Texte intégral
Monsieur le Président, cher Christian Saout,
Monsieur le Président de la Conférence régionale de santé d'Alsace, cher Daniel Lorthois,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
En décembre dernier, lors du tout premier débat public organisé par la Conférence nationale de santé, je vous avais fait une promesse : celle de marquer la Journée européenne des droits des patients, pour lui donner une reconnaissance accrue.
Quatre mois plus tard, jour pour jour, je suis heureuse et fière d'être parmi vous pour cette Journée européenne, que nous célébrons symboliquement ici, dans l'enceinte du Parlement européen.
Le thème que vous avez choisi, l'égal accès aux soins de premier recours - thème central, s'il en est, pour les droits des patients - constitue une des priorités absolues de la politique que je mène et un objectif capital du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » : c'est aussi la raison de ma présence aujourd'hui.
Avec l'ensemble des contributeurs au débat de ce matin, nous pouvons sans nul doute nous retrouver sur des constats largement partagés et, en premier lieu, sur celui de l'inégalité territoriale d'accès aux soins.
Quelques données chiffrées illustrent la situation présente : une densité médicale de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, seulement 198 dans l'Eure, et ce n'est pas seulement un problème rural, puisque les zones périurbaines sont elles aussi gravement touchées.
Cette situation provoque des inquiétudes bien légitimes, mais il faut se garder de penser qu'elles peuvent être résolues par des mesures drastiques et coercitives. Ces défis, on ne les relèvera qu'avec une meilleure organisation de notre système de santé et l'adhésion des professionnels, notamment des plus jeunes, dont j'ai pu mesurer l'implication, l'esprit d'initiative et la clairvoyance.
La question centrale est donc celle de l'implantation et de l'aménagement sur les territoires d'une offre de soins de premier recours pérenne, à la fois adaptée aux besoins de nos concitoyens et aux attentes des professionnels.
Pour atteindre cet objectif, j'ai voulu un large éventail de mesures pragmatiques, complémentaires, structurantes et rapidement opérationnelles, afin de moderniser notre offre de soins, et surtout celle de premier recours.
Dans chaque région, nous allons former des médecins, dans chacune des spécialités, en fonction des besoins de la population et de l'état de l'offre de soins en ville et à l'hôpital. Si l'on considère que 70 % des médecins s'installent dans la région où ils ont fait leurs études, il importe en effet de former les médecins là où leur présence est la plus nécessaire. J'ai voulu également que le développement de la filière universitaire de médecine générale soit programmé et mis en oeuvre de manière progressive mais rapide. Il répond à un besoin indispensable de mieux valoriser ce métier.
Cette profession, centrale dans notre système de santé, ne pourra entamer la modernisation dont elle a besoin que si elle peut s'ancrer sur un solide socle universitaire. Ainsi je souhaite qu'un minimum de 50 chefs de cliniques, 30 maîtres de conférences et 20 professeurs puissent être nommés chaque année pendant une période de 4 ans.
Par ailleurs, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, j'ai souhaité reprendre un amendement qui permet à des étudiants et à des internes, sur la base du volontariat, de percevoir une allocation pendant leurs études, en échange de plusieurs années d'exercice dans les zones les plus dépourvues en médecins.
Il convient aussi de définir un schéma d'aménagement de l'offre de soins de premier recours, véritable projet commun et partagé par tous sur le territoire régional. C'est souvent, en effet, par manque de visibilité que les jeunes ne s'installent pas et que des formes modernisées d'installation ne voient pas le jour. Le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) donne cette visibilité et fait converger les financements. Elaboré en concertation avec les professionnels, les élus et bien sûr les patients, il aura l'assentiment de tous et permettra de disposer d'un projet d'aménagement consensuel et adapté aux besoins de nos concitoyens.
Il faut en être conscient, les jeunes professionnels ne reprendront pas les cabinets isolés de leurs aînés.
Un jeune médecin me confiait récemment : « mon père craignait qu'un médecin vienne s'installer en face de chez lui ; moi, j'ai peur que le médecin installé en face de chez moi ne s'en aille ».
C'est pourquoi je veux généraliser les coopérations au niveau local entre médecins, à la fois pour libérer du temps médical et pour offrir à tous nos concitoyens une présence sanitaire qui soit coordonnée.
Comprenez-moi bien : je compte beaucoup sur la créativité et l'innovation proposées sur le terrain par des professionnels de santé volontaires. Mieux que quiconque, ils savent, en effet, qu'il en va de leur intérêt comme de celui de leurs patients. Mais, si nous ne soutenons pas ces initiatives, si nous ne les généralisons pas, les meilleures volontés s'épuiseront.
Les pôles de santé ont largement fait la preuve de la pertinence de cet exercice coordonné. Ils sont désormais officiellement reconnus et définis comme la réunion de cabinets, de maisons de santé et de toute autre structure de soins présente sur le territoire.
J'ai voulu mobiliser un financement spécifique pour que ces structures se développent. L'organisation de la permanence des soins (PDS) sera également revue et assouplie pour que tous les médecins volontaires puissent participer à cette obligation collective. Je souhaite qu'ils puissent trouver en région et sous l'autorité de l'agence régionale de la santé (ARS) des solutions innovantes, mieux adaptées aux réalités de terrain et aux besoins des patients.
La mise en oeuvre de ce faisceau de dispositions est complétée par des mesures de renforcement de l'offre et garantie par la perspective de « contrats de solidarité ».
Ainsi, au bout de trois ans, dans le cas d'une évolution insatisfaisante de la situation, le directeur général de l'ARS pourra proposer aux médecins des zones les plus dotées des « contrats de solidarité » pour aller exercer dans les zones les moins dotées et remplir ainsi à des missions de service public, dont personne ne peut légitimement s'exonérer. Ces contrats seront assortis d'éventuelles pénalisations financières.
La vigilance doit toujours être de rigueur. Je compte sur vous tous, et bien sûr, plus que jamais, sur vous, cher Christian Saout, qui venez d'être nommé - et je vous en félicite - à l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. * Toutes ces dispositions sont le fruit d'un travail de concertation approfondi et en confiance avec les professionnels de santé, notamment les plus jeunes.
Elles s'articuleront au plus près des réalités du terrain, grâce à la création des Agences régionales de santé (ARS), qui consacrent la territorialisation de nos politiques de santé.
Plusieurs amendements adoptés à l'Assemblée nationale ont précisé que l'ARS contribuerait à la réduction des inégalités en matière de santé. Je m'en réjouis.
Les ARS se caractérisent aussi par leur ouverture à la démocratie sanitaire, grâce à la présence des représentants des usagers.
Enfin, elles s'appuieront sur les conférences régionales de santé et de l'autonomie (CRSA). Le projet de loi conforte et amplifie en effet le rôle de la CRSA, qui devra organiser l'expression en son sein des représentants des usagers.
Je sais que cette dimension est particulièrement importante pour vous.
La CRSA participera, par les avis et propositions qu'elle formulera, à la politique régionale de santé, poursuivra sa mission d'évaluation du respect des droits des usagers, de l'égalité de l'accès aux soins et de la qualité de la prise en charge, et organisera le débat public sur les questions de santé. J'ai tenu à ce que les usagers aient une place renforcée dans la gouvernance du système de santé.
Chacun doit donc pouvoir avoir accès à la même qualité des soins, quels que soient son lieu de vie ou ses moyens financiers, en particulier les personnes les plus fragilisées. Je sais que vous avez abordé cette question ce matin, avec l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES).
J'en suis profondément consciente : les personnes les plus vulnérables sont aussi les plus désemparées face à un système de soins complexe et cloisonné.
Un véritable maillage de soins de premier recours de proximité, sur l'ensemble du territoire, guide, protège et rassure.
La réduction des inégalités financières d'accès aux soins, en interdisant notamment la discrimination financière et sociale, est un autre volet majeur de mon projet de loi.
Je pense aux refus de soins, cette pratique inacceptable qui touche les plus fragiles, et aux dépassements d'honoraires illégaux ou abusifs.
Des dispositions protectrices des droits des usagers, assorties de sanctions financières, sont au coeur du texte que je défendrai très prochainement devant le Sénat.
De même, l'accès à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) va être facilité, notamment pour les personnes âgées les plus en difficulté.
Je voudrais enfin rappeler que, grâce à la loi HPST, une étape essentielle est franchie dans la relation du patient, et de son entourage, tant avec les professionnels de santé qu'avec les associations de malades.
Il s'agit de l'ensemble des dispositions développant les programmes d'éducation thérapeutique et les actions d'accompagnement des patients, qui seront partie intégrante du parcours de soins. Les associations comme les professionnels de santé auront un rôle absolument moteur à y jouer.
Vous avez par ailleurs réfléchi, ce matin, au rôle du médecin traitant. La définition d'un niveau de recours permet une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire et vient compléter cette définition du médecin traitant.
La dernière loi de financement de la sécurité sociale a renforcé le dispositif du parcours de soins.
C'est une dimension importante, car on s'aperçoit que lorsque l'on a un médecin traitant - et c'est le cas aujourd'hui pour 80 % des Français -, les indicateurs de prévention sont sensiblement meilleurs. * Pensée du point de vue du patient, la loi HPST a été conçue pour lui, afin de lui garantir l'accès à une offre de soins de qualité sur tout le territoire et de faciliter son parcours de soins en décloisonnant la ville, l'hôpital et le médico-social.
L'ensemble des politiques que j'ai à coeur de mener illustrent plus largement cette préoccupation de la défense des droits des patients. Je voudrais à présent vous en dire quelques mots, puisque, je ne l'oublie pas, c'est aujourd'hui la Journée des droits des patients.
Il est indispensable de faire vivre les droits des patients. Il est indispensable de rendre effectives leur connaissance et leur application, partout où cela est nécessaire, tant pour les professionnels de santé que pour les usagers eux-mêmes.
Ce sujet concerne la société dans son ensemble car chacun est, ou sera, usager du système de santé.
L'arsenal législatif et réglementaire est très dense en la matière. Pourtant, paradoxalement, un certain nombre de droits et d'instances sont mal connus.
A titre d'exemple, le rapport 2007 de la ligne « santé info droits » du collectif inter associatif sur la santé (CISS) montrait que 73 % des appelants ignoraient les modalités d'accès au dossier médical.
Sur ce point précis, tant le ministère que les établissements travaillent pour améliorer l'accès au dossier médical, et les recommandations que la conférence nationale de la santé (CNS) a faites en la matière nous inspirent dans notre action publique. Sur les droits des patients, il est donc essentiel de faire un véritable effort en matière d'information et de formation.
Je rappelle ainsi que la Mission pour le développement de la médiation, de l'information et du dialogue pour la sécurité des soins (MIDISS) a rejoint, début janvier 2009, les équipes du Médiateur de la République, afin de créer un pôle « santé et sécurité des soins » dédié à l'information des usagers et à la médiation. Cela participe de notre volonté commune et déterminée en la matière.
Il faut aussi mettre l'accent sur la formation des professionnels de santé. Ceux-ci doivent être toujours mieux sensibilisés sur des sujets tels que les droits des patients, notamment ceux des personnes hospitalisées, et la communication du dossier médical. C'est d'ailleurs une de leurs aspirations, car c'est aussi le gage de relations plus apaisées et plus équilibrées entre patients et soignants.
Par ailleurs, je veux rappeler que le ministère a créé une collection éditoriale spécifiquement dédiée aux droits des usagers, dotée d'une charte graphique dorénavant fort bien identifiée par les acteurs concernés.
Elle illustre la volonté de faire connaître ces droits à tous, patients et professionnels, mais aussi de proposer des outils méthodologiques très concrets pour favoriser le respect de ces droits et permettre un meilleur accueil des usagers dans les établissements de santé.
Les usagers eux-mêmes souhaitent être mieux informés et mieux orientés au sein du système de santé.
Dans cet esprit, la plate-forme d'information santé, dont j'ai inauguré le prototype à Bordeaux en janvier dernier, répond à cette attente, en permettant d'accéder à l'urgence vitale, à la permanence des soins, au médico-social, ainsi qu'aux renseignements pratiques. Etre mieux informé renforce la capacité à mieux s'orienter dans le système de soins et à mieux se soigner.
Outre la prise en compte d'un légitime désir d'autonomie, c'est donc aussi une visée éthique et sanitaire qui préside à l'amélioration de l'information des usagers de la santé.
Les représentants des usagers sont des contributeurs essentiels de la démocratie sanitaire. Leur rôle doit être pleinement reconnu.
Ils doivent échanger et partager leurs expériences. C'est pourquoi le ministère soutient le développement de collectifs inter-associatifs régionaux.
Ils doivent aussi être formés pour exercer leur mandat efficacement et constituer des interlocuteurs éclairés. C'est ainsi que le CISS, dans le cadre d'une convention pluriannuelle d'objectifs (2009-2011), formera 4300 représentants d'usagers.
Je sais aussi qu'un certain nombre de dispositions prévues par la loi, mal connues, entravent le bon exercice du mandat du représentant des usagers. Les associations aspirent légitimement à une meilleure diffusion de l'information en la matière.
Une fiche d'information visant à mieux informer sur l'existence du congé de représentation sera ainsi élaborée et diffusée dans les prochains mois.
Concernant la prise en charge des frais de déplacement, une circulaire du 2 février 2009 a rappelé les dispositions existantes et une instruction destinée aux établissements de santé a été diffusée en mars dernier. Vous le constatez, j'ai entendu les demandes formulées en la matière et je serai vigilante sur la bonne mise en application de ces dispositions.
Enfin, en lien avec le CISS, un annuaire des représentants des usagers sera élaboré cette année, répondant ainsi à leur attente d'une visibilité accrue et d'une meilleure reconnaissance.
Pour répondre à la nécessité de communiquer sur les droits des usagers, un plan de communication sera élaboré et lancé à l'automne.
Il prévoit notamment la diffusion de supports d'information synthétiques dans les établissements de santé, les pharmacies ou les associations agréées.
D'ores et déjà, quelques sujets méritent d'être traités en priorité : l'accès au dossier médical, les directives anticipées ou encore la personne de confiance.
Ce travail d'acculturation par une communication grand public sur le sujet des droits vise à réduire les écarts dans l'information entre les acteurs et les usagers du système de santé.
Par ailleurs, une Journée de sensibilisation sur les droits des usagers, coïncidant avec la Journée européenne des droits des patients du 18 avril, sera organisée chaque année, à partir de 2010.
Des établissements de santé se verront proposer, à cette occasion, un certain nombre d'outils méthodologiques pour échanger sur ce thème, autant avec les usagers qu'avec les professionnels.
Des établissements volontaires pourront s'engager, à travers une Charte, à être particulièrement innovants et exemplaires en la matière. Beaucoup d'établissements mettent d'ailleurs déjà en place des pratiques intéressantes en matière d'accueil, d'information et de prise en charge des usagers.
De telles initiatives pourraient judicieusement être valorisées à l'occasion de cette journée. * Une nouvelle fois, je tiens à saluer la démarche de débat participatif initiée par la Conférence nationale de santé.
Ce type d'initiative est une occasion privilégiée d'échanges fructueux, échanges auxquels notre système de santé a tout à gagner.
Vos contributions d'acteurs de terrain constituent une précieuse source d'inspiration pour l'action publique.
Soyez assurés que j'y accorde le plus grand intérêt, intimement convaincue de la valeur inégalable de la concertation et très attachée aux liens de confiance que nous avons tissés.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 20 avril 2009