'Union pour la Méditerranée ainsi que le dialogue « 5+5 », notamment en matière de défense (liant dix pays méditerranéens : Algérie, Espagne, France, Italie, Libye, Malte, Maroc, Mauritanie, Portugal et Tunisie) sont des atouts supplémentaires pour mieux dialoguer avec les pays de la rive Sud. Ces atouts permettent, dès lors, de mettre en avant les complémentarités qu'apporte l'OTAN dans le pourtour méditerranéen :
- encouragement du dialogue politique ;
- poursuite de la réforme de la défense ;
- contribution solidaire à la lutte contre le terrorisme ;
- réalisation de l'interopérabilité des forces. Tous ces éléments semblent ainsi légitimer le concept de « sécurisation du développement ».
C'est notamment grâce à la complémentarité des partenariats noués entre riverains de la Méditerranée (dont la vocation est de créer un nouveau climat stratégique, caractérisée par le dialogue) que l'on pourra faire face aux facteurs communs d'insécurité. Ils sont nombreux - à l'instar du développement asymétrique des économies occasionnant frustrations et revendications quant à l'égale répartition des richesses au sein de l'espace méditerranéen. Je pense aussi tout simplement à l'insécurité alimentaire, qui constitue, hélas, encore au XXIe siècle un grave fléau. Ces facteurs « crisogènes » peuvent entraîner, en effet, fragilisation des Etats et déstabilisation politique des sociétés. C'est vrai non seulement sur le continent africain qui en souffre depuis de trop longues décennies. Mais à force de n'y prendre garde et d'en éluder l'urgence, le risque est grand que les conséquences en soient planétaires.
En guise de conclusion, je voudrais simplement vous apporter un témoignage personnel et vous dire combien j'ai été convaincu personnellement de l'importance de la rénovation de notre relation avec l'OTAN.
Dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne, j'ai effectué, en liaison avec le ministre de la Défense, Hervé Morin, une tournée des capitales européennes. C'est en dialoguant avec les dirigeants des pays nouveaux membres de l'UE - que je me suis forgé l'intime conviction que cette décision était non seulement opportune pour la place de la France en Europe, mais qu'elle était indispensable pour l'autonomie stratégique de l'Europe.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 14 mai 2009
Messieurs les Ministres ;
Messieurs les Parlementaires de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (dont une délégation composée de 7 parlementaires français) ;
Monsieur le Président de séance (Karl A. Lamers, chef de la délégation allemande auprès de l'AP-OTAN).
Je tiens également à saluer l'initiative prise par le Sénateur Sergio De Gregorio de réunir ici les parlementaires et membres des délégations associées de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN qui a fêté à Strasbourg-Kehl son 60ème anniversaire.
La session de printemps de votre Assemblée se réunira sous forme plénière à Oslo, du 22 au 26 mai prochains. Ce sera alors l'occasion de mesurer concrètement les premiers effets du Sommet de Strasbourg-Kehl qui engage l'Alliance sur la voie de sa transformation et poursuit son élargissement. Il s'inscrit donc à un moment charnière : celui où toutes ces orientations importantes doivent être redéfinies pour faire face aux nouveaux enjeux de sécurité. En effet, l'Alliance de 1966 (année de sortie du commandement militaire - par soucis d'équilibre stratégique) n'a plus grand-chose à voir avec le contexte géopolitique de 2009. C'est une OTAN qui a beaucoup changé depuis la fin de la Guerre froide. Les forces permanentes ont disparu. En s'élargissant et en accueillant les pays d'Europe de l'Est et en menant des opérations de gestion de crise en dehors de l'espace Euro-Atlantique, l'Alliance continue son adaptation à un environnement en constante évolution. Les menaces ont fortement évoluées et les réponses qui pouvaient en résulter aussi.
La « frontalité » de la conflictualité héritée de la guerre froide a laissé la place à des menaces plus diffuses, aux acteurs et vecteurs asymétriques. Après plus d'un demi-siècle d'affrontement binaire, nous sommes entrés dans un XXIe siècle caractérisé par la complexité et la volatilité de ces menaces. C'est ainsi que le terrorisme « globalisé » puise sa source dans la montée des fondamentalismes ; que la prolifération des armes de destruction massive (ADM) fait directement peser un danger sur le continent européen ; que l'émergence de la cybercriminalité nous oblige à faire front en commun. Par ailleurs, la démographie « non-maîtrisée », l'accroissement des insécurités pesant sur les ressources vitales - notamment l'eau - obligent les Etats à réadapter sans cesse leurs parades.
La libre circulation des biens et des personnes et la libéralisation des échanges qui peuvent devenir des facteurs de cohésion et de rapprochement face à des défis communs n'en demeurent pas moins porteurs de risques. Je ne saurais oublier non plus le problème de la sécurisation des approvisionnements énergétiques, ni l'impact « stratégique » des changements climatiques. Je pense notamment à la zone arctique où la Russie et l'OTAN doivent pouvoir coopérer utilement dans cette région vitale pour la planète. Concrètement, c'est donc en misant sur la transformation de l'Alliance qui se poursuit que la France entend agir suffisamment « en amont », en faisant valoir la spécificité de ses règles d'engagement et en partageant son expérience stratégique et opérationnelle. Le sujet est d'importance, au moment où les relations entre les acteurs de la Communauté internationale n'ont jamais été aussi interdépendantes : ·
- L'Union Européenne à travers une Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) qui développe sa capacité à mener des opérations militaires et civilo-militaires ; ·
- L'ONU, vecteur essentiel de la sécurité collective, garantie par des opérations de maintien de la paix ;·
- L'OTAN, enfin, dont l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, portant sur la solidarité entre ses membres en cas d'agression, demeurent toujours la clé de voûte. Il s'agit d'une réflexion qui nous concerne tous : comment construire collectivement l'architecture de paix, de stabilité et de sécurité dont a besoin le continent européen et, au-delà, tous les pays qui composent son voisinage stratégique.
L'OTAN doit ainsi continuer à garantir la « sécurité collective » comme l'Article 5 du Traité (impliquant la solidarité des 28 Etats membres en cas d'agression d'un de ses membres) l'y engage. Mais elle doit aussi savoir s'adapter au concept de « sécurité globale », en prenant en compte le fait que la sécurité et la stabilité internationale impliquent de recourir, non seulement, à des moyens militaires mais aussi à ceux de nature politico-militaires. C'est justement cette réalité stratégique nouvelle que le Président Nicolas Sarkozy a souhaité mettre en exergue. C'est d'ailleurs ce qu'est venu confirmer le Livre blanc sur la Défense et la sécurité que la France a présenté en juin dernier. Comme cela a été maintes fois évoqué, si la France a choisi de reprendre toute sa place au sein de l'Alliance, c'est avant tout pour faire progresser la complémentarité entre l'OTAN et l'UE, que l'on souhaite voir contribuer conjointement à la stabilité dans le monde. Le « plein retour » de la France dans les structures militaires intégrées ne pouvait donc se faire sans la relance de la défense européenne. C'est désormais chose faite. Alors que nous allons fêter dans quelques mois le dixième anniversaire du Sommet d'Helsinki, les nombreuses initiatives qui ont été menées pendant les six derniers mois de 2008, pendant la PFUE, tendent à démontrer la maturité de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD).
Je pense, notamment, aux avancées acquises dans le domaine capacitaire et en matière de planification stratégique. Depuis dix ans, l'Union européenne a conduit avec succès plus d'une quinzaine d'opérations extérieures. Notre ambition est désormais d'en faire un acteur majeur de la gestion de crise et de la sécurité internationale. Pour certains de nos partenaires européens, un pas de plus vers l'Europe de la défense, c'était un pas en arrière dans l'OTAN. Depuis les déclarations du Président Obama à Strasbourg et à Prague, cette crainte n'est plus d'actualité. Ce dernier a tenu à rappeler l'importance d'une Europe « partenaire » de sécurité, à la fois forte et crédible. L'affichage d'un engagement sans ambiguïté au sein de l'Alliance a ainsi clairement contribué à la relance de la PESD. Il faut rappeler, bien entendu, que le « plein retour » de la France dans les structures de l'OTAN ne modifie en rien les trois principes fondamentaux qui régissent notre participation à l'Alliance : ·
- L'indépendance des forces nucléaires françaises, tout d'abord ;
- La liberté d'appréciation des situations par les autorités françaises, ensuite, ce qui signifie le rejet de toute automaticité dans nos engagements militaires ;
- Et enfin, la liberté de décision en toutes circonstances, qui suppose qu'aucune force française ne soit placée en permanence, en temps de paix, sous le commandement de l'OTAN.
Pour la France, une OTAN rénovée est parfaitement complémentaire avec une « Europe de la défense » renforcée. Elle est synonyme d'une OTAN plus souple, plus flexible, dont les moyens militaires puissent être mobilisés par l'Union européenne. La France peut et doit rénover ses relations avec l'OTAN en étant un allié indépendant et un partenaire libre. Nous cherchons à promouvoir nos idées, sans dogmatisme, et avec détermination. Cela a dissipé bien des doutes que nos partenaires, y compris européens, pouvaient avoir quant à nos objectifs vis-à-vis de l'Organisation. Permettez-moi également de rappeler combien est forte, aux yeux de la France, la légitimité d'approfondir les partenariats entre l'Alliance et la Russie d'une part, et avec nos voisins de la rive sud de la Méditerranée, d'une autre.
C'est justement avec ces voisins, en premier lieu desquels la Russie, que notre effort de dialogue constructif en matière de stabilité doit nous porter en priorité. On se souvient qu'à l'occasion du Sommet de Bucarest, en 2008, plusieurs Etats d'Asie centrale, tout à la fois membres du Partenariat pour la Paix (PpP) de l'OTAN (initié avec succès en 1994) et de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) avaient posé les jalons de partenariats transfrontaliers ambitieux. Le sommet de Sotchi entre la Russie et les Etats-Unis avait d'ailleurs scellé, à l'époque, l'engagement mutuel visant à juguler le terrorisme, tout en tenant compte de facteurs communs d'insécurités. Ceux liés au réchauffement climatique et ceux induits par les effets de la crise financière. Cette année, le Sommet UE-USA, tenu à Prague le lendemain de celui de Strasbourg-Kehl, a pleinement confirmé les propos du vice-président américain Joe Biden (prononcés quelques semaines plus tôt lors de la Conférence de sécurité de Munich) appelant à un nouveau « Partenariat stratégique de sécurité » entre l'Europe et les Etats-Unis, d'une part, et entre la Russie et l'OTAN, de l'autre.
Etait ainsi rappelée l'importance de la relance de la relation OTAN-Russie en matière de lutte contre les proliférations. Il faut donc se réjouir que le nouveau concept stratégique de l'Alliance évoque les occasions où l'OTAN, l'UE et la Russie ont à collaborer. En parallèle, le « plein retour » de la France dans l'OTAN nécessite un dialogue constant et approfondi avec les pays arabes, notamment ceux du pourtour méditerranéen, d'une part, et avec les pays issus de l'ancienne Union soviétique (Caucase, zone des mers Noire et Caspienne, Asie centrale), à qui la France doit savoir expliquer qu'il ne s'agit nullement d'une rupture (et encore moins d'un « alignement » sur la politique de Washington). L'OTAN développe d'ailleurs déjà des relations avec de nombreux pays du Maghreb, du Machrek et du Moyen-Orient, contribuant ainsi à la sécurité et la stabilité de ces régions au travers d'un cadre formel multilatéral, que la France soutient activement. Il s'agit du Dialogue méditerranéen (DM) dont la lutte contre le terrorisme constitue l'axe prioritaire de cet effort. La co-présidence franco-égyptienne de l'Union pour la Méditerranée ainsi que le dialogue « 5+5 », notamment en matière de défense (liant dix pays méditerranéens : Algérie, Espagne, France, Italie, Libye, Malte, Maroc, Mauritanie, Portugal et Tunisie) sont des atouts supplémentaires pour mieux dialoguer avec les pays de la rive Sud. Ces atouts permettent, dès lors, de mettre en avant les complémentarités qu'apporte l'OTAN dans le pourtour méditerranéen :
- encouragement du dialogue politique ;
- poursuite de la réforme de la défense ;
- contribution solidaire à la lutte contre le terrorisme ;
- réalisation de l'interopérabilité des forces. Tous ces éléments semblent ainsi légitimer le concept de « sécurisation du développement ».
C'est notamment grâce à la complémentarité des partenariats noués entre riverains de la Méditerranée (dont la vocation est de créer un nouveau climat stratégique, caractérisée par le dialogue) que l'on pourra faire face aux facteurs communs d'insécurité. Ils sont nombreux - à l'instar du développement asymétrique des économies occasionnant frustrations et revendications quant à l'égale répartition des richesses au sein de l'espace méditerranéen. Je pense aussi tout simplement à l'insécurité alimentaire, qui constitue, hélas, encore au XXIe siècle un grave fléau. Ces facteurs « crisogènes » peuvent entraîner, en effet, fragilisation des Etats et déstabilisation politique des sociétés. C'est vrai non seulement sur le continent africain qui en souffre depuis de trop longues décennies. Mais à force de n'y prendre garde et d'en éluder l'urgence, le risque est grand que les conséquences en soient planétaires.
En guise de conclusion, je voudrais simplement vous apporter un témoignage personnel et vous dire combien j'ai été convaincu personnellement de l'importance de la rénovation de notre relation avec l'OTAN.
Dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne, j'ai effectué, en liaison avec le ministre de la Défense, Hervé Morin, une tournée des capitales européennes. C'est en dialoguant avec les dirigeants des pays nouveaux membres de l'UE - que je me suis forgé l'intime conviction que cette décision était non seulement opportune pour la place de la France en Europe, mais qu'elle était indispensable pour l'autonomie stratégique de l'Europe.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 14 mai 2009