Interview de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à LCI le 5 mai 2009, sur les manifestations des gardiens de prison.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Fleury-Mérogis hier, La Santé ce matin : manifestations violentes des gardiens de prison, silence de la Garde des sceaux ; que va faire le Gouvernement ?
 
D'abord, il faut bien connaître la réalité : la prison en France, ce sont 194 établissements pénitentiaires, 24.000 surveillants, un peu plus de 63.000... aux alentours de 63.500 détenus et...
 
Une surpopulation depuis des années...
 
Et une surpopulation puisqu'il y avait 52.000 places. Alors, il fallait naturellement répondre à cela. Et d'ailleurs, c'était un engagement aussi de N. Sarkozy. Des initiatives fortes ont été prises. On a tendance à l'oublier, naturellement, quand c'est acté, on fait comme si ça ne comptait plus, mais la réalité est simple, c'est que depuis 2007, il y a onze établissements pénitentiaires qui ont été créés, sept d'ailleurs consacrés à des mineurs. Et en ce moment même, il y a une discussion parlementaire, ça a été adopté, une loi pénitentiaire qui a été adoptée au Sénat, qui doit être discutée à l'Assemblée nationale, c'est d'ailleurs la loi sans doute la plus importante depuis la loi Chalandon, qui doit remonter à 1987, je pense, et donc dans cette loi, on apporte des éléments de réponse, notamment par l'allègement des charges des surveillants, je vous donne un exemple...
 
Il y a l'autre urgence, pour les gardiens de prison, sur leurs conditions de travail, ça ne va pas changer grand-chose...
 
Je donne un exemple simple, c'est que, par exemple, il y a l'alternative avec le bracelet électronique, ça permettra d'alléger une partie de ces effectifs que je viens d'indiquer. Donc ça signifie qu'il y a une prise en compte, ça signifie qu'il y a une attention, ça signifie qu'il y a une écoute, et ça signifie qu'il y a des actions.
 
26 mai en région, 13 juin à l'échelle nationale, il y aura donc deux journées de mobilisation sociale avant l'été, ainsi en ont décidé les syndicats hier. Comment jugez-vous cette décision ?
 
D'abord, moi, je suis le ministre du dialogue social, donc ce n'est pas moi qui vais dicter aux syndicats les initiatives qu'ils doivent prendre ou ne pas prendre.
 
Vous trouvez ça assez modéré finalement ?
 
J'observe qu'ils ont par exemple écarté la décision de grève générale, je pense que c'est une bonne chose, parce qu'une grève générale, à vrai dire, pénalise en réalité les salariés, et en même temps ça ne crée naturellement pas un emploi, ce qui est quand même l'objectif de toute l'action qui est engagée face à la crise. Deuxième réflexion, nous, nous sommes dans une situation et dans une position simples au Gouvernement, et qui est claire, qui est honnête, qui est transparente : nous sommes partisans du dialogue. Cela signifie que nous, la porte est toujours ouverte, et que je souhaite que nous nous engagions dans un dialogue social durable, c'est-à-dire constant, permanent. J'observe d'ailleurs aussi que sans doute, jamais un président de la République n'a autant reçu les organisations syndicales, n'a autant été à leur écoute.
 
La prochaine fois, c'est avant l'été ?
 
Attendez, deuxième élément, ça signifie que nous devons répondre à ces attentes par du concret. Je vous rappelle simplement, je ne vais pas refaire le détail, mais qu'aujourd'hui, nous avons pris des mesures pour les familles modestes, les plus fragiles, les plus touchées par la crise, qui concernent dix millions de personnes dans notre pays, dix millions de personnes sont aujourd'hui, depuis le 1er avril, bénéficiaires d'initiatives lancées par le Gouvernement pour les aider à surmonter la crise. Et troisième élément, il faut naturellement de la justice, et c'est ce que nous avons fait en prenant un décret écartant, interdisant les bonus, les retraites chapeaux, les stock-options pour les responsables d'entreprise, qui bénéficient... ( ?). Donc ça signifie qu'on est à l'écoute, qu'on est attentif, qu'on veut du concret, qu'on veut de la justice, ça signifie une chose simple, Monsieur Barbier, c'est que nous ne sommes pas face à ceux qui sont les victimes de la crise, nous sommes totalement à leurs côtés.
 
Alors, à leurs côtés, la rencontre avant l'été, promise par le Président, elle aura lieu avant la manifestation du 13 juin, elle aura lieu après ?
 
Il faut avancer le dossier en étant assez logique et cohérent ; les mesures se déploient - celles que je viens d'indiquer pour dix millions de nos compatriotes - se déploient depuis le 1er avril, donc naturellement, il faut leur laisser le temps d'application, que les bénéficiaires les perçoivent, il faut...
 
Trois mois ?
 
C'est à l'été, c'est-à-dire, ça doit être fin juin, autour...
 
Vous jouez la montre, vous comptez sur l'essoufflement du mouvement social ?
 
Ecoutez, non, quand on dit à l'été, c'est un calendrier qui est assez précis. Donc ce que l'on propose, c'est qu'il y ait une évaluation, et on observe les résultats des mesures qui sont engagées ; est-ce qu'elles ont été utiles, est-ce qu'elles ont été efficaces, c'est comme ça, nous n'avons aucune posture idéologique, nous n'avons aucun a priori. Notre seul objectif, c'est d'aider à surmonter cette crise.
 
Du concret, J.-C. Mailly, qui prévoit une année noire pour le chômage, vous réclame un allongement de la durée d'indemnisation du chômage, qu'on indemnise le chômeur plus longtemps ; c'est logique ?
 
J.-C. Mailly a proposé d'autres choses, les syndicats, d'autres syndicats ont proposé d'autres initiatives, je rappelle par exemple le Fonds d'investissement social ; le dialogue social, ça sert à quelque chose, il ne faut pas croire que c'est fermé, chacun étant campé sur ses positions. Quand la CFDT a proposé le Fonds d'investissement social, nous nous sommes rendu compte d'ailleurs que les autres organisations syndicales y étaient aussi favorables, on a pensé que c'était une bonne idée, on l'a retenue.
 
Et là, l'allongement de l'indemnisation, c'est une bonne idée ?
 
Ecoutez, il faut y réfléchir, je dois voir J.-C. Mailly, je crois, c'est cette semaine ou au début de semaine prochaine, et j'écouterai le détail de sa proposition, et nous avancerons avec pragmatisme, quels que soient les sujets. Il n'y a aucun tabou.
 
Aucun tabou, sur le travail du dimanche, pas plus ; est-ce que vous n'allez pas mettre le feu aux poudres sociales en relançant ce projet de travail du dimanche ?
 
Non, je pense que c'est l'inverse, pourquoi le fait-on ? C'est simplement que dans une situation de crise, naturellement, il faut être attentif à tout ce qui peut aider, encourager, préserver l'emploi. Donc même si c'est une petite "niche", entre guillemets, d'emplois, je pense qu'il faut la tenter, il faut l'essayer. Première raison, c'est la raison majeure. Deuxième raison, c'est que c'est un engagement du président de la République, les Français ont voté pour un candidat qui avait annoncé que nous organiserions une liberté du dimanche, il ne s'agit pas du tout d'organiser le travail du dimanche, ce sont des dérogations au système existant, qui existe depuis 1906, qui a d'ailleurs été corrigé, corrigé d'ailleurs aussi par des gouvernements de gauche en 1991 et 1992. Donc le principe est simple, 1°) : nous ne remettons pas en cause le repos dominical. 2°) : nous souhaitons naturellement que la journée du dimanche puisse être consacrée à la vie familiale, à la vie conviviale et au respect du culte pour les religions qui prévoient un culte le dimanche. Et puis, en même temps, nous souhaitons qu'on prenne en compte les aspirations des consommateurs ; aujourd'hui, beaucoup de consommateurs veulent faire d'ailleurs des courses en famille. Donc c'est un exemple simple, clair, honnête, avec un texte qui, je l'espère, sera équilibré, puisque il sera d'origine parlementaire. Finalement, il répondra à cette double aspiration : repos dominical, mais en même temps, liberté de choisir si l'on veut travailler ou pas, puisque cela se fera sur la base du volontariat. J'insiste sur un point quand même, c'est sur la méthode : la méthode est nouvelle, la méthode repose, pour arriver à ce texte, naturellement, à une discussion avec le Parlement, puisque c'est le Parlement qui décidera, mais avec les organisations syndicales, et aussi avec les représentants des cultes concernés. J'ai ainsi reçu hier Monseigneur Vingt-Trois, qui m'a fait part d'un certain nombre d'interrogations, et j'espère lui avoir répondu.
 
Vous souhaitez également lutter contre les fraudes sociales, en sanctionnant les entreprises coupables. Comment allez-vous faire ?
 
D'abord, il y a une réalité, c'est que la fraude aux prestations et aux cotisations sociales, ça représente un manque à gagner qui est évalué entre cinq à huit milliards d'euros, cinq à huit milliards. Je prends un exemple, les résultats de la lutte contre le travail illégal sont aujourd'hui très modestes, on constate à peu près 8.700 cas sur une année. Ça veut dire que, en réalité, ça ne correspond en rien à ce qui est la réalité du travail illégal dans notre pays. Il faut donc que l'on bouge, et avec E. Woerth, qui est le ministre du Budget et des Comptes sociaux, nous allons passer à la vitesse supérieure. Et je vous donne un exemple simple, nous allons prendre ensemble une initiative, qui consiste à supprimer les allègements de charges aux entreprises qui utilisent le travail illégal. On ne peut pas à la fois ne pas respecter la loi et demander à bénéficier d'un effort du contribuable. Donc c'est un souci de justice qui nous anime, c'est une nouveauté, on suspendra les concours, les allègements de charges sociales pour les entreprises dès lors que l'employeur pratique, recoure au travail illégal.
 
N. Sarkozy lance à Nîmes, ce soir, la campagne des européennes pour l'UMP. Les deux ministres qui devaient démissionner pour faire campagne finalement restent en poste jusqu'au bout ; ils vont négliger quoi, négliger leur campagne ou négliger leur ministère ?
 
Oui, alors, vous savez, c'est de tradition, à l'occasion de toutes les campagnes européennes, législatives, vous n'avez jamais vu un ministre démissionner pour faire campagne...
 
Là, il l'avait un peu promis...
 
M. Barnier le souhaitait parce qu'il était un peu le coordonnateur de la campagne, et aujourd'hui, il y a une situation simple, c'est qu'on a besoin de M. Barnier au Gouvernement. On a cité les agriculteurs, il a fait beaucoup pour eux, et je suis dans une région qui est une région d'agriculture de moyenne montagne ou montagne, et je peux vous dire qu'il a reçu, quand il est venu, il y a une quinzaine de jours, un accueil formidable, vous aviez 1.000 agriculteurs qui étaient réunis dans une salle, dans une école de formation, et qui lui ont fait un triomphe, parce qu'il a sauvé la filière ovine. Donc on a besoin de lui, parce qu'il a des dossiers sensibles, le dossier de la pêche, et donc changer de ministre aujourd'hui, c'était certainement très compliqué. J'ai entendu, donc comme vous, le secrétaire général de l'Elysée indiquer que ça serait plutôt après les élections européennes ; ça me semble une bonne idée.
 
En un mot, N. Sarkozy, c'est le candidat naturel de l'UMP pour la présidentielle 2012, le candidat naturel ?
 
On n'en est pas encore en 2012, et ce qui est certain, c'est que - pour rester sur le terrain des élections européennes - il a démontré que quand l'Europe voulait, elle pouvait. La présidence française a été une présidence qui aura marqué profondément de son empreinte, la réalité de la construction européenne, c'était un signal très positif, et je pense qu'on a intérêt à le revendiquer.
 
B. Hortefeux, merci. Bonne journée !
 
Merci.
 
Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 mai 2009