Texte intégral
Q - Nous allons commencer par l'actualité la plus grave : le vol Air France 447. Il y a une piste sérieuse : on a retrouvé des débris dans l'Atlantique. Et puis il y a d'autres dépêches qui disent que les familles - on peut le comprendre - ont un espoir de retrouver des survivants tant qu'il n'y a pas la preuve du contraire. Qu'avez-vous à nous dire ?
R - Nous comprenons très bien ce que ressentent les familles et nous l'avons éprouvé, hier, le président de la République et quelques ministres en rencontrant les familles bouleversées, déchirées mais d'une dignité et d'un courage tout à fait formidable. J'en ai encore la gorge serrée en y pensant. Le président de la République a été très clair en évoquant des "chances infimes". Depuis, rien n'est venu infirmer ce pessimisme. A-t-on retrouvé le lieu où, semble-t-il, l'avion d'Air France a percuté la mer ?
Q - C'est à 650 km au nord-est de l'île de Fernando de Noronha.
R - Un avion français sera sur place à 21h00, heure française. Un bateau, le "Pourquoi pas" appareille en ce moment avec deux sous-marins à son bord. Et puis, il y a les avions brésiliens.
Q - ...des Etats-Unis ?
R - Des Etats-Unis également...
Q - Il y a une vraie solidarité internationale autour de ce drame ?
R - Oui, mais cela n'empêche ni les deuils, ni les déchirures. J'ai mieux compris hier, avec les familles, en écoutant le président de la République, ce que signifie une disparition en plein ciel : on ne sait plus où est l'être cher. C'est quelque chose d'épouvantable. Pour le moment, nous ne connaissons pas la cause de l'accident, mais nous la connaîtrons probablement.
Q - Question fataliste : vous qui avez été en première ligne, qui avez connu énormément de drames et de souffrances...
R - Non, je ne suis pas fataliste. J'ai été très ému par la rencontre avec les familles. Le côté cinématographique de l'avion retardé, de l'évidence qui doit se faire jour dans le coeur de chacun : les femmes qui attendent leurs maris, les parents, leurs enfants... Enfin, tout cela est épouvantable parce qu'il n'y a pas, vous l'avez dit, d'évidences. Où sont-ils ? C'est la plus grande catastrophe que l'aviation française ait connue.
(...)
Q - Pour la venue de Barack Obama, il y a eu un gros couac, vous avez oublié la Reine d'Angleterre, ce n'est pas très sérieux !
R - Je n'ai rien oublié. Le Royaume-Uni sera représenté par son Premier ministre et le Prince Charles.
Q - Le Prince n'est invité que depuis cet après-midi.
R - Ce qui compte, c'est qu'il soit là samedi.
Q - Cela peut arriver. On oublie d'inviter quelqu'un, cela arrive dans tous les dîners, dans toutes les fêtes ?
R - Comment pouvez-vous penser que nous ayons commis la moindre erreur ? Le Prince Charles ne représenterait-il pas bien le Royaume-Uni ?
Q - Il n'a reçu l'invitation qu'aujourd'hui, alors qu'elles ont été faites la semaine dernière.
R - C'est très bien.
Q - Buckingham Palace a fait savoir que la Reine n'était pas contente.
R - Buckingham Palace n'a rien fait savoir du tout.
Q - Vous y serez aussi ?
R - Bien sûr.
Q - C'est en territoire américain que cela se passe samedi puisque c'est Barack Obama qui reçoit, sur le cimetière qui est un territoire américain.
R - Comme le cimetière britannique est un territoire britannique.
Q - A quoi sert ce genre de rencontre : surtout à la photo, surtout à des rencontres informelles ou y aura-t-il des dossiers de fond qui seront discutés ?
R - Il y a des dossiers de fond. Il y a des préoccupations communes et il y a des urgences. Par exemple, de savoir ce qui va se dire - nous allons attendre pour cela le discours des Etats-Unis d'Amérique - au monde musulman au Caire le 4 juin. Cela ne s'est jamais fait et je pense que c'est nécessaire. Il y aura les dossiers de l'actualité et puis il y aura bien entendu le 65ème anniversaire du Débarquement en Normandie que tout le monde oublie, notamment les jeunes générations. Il est vrai que l'on a tendance à ignorer ce que l'on doit aux Américains, mais aussi aux Britanniques, aux Canadiens et tous les Alliés.
Q - Ce qui se dit c'est que Nicolas Sarkozy trouve que la visite de Barack Obama est un peu trop rapide et qu'il ne s'attarde pas vraiment ici, il ne fait que passer...
R - C'est la même chose au Caire, c'est la même chose en Allemagne.
Q - On parle de seulement trois heures en Normandie.
R - Ce qui compte c'est qu'il vienne. Ce qui compte c'est que nous ayons de bons contacts avec lui. La politique se fait beaucoup au téléphone. On se parle tout le temps avec les Américains. On se parle par personnes interposées, c'est-à-dire par l'intermédiaire de nos ambassadeurs et l'on se parle très directement par l'intermédiaire du téléphone. Il arrive fréquemment que le président Sarkozy appelle le président Obama et réciproquement. Ne croyez pas qu'il y ait silence radio !
Q - Quelle est la qualité des relations entre la France et les Etats-Unis aujourd'hui ?
R - Elles sont fraternelles. Tout le monde a salué l'élection de ce président, sa manière d'être, sa manière d'être réfléchi, d'être à la fois extraordinairement précis et d'une certaine façon sentimental, sa façon de s'exprimer - les discours qu'il produit ne sont jamais les mêmes. Nous nous entendons sur toutes les grandes questions, mais cela ne veut pas dire que nous nous entendons sur toutes les questions, il y a des sujets de désaccords qui ne sont ni secrets, ni sources de cassure.
Q - Qu'est-ce qui coince encore, après les grands clivages des dernières années ?
R - C'est, par exemple, la position vis-à-vis de la Turquie, mais les Etats-Unis ne sont pas membres de l'Union européenne. Ce qui coince, c'est le fait que nous n'avons pas accepté l'extension de l'OTAN à la Géorgie et à l'Ukraine. Ce qui coince, c'est la façon dont nous parlons avec la Syrie. Ce qui coince, c'est une analyse sur l'Afghanistan qui n'était pas acceptée par la précédente Administration américaine et par le président Bush.
J'étais en Afghanistan il y a dix jours. Dans les deux vallées qui sont à l'Est de Kaboul, la façon dont nous travaillons avec les Américains auprès des populations civiles est complètement inédite : cela ne se faisait jamais auparavant. Désormais, on pense gagner la guerre en gagnant les coeurs des Afghans, en faisant en sorte qu'il y ait une différence entre ce qu'on leur propose et ce que les Taliban leur proposent. Cela a considérablement changé la manière dont les crédits sont débloqués de part et d'autre - avec presque autant d'argent du côté français, comme du côté américain - dans cet endroit précis : nous ne sommes pas responsables de tout l'Afghanistan. Les soldats français et américains que j'ai vus travaillent ensemble, avec beaucoup de coeur, dans le domaine civilo-militaire, et auprès des ONG qui acceptent de le faire. C'est formidable. Cette préoccupation est essentielle.
(...)
Q - Après cette première interview de Barack Obama sur un média français, quelle est votre réaction ?
R - Les mots que le président Obama a prononcés, plusieurs fois, ce sont "crise économique", "jeunesse", "problèmes environnementaux" et "paix et dialogue". J'aime cette idée de lancer, avec les musulmans modérés, un débat à tous les niveaux, au Caire, avec un grand discours et essayer de dire combien la modernité, c'est-à-dire la démocratie, peut se combiner avec le monde musulman. C'est ce que nous recherchons tous.
Nous verrons comment le Moyen-Orient va accueillir ce discours du Caire. Ce n'est pas un discours à vocation politique immédiate sur la "Feuille de route" et la paix au Moyen-Orient mais il va en être question bien entendu. C'est la première fois et nous attendons tous cette intervention, comme nous l'avons dit depuis très longtemps, nous l'avons dit à la Knesset, le président Sarkozy l'a dit à Ramallah.
Concernant le règlement de la question palestinienne, ce qui est quand même nouveau et, je l'espère, probablement efficace, c'est qu'apparemment le président Obama a affirmé au Premier ministre israélien qu'il n'y avait pas de possibilité d'aller plus loin sans gel de la colonisation.
Ce qu'il a dit de l'Afghanistan, ce qui change, c'est cette formidable envie de s'approcher des Afghans. A la Conférence de Paris, nous avons parlé d'afghanisation, la montée en puissance des institutions afghanes et l'appropriation par les Afghans de leur propre destin : c'est ce que le président Sarkozy a proposé, c'est ce que nous faisons. Il s'agit là d'un programme de plusieurs années.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2009
R - Nous comprenons très bien ce que ressentent les familles et nous l'avons éprouvé, hier, le président de la République et quelques ministres en rencontrant les familles bouleversées, déchirées mais d'une dignité et d'un courage tout à fait formidable. J'en ai encore la gorge serrée en y pensant. Le président de la République a été très clair en évoquant des "chances infimes". Depuis, rien n'est venu infirmer ce pessimisme. A-t-on retrouvé le lieu où, semble-t-il, l'avion d'Air France a percuté la mer ?
Q - C'est à 650 km au nord-est de l'île de Fernando de Noronha.
R - Un avion français sera sur place à 21h00, heure française. Un bateau, le "Pourquoi pas" appareille en ce moment avec deux sous-marins à son bord. Et puis, il y a les avions brésiliens.
Q - ...des Etats-Unis ?
R - Des Etats-Unis également...
Q - Il y a une vraie solidarité internationale autour de ce drame ?
R - Oui, mais cela n'empêche ni les deuils, ni les déchirures. J'ai mieux compris hier, avec les familles, en écoutant le président de la République, ce que signifie une disparition en plein ciel : on ne sait plus où est l'être cher. C'est quelque chose d'épouvantable. Pour le moment, nous ne connaissons pas la cause de l'accident, mais nous la connaîtrons probablement.
Q - Question fataliste : vous qui avez été en première ligne, qui avez connu énormément de drames et de souffrances...
R - Non, je ne suis pas fataliste. J'ai été très ému par la rencontre avec les familles. Le côté cinématographique de l'avion retardé, de l'évidence qui doit se faire jour dans le coeur de chacun : les femmes qui attendent leurs maris, les parents, leurs enfants... Enfin, tout cela est épouvantable parce qu'il n'y a pas, vous l'avez dit, d'évidences. Où sont-ils ? C'est la plus grande catastrophe que l'aviation française ait connue.
(...)
Q - Pour la venue de Barack Obama, il y a eu un gros couac, vous avez oublié la Reine d'Angleterre, ce n'est pas très sérieux !
R - Je n'ai rien oublié. Le Royaume-Uni sera représenté par son Premier ministre et le Prince Charles.
Q - Le Prince n'est invité que depuis cet après-midi.
R - Ce qui compte, c'est qu'il soit là samedi.
Q - Cela peut arriver. On oublie d'inviter quelqu'un, cela arrive dans tous les dîners, dans toutes les fêtes ?
R - Comment pouvez-vous penser que nous ayons commis la moindre erreur ? Le Prince Charles ne représenterait-il pas bien le Royaume-Uni ?
Q - Il n'a reçu l'invitation qu'aujourd'hui, alors qu'elles ont été faites la semaine dernière.
R - C'est très bien.
Q - Buckingham Palace a fait savoir que la Reine n'était pas contente.
R - Buckingham Palace n'a rien fait savoir du tout.
Q - Vous y serez aussi ?
R - Bien sûr.
Q - C'est en territoire américain que cela se passe samedi puisque c'est Barack Obama qui reçoit, sur le cimetière qui est un territoire américain.
R - Comme le cimetière britannique est un territoire britannique.
Q - A quoi sert ce genre de rencontre : surtout à la photo, surtout à des rencontres informelles ou y aura-t-il des dossiers de fond qui seront discutés ?
R - Il y a des dossiers de fond. Il y a des préoccupations communes et il y a des urgences. Par exemple, de savoir ce qui va se dire - nous allons attendre pour cela le discours des Etats-Unis d'Amérique - au monde musulman au Caire le 4 juin. Cela ne s'est jamais fait et je pense que c'est nécessaire. Il y aura les dossiers de l'actualité et puis il y aura bien entendu le 65ème anniversaire du Débarquement en Normandie que tout le monde oublie, notamment les jeunes générations. Il est vrai que l'on a tendance à ignorer ce que l'on doit aux Américains, mais aussi aux Britanniques, aux Canadiens et tous les Alliés.
Q - Ce qui se dit c'est que Nicolas Sarkozy trouve que la visite de Barack Obama est un peu trop rapide et qu'il ne s'attarde pas vraiment ici, il ne fait que passer...
R - C'est la même chose au Caire, c'est la même chose en Allemagne.
Q - On parle de seulement trois heures en Normandie.
R - Ce qui compte c'est qu'il vienne. Ce qui compte c'est que nous ayons de bons contacts avec lui. La politique se fait beaucoup au téléphone. On se parle tout le temps avec les Américains. On se parle par personnes interposées, c'est-à-dire par l'intermédiaire de nos ambassadeurs et l'on se parle très directement par l'intermédiaire du téléphone. Il arrive fréquemment que le président Sarkozy appelle le président Obama et réciproquement. Ne croyez pas qu'il y ait silence radio !
Q - Quelle est la qualité des relations entre la France et les Etats-Unis aujourd'hui ?
R - Elles sont fraternelles. Tout le monde a salué l'élection de ce président, sa manière d'être, sa manière d'être réfléchi, d'être à la fois extraordinairement précis et d'une certaine façon sentimental, sa façon de s'exprimer - les discours qu'il produit ne sont jamais les mêmes. Nous nous entendons sur toutes les grandes questions, mais cela ne veut pas dire que nous nous entendons sur toutes les questions, il y a des sujets de désaccords qui ne sont ni secrets, ni sources de cassure.
Q - Qu'est-ce qui coince encore, après les grands clivages des dernières années ?
R - C'est, par exemple, la position vis-à-vis de la Turquie, mais les Etats-Unis ne sont pas membres de l'Union européenne. Ce qui coince, c'est le fait que nous n'avons pas accepté l'extension de l'OTAN à la Géorgie et à l'Ukraine. Ce qui coince, c'est la façon dont nous parlons avec la Syrie. Ce qui coince, c'est une analyse sur l'Afghanistan qui n'était pas acceptée par la précédente Administration américaine et par le président Bush.
J'étais en Afghanistan il y a dix jours. Dans les deux vallées qui sont à l'Est de Kaboul, la façon dont nous travaillons avec les Américains auprès des populations civiles est complètement inédite : cela ne se faisait jamais auparavant. Désormais, on pense gagner la guerre en gagnant les coeurs des Afghans, en faisant en sorte qu'il y ait une différence entre ce qu'on leur propose et ce que les Taliban leur proposent. Cela a considérablement changé la manière dont les crédits sont débloqués de part et d'autre - avec presque autant d'argent du côté français, comme du côté américain - dans cet endroit précis : nous ne sommes pas responsables de tout l'Afghanistan. Les soldats français et américains que j'ai vus travaillent ensemble, avec beaucoup de coeur, dans le domaine civilo-militaire, et auprès des ONG qui acceptent de le faire. C'est formidable. Cette préoccupation est essentielle.
(...)
Q - Après cette première interview de Barack Obama sur un média français, quelle est votre réaction ?
R - Les mots que le président Obama a prononcés, plusieurs fois, ce sont "crise économique", "jeunesse", "problèmes environnementaux" et "paix et dialogue". J'aime cette idée de lancer, avec les musulmans modérés, un débat à tous les niveaux, au Caire, avec un grand discours et essayer de dire combien la modernité, c'est-à-dire la démocratie, peut se combiner avec le monde musulman. C'est ce que nous recherchons tous.
Nous verrons comment le Moyen-Orient va accueillir ce discours du Caire. Ce n'est pas un discours à vocation politique immédiate sur la "Feuille de route" et la paix au Moyen-Orient mais il va en être question bien entendu. C'est la première fois et nous attendons tous cette intervention, comme nous l'avons dit depuis très longtemps, nous l'avons dit à la Knesset, le président Sarkozy l'a dit à Ramallah.
Concernant le règlement de la question palestinienne, ce qui est quand même nouveau et, je l'espère, probablement efficace, c'est qu'apparemment le président Obama a affirmé au Premier ministre israélien qu'il n'y avait pas de possibilité d'aller plus loin sans gel de la colonisation.
Ce qu'il a dit de l'Afghanistan, ce qui change, c'est cette formidable envie de s'approcher des Afghans. A la Conférence de Paris, nous avons parlé d'afghanisation, la montée en puissance des institutions afghanes et l'appropriation par les Afghans de leur propre destin : c'est ce que le président Sarkozy a proposé, c'est ce que nous faisons. Il s'agit là d'un programme de plusieurs années.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2009