Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, à France 2 le 11 mai 2009, sur l'accueil et la garde des enfants dans les structures des jardins d'éveil et les effectifs des assistantes maternelles.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
O. Galzi.- Vous lancez aujourd'hui les appels à candidatures pour les villes qui souhaitent accueillir des jardins d'éveil. C'est un nouveau mode de garde, il y aura 8.000 places à la rentrée ; quelle est la différence avec la crèche exactement ?
 
8.000 places en expérimentation, il faut le rappeler. Et il faut rappeler aussi qu'avec B. Hortefeux, nous avons signé la convention d'objectif et de gestion qui lie l'Etat avec la Caisse nationale d'allocations familiales, qui va nous permettre de mettre en place les 8.000 places de jardin d'éveil. Et surtout, l'Etat fait un effort de 1,3 milliard d'euros pour financer 200.000 places supplémentaires de mode de garde.
 
Alors, on va parler du jardin d'éveil déjà : quelle est la différence avec la crèche pour commencer, parce qu'on ne comprend pas très bien...
 
Alors sur les jardins d'éveil, c'est une structure beaucoup plus souple, à disposition des élus locaux, qui pourront la constituer dans les locaux disponibles, notamment dans un groupe scolaire, ou lorsqu'ils ont un accueil périscolaire à proximité ou même dans des anciens locaux. L'objectif est de mutualiser les moyens pour que les coûts soient inférieurs au coût d'une place de crèche. Il faut savoir que d'après le cahier des charges que nous avons défini dans une large consultation, avec l'Association des maires de France, avec la CNAF et avec l'UNAF également, nous avons défini un coût de revient d'environ 7.500 euros à l'année la place de jardin d'éveil.
 
Contre 13.000 euros pour une crèche à peu près ?
 
13.000 euros une place de crèche.
 
Alors ce qu'on ne comprend pas très bien, c'est que ces jardins d'éveil, ils seront parfois même dans des crèches ; est-ce que vous allez pouvoir comme ça utiliser des locaux d'école alors qu'il ne s'agit pas d'école ?
 
Oui, nous pourrons même... les associations pourront créer des jardins d'éveil, même les entreprises pourront créer des jardins d'éveil. La tranche d'âge : 2-3 ans, avec un taux d'encadrement nettement supérieur, puisqu'on me posait la question par rapport à l'école maternelle, "allez-vous être en concurrence avec l'école maternelle ?" L'école maternelle, ce n'est pas le même taux d'encadrement. Les enfants de 2-3 ans en jardin d'éveil seront beaucoup plus encadrés, tout simplement parce qu'un enfant de 2-3 ans, c'est encore un bébé et qu'il a besoin de beaucoup plus d'accompagnement personnalisé et que ce dispositif correspond mieux à l'attente, à la fois des collectivités locales, des parents, mais aussi des enfants qui en ont bien besoin.
 
Certains, dans l'Education nationale commencent à dire "attention, ça se substitue à l'école" ; vous leur répondez quoi ?
 
Que d'une part il y a l'école, et de l'autre côté, il y a les modes de garde. X. Darcos s'occupe de l'Education nationale et moi du développement des modes de garde à disposition des parents. Et les jardins d'éveil sont un nouveau mode de garde.
 
Alors, vous parliez tout à l'heure des 200.000 places globalement créées pour la petite enfance, parmi elles donc il y a des assistantes maternelles, 100.000 nouvelles places. Les études montrent que le problème ce n'est pas le nombre de places, mais les assistantes maternelles elles-mêmes, il y aura de moins en moins de nounous, 80.000 départs à la retraite d'ici à 2015. Comment est-ce qu'on va faire ?
 
Nous devons créer d'ici à 2012 60.000 emplois nouveaux dans le secteur de petite enfance. Pour cela, évidemment, nous devons recruter des assistantes maternelles, nous devons environ délivrer jusqu'à 45.000 nouveaux agréments, mais nous devons revaloriser aussi ce métier, y attirer des jeunes évidemment, et y attirer aussi des personnes qui sont en situation de reclassement.
 
Et comment vous faites ?
 
Nous avons décidé, avec le Pôle Emploi, de mener une grande campagne de communication pour attirer des personnes vers ces métiers de la petite enfance, parce que nous en avons besoin et que c'est un secteur porteur, créateur d'emplois.
 
Il n'attire pas pour l'instant, c'est ça le problème.
 
Pour l'instant, il n'attire pas parce qu'il y avait cette espèce de solitude aussi à travailler chez soi. Nous avons, avec le Parlement, voté une disposition de regroupement des assistantes maternelles qui pourront travailler à quatre si elles le souhaitent, dans un même local. Et on voit que là aussi, les élus locaux sont très attirés par ce dispositif qui commence à être bien lancé. Nous allons mettre en place une prime à l'installation des assistantes maternelles, notamment dans des secteurs en manque de personnel, allant de 300 à 500 euros pour favoriser l'installation d'une part. Nous ferons aussi une campagne de communication à destination des jeunes vers l'Education nationale, pour attirer les jeunes vers les métiers de la petite enfance.
 
Il y a un autre problème aussi : vous proposez pour multiplier le nombre de places de passer, par exemple, de trois enfants à quatre enfants gardés par assistante maternelle, vous n'avez pas peur que ce soit trop, surtout dans des appartements qui souvent sont exigus ?
 
Non, parce qu'il y a un contrôle de la PMI sur ce sujet, donc on ne peut pas garder quatre enfants si les locaux ne s'y prêtent pas. Et nous voyons bien que dans les pays du nord de l'Europe, qui sont classés parmi les premiers dans le cadre des modes de garde, ils peuvent en garder jusqu'à six.
 
Les psys, les puériculteurs dénoncent un système quantitatif plutôt que qualitatif ; vous leur répondez quoi ?
 
Ah non ! Vous savez les parents qui ont quatre enfants ne vous diront pas qu'ils ne s'occupent pas avec beaucoup de qualités de leurs enfants. Donc quatre enfants, ça permet aussi aux parents de choisir une assistante maternelle, qui aura une possibilité de jeux et d'éveil différents que si elle n'avait qu'un seul enfant. Donc ça, c'est une liberté aussi possible pour les parents, tout comme les assistantes maternelles qui pourront garder quatre enfants si elles le souhaitent.
 
Autre actualité sur la famille : un journal médical très sérieux estime, sur la base d'études sur la génétique, qu'un enfant sur trente ne serait pas l'enfant du père déclaré. Les tests de paternité explosent sur Internet, mais en France c'est illégal ; quelle est votre position là-dessus ?
 
Moi, je pense qu'il faut garder une législation très stricte à cet égard, parce que nous voyons bien que l'explosion des tests de paternité sur Internet, dont on peut se poser la question de la fiabilité d'une part, dont on peut se poser aussi la question de l'impact psychologique lors des résultats, moi je pense qu'il faut vraiment que nous restions dans une procédure très encadrée, dans le cadre d'une recherche ou d'une contestation de paternité. Mais tout cela ne doit pas remettre en cause une structure familiale qui, comme ça, pourrait exploser sans trop savoir pourquoi, par rapport à des tests, dont, encore une fois, on ne connaît pas la véritable fiabilité.
 
Comme le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a dit la semaine dernière que ce serait une "biologisation" de la paternité. Il préfère préserver la famille plutôt que la vérité ; c'est votre position alors ?
 
Non, moi je suis aussi très attachée à la vérité mais la vérité pas de n'importe quelle manière. C'est pour ça que je pense qu'il faut que ça reste dans un cadre très strict, judiciaire, de contestation de paternité ou de recherche de paternité.
 
Mais aujourd'hui Internet rend caduque cette loi en France de toute façon, puisque ceux qui ne peuvent pas faire ces tests de paternité en France les font sur Internet dans les pays voisins.
 
Dans quelles conditions ? C'est pour ça qu'il faut informer nos concitoyens, dans quelles conditions.
 
Eh bien, dans ces cas-là, il faut légaliser en France pour qu'on puisse le faire dans des bonnes conditions.
 
Non, ça existe dans le cadre de procédures judiciaires et moi je suis très attachée à ce que nous restions dans ce cadre de procédures judiciaires.
 
Donc si un père veut savoir s'il est bien le père de ses enfants, il est obligé d'avoir l'accord du juge en France ?
 
Oui, parce que si tous les pères maintenant commencent à se poser la question de savoir s'ils sont bien le père de leurs enfants, je pense que franchement, on entre dans une société de doute qui met vraiment la famille en péril.
 
D'ordinaire, vous êtes plutôt avec la société, on va dire, sur ce genre d'évolution. C'est une position qui tranche un petit peu avec celle sur les mères porteuses par exemple...
 
Ce n'est pas une question d'être avec la société ou pas, c'est une question de...
 
Mais sur les mères porteuses, vous disiez "il faut être pragmatique, ça se fait à l'extérieur", donc...
 
Oui, mais là, ce n'est pas du pragmatisme. Je pense qu'on est en train de remettre en cause le fonctionnement de la famille, où la suspicion maintenant ne serait plus qu'au coeur de la relation familiale et je pense que c'est un peu dangereux à dire vrai.
 
Alors le Conseil d'Etat, justement, qui donne son avis sur les futures révisions des lois bioéthiques, disait, sur les mères porteuses, contrairement à vous, "nous, on pense qu'il faut rester très encadré, il ne faut pas légaliser ce système ; vous gardez votre opinion malgré tout ?
 
Mais évidemment ! Je pense qu'il faut que ce soit très encadré, qu'il n'y ait pas de marchandisation du corps, que ça réponde à un seul cas, qui est le cas de la stérilité féminine...
 
Mais lui dit non, même dans ce cas-là.
 
Oui, mais le Conseil d'Etat a le droit de dire ce qu'il veut, c'est son avis. Moi, je suis ministre en charge de la Famille, j'ai été parlementaire, je réfléchis, j'auditionne et j'ai également ma position. Le président de la République a souhaité un grand débat national, il fera la synthèse de tous les avis et ensuite, après, nous prendrons une décision. Mais par rapport aux auditions que j'ai menées, je reste vraiment sur cette possibilité donnée aux femmes porteuses dès lors qu'il y a une stérilité féminine avérée et dès lors qu'on est dans le libre consentement de la femme qui acceptera de porter ce bébé.
 
Et si le président de la République suit le Conseil d'Etat et pas votre avis ; qu'est-ce que vous ferez ?
 
Ce sera sa décision, évidemment. Il y a eu...
 
Vous pourrez rester ministre de la Famille dans ces conditions ?
 
Mais évidemment ! Il a souhaité un grand débat national. Et donc il demande à travers ce grand débat national, et notamment sur le site Internet d'ailleurs qui a été ouvert pour que l'ensemble des concitoyens puisse participer à ce grand débat, que chacun exprime son opinion. Et ensuite, il y aura une synthèse des propositions.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2009