Interivew de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche et tête de liste UMP aux européennes en Ile-de-France, à "France Info" le 15 mai 2009, sur l'abstention prévue aux élections européennes, et sur les intentions de vote des électeurs.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- La Question du jour, on la pose ce matin au ministre de l'Agriculture, tête de liste UMP aux européennes en Ile-de-France, M. Barnier. Vous y étiez hier soir en meeting avec F. Fillon à Nice (sic). Ça a tapé dur... à Nancy, oui, pourquoi Nice, ma foi ? Ca a tapé dur sur le PS hier soir. Vous êtes sûr que c'est lui finalement votre adversaire ? Ça ne serait pas plutôt l'abstention ?

Notre premier adversaire c'est naturellement l'abstention, et donc cette capacité que nous devons avoir les uns et les autres ; ce n'est pas seulement de la majorité présidentielle de convaincre les Français d'aller voter le 7 juin. Après, chacun vote pour qui il souhaite et en conscience, mais le premier objectif pour nous c'est de réduire l'abstention. Ce n'est pas possible que sur une élection aussi importante - l'élection d'un député européen est aussi importante que l'élection national - il y ait 60 % de Français qui n'aillent pas voter. Et puis après, il y a le débat. On observe sérieusement - et tous les Français nous écoutent en ce moment - l'attitude du Parti socialiste, qui n'a comme seul projet européen, comme seul programme, que de critiquer N. Sarkozy et de faire des petites polémiques, et de l'agressivité, sans parler des polémiques entre eux. Donc, c'est ça que nous avons dit hier soir. Les Français sont plus intelligents que cela, ils veulent un vrai débat, et nous sommes prêts, nous voulons parler des solutions européennes aux problèmes de la France.

C'est vrai que la dernière fois, les élections n'avaient pas vraiment mobilisé les foules en France. Cette fois-ci, visiblement ça n'a pas l'air d'être mieux : 27 % d'intentions de vote créditées pour l'UMP ; 22 %, pour les socialistes, ce n'est pas énorme. Qu'est-ce qui peut justement faire décoller la campagne et faire en sorte que les Français s'intéressent à ce qui se passe en Europe ?

27% des intentions de vote ce n'est qu'un sondage...

C'est un sondage, mais ça donne une tendance.

... déjà c'est quasiment 10 % de plus que la dernière fois en ce qui nous concerne. Mais ce que vous évoquiez, c'est davantage l'abstention et l'indifférence des gens. Ce que je sens actuellement dans la campagne, hier soir nous avions plus de 1.000 personnes à Nancy, et tous les jours les réunions que nous faisons rencontrent beaucoup d'attention - en Ile-de-France avec R. Dati nous avons beaucoup de monde dans toutes les réunions -, c'est quand même une ambiance un peu différente d'il y a cinq ans. Il y a une attente à propos de l'Europe en ce moment, il n'y a pas d'hostilité. Il y a de l'indifférence, il y a de la distance, il y a parfois de l'incompréhension, des critiques, ça c'est normal. Mais on sent de l'attente parce que, dans la crise ou à cause de la crise, les gens se rendent compte qu'on ne va s'en sortir tout seuls ; que, dans cette crise qui est mondiale, financière, économique, écologique, il faut qu'on soit ensemble pour s'en sortir. Pour résister, pour s'en sortir, il ne faut pas qu'on soit tout seuls, chacun chez soi, chacun pour soi. Donc, il y a une attente à propos de l'Europe, et en même temps, à cette attente nous avons commencé de répondre. Donc, c'est pour ça que nous faisons cette campagne avec cette passion et avec cette activité, cette présence sur le terrain, avec nos élus, nos parlementaires, nos militants. Les gens ont vu que N. Sarkozy avait réagi, qu'il n'avait pas demandé la permission, qu'il avait fait bouger les lignes, que la politique ça sert à quelque chose. Et la politique...

Ca veut dire que la politique nationale s'invite aussi dans le débat des européennes ?

Mais nous sommes prêts à tous les débats de politique nationale, parce que naturellement, il y a beaucoup de solutions européennes à nos problèmes nationaux, et puis il y a aussi le débat ou les inquiétudes des Français, ou les questions qu'ils se posent. Nous sommes prêts à tous les débats. Mais d'abord nous voulons parler de l'Europe, et d'abord nous avons la preuve qu'on peut faire bouger les lignes, et que la politique ça sert à quelque chose en Europe, qu'on n'a pas besoin de demander la permission, que le volontarisme doit reprendre le dessus. Et c'est précisément la preuve que nous avons faites pendant la présidence française.

Mais quand même, F. Fillon a dit hier soir, en évoquant notamment les technocrates de Bruxelles, que les Français avaient de vrais griefs, parfois légitimes, pour ne pas aller voter. Ca veut dire quoi ? Qu'on n'est pas bons, qu'on ne sait pas expliquer l'Europe aux Français, l'implication de Bruxelles sur notre politique et sur notre vie quotidienne ?

Il y a des technocrates à Bruxelles, il y en a aussi à Paris. Ce que nous disons c'est que, quand les technocrates, à Bruxelles comme à Paris, prennent le pouvoir c'est que les hommes politiques leur ont laissé le pouvoir. Nous voulons remettre de la politique, de la démocratie dans le système européen. Et c'est précisément la preuve que nous avons faite pendant la présidence française.

Cas très concret par exemple : sur le téléchargement illégal, ça nous a beaucoup occupés en France. Les élus ont voté, mais c'est Bruxelles finalement qui va avoir la main ?

Non. Vous dites "Bruxelles", voilà un problème. Bruxelles c'est qui ? Ce sont des commissaires, une Commission européenne, qui proposent ; ce sont des ministres qui décident, et des parlementaires européens qui participent à la décision. Il y a eu un vote du Parlement européen, on sait bien les arrière-pensées de la part de certains de ceux, socialistes français, qui ont suggéré ce vote. Il y aura un point d'équilibre entre le Conseil des ministres et le Parlement, il y a une discussion, il y aura une conciliation dans les mois qui viennent. Et donc, nous, nous tiendrons à cet équilibre que nous avons trouvé. Et vous avez vu les artistes, y compris les artistes de gauche s'ériger contre les positions archaïques du Parti socialiste. Nous avons trouvé l'équilibre entre la création culturelle et sa protection, la liberté des internautes, et nous tenons à cet équilibre-là.

Sujet d'actualité qui concerne aussi l'Europe : le "rosé" et la réglementation. Une réunion a eu lieu en tout début de semaine en région Sud. Les viticulteurs ont fait beaucoup d'efforts, notamment dans le Var pour créer un vin à part entière, un "rosé" à part entière. Aujourd'hui, on va droit à l'autorisation de coupage voulue par les Européens. Vous êtes pour ou vous êtes contre ?

Je suis résolument contre cette autorisation, que je trouve insensée, d'autoriser la fabrication de "faux rosé" par coupage de vin blanc et de vin rouge, je l'ai toujours dit. Le problème c'est que nous avons 25 autres pays, ce n'est pas la Commission, c'est 25 autres pays qui sont favorables à cette libéralisation-là. Je tiens au modèle alimentaire européen qui est fait de produits de tradition. Il y a, vous l'avez très bien dit, des viticulteurs, et pas seulement en Provence, mais dans l'Anjou, dans beaucoup de régions, qui ont fait un vrai travail de qualité, et je ne veux pas que ce travail soit découragé par cette libéralisation-là. Ce n'est pas le seul domaine. Nous avons résisté aux importations de poulets chlorés américain ; nous avons finalement trouvé un accord avec les Américains, qui respecte notre interdiction d'importation de boeuf aux hormones, nous tenons à notre modèle alimentaire ! Et j'ai obtenu un délai supplémentaire à Bruxelles pour que l'on puisse continuer la discussion avec la Commission sur cette question et nos partenaires.

Alors puisqu'on parle de la viticulture, les viticulteurs du Sud- Ouest cette fois ont été sérieusement touchés par les intempéries en tout début de semaine. L'Entre-Deux-Mers, les Côtes de Castillon, Saint-Émilion, les Côtes de Bordeaux et les Graves. Certaines récoltes visiblement sont compromises. Vous allez faire quoi, un geste pour eux ?

Ce n'est pas un geste qu'il faut faire, c'est de l'accompagnement et de la solidarité. Nous avons des réunions dans les préfectures qui se déroulent en ce moment. Le problème c'est que les dégâts de la grêle sont assurables, et donc il faut voir si les viticulteurs en question ont été assurés. Il y a en revanche des conséquences sur les pertes de récoltes qui peuvent être prises en charge par les assurances, d'autres pertes de fonds qui ne sont pas assurables, et pour lesquelles joueront les mécanismes habituels de solidarité au titre des calamités agricoles. Donc, nous faisons le point et nous prendrons toutes les mesures de solidarité pour aider ces viticulteurs, comme d'ailleurs, je le dis en passant, nous sommes aux côtés des gens qui sont touchés par d'autres aléas, climatiques ou sanitaires.

Et les sylviculteurs justement, du Sud-Ouest ? Visiblement, ils se sentent un peu oubliés. Ils disent que les décrets n'ont toujours pas été pris depuis le 24 janvier ?

Non, ils ne sont pas oubliés. Franchement, j'y suis allé moi-même deux fois ; une fois, avec le président de la République, une fois, pour leur annoncer la mobilisation de près de 1 milliard d'euros...

Mais les décrets qui permettent l'octroi des prêts ?

Les décrets seront publiés dans les tout prochains jours, peut-être ce week-end. Nous réunissons cette semaine et la semaine prochaine les banques pour mettre en place les prêts. Cela prend du temps, je le sais, et je comprends cette impatience. Mais j'ai poussé les délais administratifs le plus vite possible pour mettre en place ce milliard de crédits et de prêts, dont les sylviculteurs du Sud-Ouest en général ont besoin. J'ajoute que les entreprises agricoles, les exploitations sont parmi les plus vulnérables et les moins bien protégées. C'est pour ça que dans la réforme de la PAC j'ai voulu mettre en place une nouvelle politique de prévention et d'assurance pour les récoltes et pour les accidents sanitaires.

Quand quittez-vous le Gouvernement, M. le ministre ?

Je quitterai le Gouvernement, comme l'a décidé le président de la République, au lendemain de l'élection européenne. J'étais prêt à quitter le Gouvernement avant, je l'avais dit, seulement vous n'êtes pas quand vous êtes ministre, tout seul, vous êtes dans une équipe, vous jouez un jeu collectif, et le président de la République, dans une partie qui est difficile, parce que nous avons beaucoup de travail en ce moment, m'a demandé de rester, notamment pour travailler sur tous les sujets que nous venons d'évoquer, et quelques autres. Le prix du lait, la difficulté de la filière porcine. Il y a beaucoup de difficultés en ce moment. Je fais mon travail - je le dis en passant pour répondre au Parti socialiste qui nous a attaqués hier - je fais mon travail rigoureusement, en sachant bien séparer, scrupuleusement, mes activités de membre du Gouvernement et la campagne électorale.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2009