Texte intégral
Question n° 1 : Monsieur le Secrétaire d'Etat, sur les derniers amendements gouvernementaux qui ont été adopté dernièrement, augmentant la retraite du combattant de deux points, quelles sont les retombés de cette nouvelle augmentation sur les combattants algériens ?
Cette augmentation, comme toutes les nouvelles mesures favorables susceptibles d'intervenir en matière de pension militaire, est applicable de plein droit aux anciens combattants algériens.
C'est un des effets - au-delà de l'alignement des montants des pensions versées qui sont dorénavant identiques en France et en Algérie en ce qui concerne la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité - des mesures dites de décristallisation intervenues début 2007. Je peux même vous préciser que, conformément aux engagements du Président de la République, la retraite du combattant sera encore revalorisée dans les années à venir : ces nouvelles mesures elles aussi, s'appliqueront automatiquement aux anciens combattants algériens.
Question n° 2 : Concernant l'indemnisation des victimes des guerres coloniales, comment vous percevez la question ?
Vous savez, une guerre, quelque soit le contexte dans lequel elle se déroule, créée toujours des victimes dans les deux camps. La guerre d'Algérie ne déroge pas à cette règle et si je vais répondre sans détour à votre question - qui, je suppose concerne plus particulièrement les victimes algériennes de la guerre - je voudrais avant tout saluer ici la mémoire de toutes les victimes de ce conflit, celles qui sont tombées en faisant leur devoir de soldat, comme celles qui ont payé de leur vie leur foi en la cause nationale algérienne ; celles aussi qui ont été victimes des circonstances qui font que l'on se trouve au mauvais moment au mauvais endroit pris dans le tourbillon de l'histoire qui sait être tragique parfois. Ceci dit, comme je l'ai déjà indiqué, ce problème de l'indemnisation des victimes est récurrent à la fin de chaque conflit.
En ce qui concerne l'Algérie et la France, et bien que les historiens seraient mieux placés que moi pour répondre, la question n'a pas été exactement posée dans les termes qui sont les vôtres. Cependant, les accords qui ont été signés à Evian le 19 mars 1962 avaient prévu que chacun des deux Etats aurait la charge de l'indemnisation de ses ressortissants, et plus généralement des personnes résidant sur son territoire, à travers son système d'aide sociale, en particulier en matière d'invalidité. La France a effectivement mis en place des dispositifs particuliers d'aide et de soutien aux victimes françaises de la guerre. Je sais que l'Etat algérien a fait de même, à travers des institutions ministérielles spécialisées et continue d'assurer aujourd'hui l'indemnisation de ses combattants et de ses victimes civiles. J'ajoute que le Président Sarkozy a proposé récemment que les victimes des mines en Algérie, quel que soit l'Etat qui les a posées, soient soignées en France, du moins pour les cas les plus compliqués et lorsque la prise en charge, localement, apparaissait insuffisante.
Question n° 3 : Qu'en est-il de la situation des anciens soldats de la guerre d'Algérie, après avoir reconnu la guerre d'Algérie ?
La reconnaissance de l'état de guerre en Algérie remonte chez nous à près de 10 ans puisque la loi française en la matière remonte à 1999
Cette loi a eu des conséquences concrètes limitées pour nos anciens soldats dans la mesure où, dès 1974 le droit à l'obtention de la carte du combattant - certes dans des conditions de droit commun - a été ouvert pour la participation à ce conflit.
En revanche, je pense que cette reconnaissance officielle de l'état de guerre qui a existé, à un moment donné entre nos deux pays, a une forte signification symbolique, ce qui ne veut pas dire, au contraire, qu'elle est sans importance : reconnaître la période 1954 - 1962 comme la « guerre d'Algérie » c'est d'abord reconnaître la valeur militaire des combattants de l'Indépendance, leur bravoure, leurs sacrifices, en même temps que ceux des soldats français tombés sur ce sol qu'ils découvraient souvent pour la première fois. C'est ensuite reconnaître expressément que ce conflit a opposé deux nations également constituées qu'étaient déjà l'Algérie et la France.
Question n° 4 : Les familles des harkis connaissent une situation assez particulière qui relève de la responsabilité de l'Etat français, comment vous percevez la question ?
Plus de 60 000 algériens ont pris part en effet sous cette forme particulière d'engagement, aux combats de l'époque, aux côtés de l'armée française. Je voudrais seulement rappeler qu'à l'époque la ligne de frontière entre le bon et le mauvais choix n'était pas si évidente qu'il apparaît aujourd'hui. Derrière l'Histoire, il y a toujours des hommes avec leurs convictions, leur engagement et leurs erreurs aussi parfois, à supposer que ces hommes ont, à l'époque, eu une liberté de choix.
Il n'empêche qu'il est effectivement de la responsabilité de la France d'apporter un soutien à cette catégorie de soldat.
C'est pourquoi le parlement français a adopté plusieurs dispositions prévoyant, pour eux et leur famille, plusieurs dispositifs d'indemnisation mais aussi de réinsertion professionnelle. C'est l'objet du plan « emplois Harkis » actuellement mis en oeuvre par le gouvernement français.
Question n° 5 : Y'a-t-il une perception commune concernant la troisième génération des enfants de harkis en ce qui concerne la libre circulation des personnes ?
S'agissant de toutes ces questions sur la circulation des personnes, mon collègue Eric Besson souhaite se rendre en Algérie rapidement pour en parler avec les autorités algériennes."
Question n°6 : Quelle lecture faite vous des demandes algériennes qui portent sur la reconnaissance de la France de ses crimes coloniaux ?
Le Président Sarkozy s'est engagé dans la voie de cette reconnaissance des crimes coloniaux. Des pas avaient déjà été faits en ce sens, en Algérie, notamment en 2005. Lors de sa visite à Constantine, en décembre 2007, le Chef de l'Etat a condamné les crimes de la colonisation et reconnu l'injustice qu'a fait peser le système colonial sur la population algérienne. J'ajoute que le même discours est tenu en France et en Algérie par les représentants de l'Etat français, sans faux semblant. Face à une histoire tragique et alors que les familles françaises ont elles aussi eu de nombreuses victimes à déplorer, il y a cinquante ans, l'Etat s'efforce d'assumer ses responsabilités. Il convient d'ailleurs de ne pas confondre la parole officielle avec celle tenue éventuellement, ça et là, par certains groupes qui peuvent défendre une mémoire particulière, ce qui est leur droit du moment que l'ordre public est respecté.
Ainsi, je l'affirme, il n'y a certainement pas de la part de la France de tentative de réhabiliter le système colonial. Mais reconnaissons que notre histoire commune reste complexe et que, forcément, elle n'est pas univoque. Laissons donc travailler les historiens et que les Etats n'interfèrent pas dans l'écriture de cette histoire qui doit demeurer libre et objective. Heureusement, beaucoup a déjà été fait dans ce domaine, les débats sont nombreux et la société française, dans sa grande majorité, n'ignore pas ce qui s'est passé il y a cinquante ou soixante ans, en Algérie. La guerre d'Algérie est sérieusement enseignée dans les collèges et lycées, ce que les historiens pourront vous confirmer.
J'ajoute que nous ne cherchons en rien à cacher les réalités de l'époque. La plupart des archives sont ouvertes et elles sont largement disponibles aux historiens, français ou algériens, qui effectuent des recherches sérieuses et approfondies sur la période. Le raccourcissement des délais de communicabilité des documents même confidentiels fait que d'ici quatre ans, la quasi-totalité sera accessible sur la guerre d'indépendance. Un accord de coopération, qui vient d'être signé avec les archives nationales algériennes, permettra de renforcer l'accessibilité aux documents, et d'autres accords suivront. Nous espérons que les historiens auront les mêmes possibilités d'accès aux nombreuses archives conservées sur le sol algérien.
Sans doute nous pouvons encore progresser, de part et d'autre, vers une vision plus apaisée et consensuelle de l'histoire, ce qui requiert que des pas soient accomplis des deux côtés. En France, nous nous efforçons de comprendre la sensibilité des mémoires algériennes. Nous respectons la douleur que peut causer le souvenir des morts dans les familles, des deux côtés de la méditerranée, et nous respectons la légitimité du combat mené par les Algériens.
A côté de cette reconnaissance, il y a aussi des dossiers liés à notre passé commun que nous nous efforçons de traiter, y compris à l'initiative de la partie française, et nous restons à l'écoute de l'Algérie sur ces sujets.
Mais tournons-nous également vers l'avenir, car tel est, je crois, le souhait de la jeunesse de nos deux pays, qui souhaite plus d'ouverture et d'échanges, loin de la culture du ressentiment. Essayons de servir des projets d'avenir et voyons ensemble de ce qu'il convient de faire pour améliorer notre coopération et être, dans nos relations entre Etats voisins et partenaires, les plus constructifs possibles. Sans oublier le passé, c'est à mon sens la meilleure façon de tourner la page. Essayons de concrétiser la profonde amitié qui existe entre nos deux peuples.
Question n° 7 : Pourquoi avoir pris cette décision de ramener la date officielle de la journée nationale d'hommage aux Morts pour la France en Afrique du Nord au 19 mars ?
La journée officielle d'hommage aux Morts pour la France pour la guerre d'Algérie reste fixée au 5 décembre, date de l'inauguration à Paris du mémorial aux « Morts pour la France en Algérie ». Cette date correspond donc à l'hommage officiel de la Nation, désormais rendu tous les ans dans chacun de nos département ou collectivités d'Outre-mer.
Par ailleurs, les associations d'anciens combattants ont la liberté et l'initiative d'organiser des manifestations publiques correspondant à des anniversaires d'évènements qu'elles jugent dignes de commémoration.
Parmi ces dates figure l'anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, le 19 mars, et j'ai donc demandé aux préfets, dans chaque département, de participer à ces cérémonies associatives, selon leur appréciation du contexte local.
Source http://www.ambafrance-dz.org, le 13 mai 2009