Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Ronaldo, pour 94 millions d'euros irait au Real de Madrid. Etes-vous choqué par cette somme ?
Oui, je suis choqué comme beaucoup de Français. De telles sommes pour le transfert d'un jouer de football, c'est vraiment choquant, je crois qu'on a dépassé les limites. On est clairement dans la dérive du sport business. Avec ce genre de pratiques surréalistes, on va finir par tuer le football. Cela ne fait certainement pas la promotion de ce sport. Je dis souvent "trop d'argent dans le sport tue le sport". Et je fais partie de ceux qui disent qu'on a besoin d'une économie du sport, forte, mais encore une fois, encadrée et régulée.
Sur la régulation, il y a bien une régulation des marchés financiers ; comment on régule le milieu du foot ? Que demandez-vous ce matin ?
Je propose deux choses. La première, c'est qu'on limite le montant de ces transferts partout en Europe. Et la deuxième, une chose que, par exemple, la Ligue de rugby est en train de faire, c'est qu'on limite les salaires des joueurs en Europe, et voire limiter la masse salariale globale des clubs. Je crois que c'est très important, cela redonnera une véritable incertitude sportive dans les différentes compétitions.
Parce qu'en ce qui concerne le salaire de Ronaldo, il serait de 9 millions d'euros nets par an sur six saisons, soit 750.000 euros par mois et 25.000 par jour ; cela frise quand même l'indécence, vous êtes d'accord ?
Exactement. C'est ce que j'allais dire, c'est vraiment indécent. On est dans la dérive du sport business, comme je vous le disais. C'est pour cela qu'encore une fois, je propose qu'on régule tout cela. Il faut limiter les salaires des joueurs, il faut limiter la masse salariale globale des clubs. D'abord pour retrouver une certaine incertitude, parce qu'autrement, c'est à celui qui a le plus d'argent qui gagne...
C'est un football à deux vitesses de toute façon...
Exactement, c'est un sport à deux vitesses.
Donc, ce matin, c'est très clair, vous le demandez. Et pensez-vous être entendu ?
Ce que je ferai à la prochaine réunion des ministres des Sports européens, ce sont des propositions que je ferai. Vous savez que les 27 et les 28 novembre derniers, durant la présidence française, je me suis battu, et j'ai défendu avec le président de la République l'idée d'une exception sportive, comme il y a une exception culturelle. Les 27 ministres des Sports européens, qui, au départ, n'étaient pas tous d'accord, ont signé une déclaration commune qui reconnaît cette spécificité du sport. Et de cette spécificité du sport vont naître plusieurs mesures. Une, par exemple, qui dit qu'il faut un certain nombre de joueurs sélectionnables pour l'équipe nationale dans chaque club, cela revalorise la formation et cela évite de voir des équipes anglaises de football avec aucun joueur anglais par exemple, ou voir des équipes de rugby françaises avec aucun joueur français dans l'équipe.
Autre actualité, triste celle-là : L. Fignon annonçait son cancer hier, à 48 ans. Quelle est votre réaction ? De la tristesse ?
Oui, beaucoup d'émotion, beaucoup de tristesse. D'abord, je lui reconnais un certain courage, ce ne doit pas être facile à annoncer. Je lui souhaite surtout beaucoup de force. Je sais qu'il en a beaucoup. C'est quelqu'un que j'apprécie, que je connais, je sais qu'il aura beaucoup de force pour mener ce nouveau combat qui, malheureusement, lui est proposé.
Il a également parlé de dopage. Il ne fait pas le lien direct entre le dopage et sa maladie ; pensez-vous que le dopage puisse en être la cause ?
Je ne sais. Encore une fois, il ne faut pas s'avancer sur un terrain que l'on ne maîtrise pas. C'est lui qui nous le dira, ce sont surtout les médecins qui nous le diront. Moi, je ne veux pas y croire une seconde et encore une fois, j'espère vraiment que ce n'est pas le cas.
Ce qu'on a dit en début de semaine - cela vient de la bouche de B. Kohl qui annonçait dans L'Equipe lui-même s'être dopé, aujourd'hui, il n'est pas malade, mais dopé, il dit qu'il avait la conviction que les dix premiers du Tour de France auraient pu être positifs. Le Tour, c'est pour bientôt, il part de Monaco ; le dopage, manifestement, c'est encore d'actualité.
Vous savez, la France est un pays leader en terme de lutte contre le dopage, et ce, depuis bien longtemps, on a cette reconnaissance. Nous continuerons, encore une fois...
Mais ça sert à quoi manifestement ?
Vous savez, c'est comme pour la sécurité routière, vous ne pouvez pas dire "il n'y aura jamais d'accident", et pourtant, on est aussi un pays leader en terme de sécurité routière...
Je comprends bien mais on n'a pas l'impression qu'il n'y a pas moins en moins de dopage en France, et notamment dans le Tour, manifestement.
Si, au contraire, nous le combattons. On l'a vu l'an dernier, et encore une fois, je félicite l'AFLD, qui a mené un combat et une lutte fantastiques. Elle a aujourd'hui les pleins pouvoirs donnés par l'UCI depuis quelques jours. Donc je suis convaincu, encore une fois, que nous nous battrons contre les tricheurs. C'est une volonté de la France, c'est une volonté du Tour de France.
Pour terminer, bientôt le remaniement ; quel bilan faites-vous de votre passage au Gouvernement ? C'était dur, non ?
Non, ce n'est pas dur, c'est un honneur pour moi de servir le sport français au Gouvernement. C'est une tâche d'abord, qui me passionne, parce que je suis un passionné de sports.
Vous voulez rester donc ?
Oui, avec les réformes que j'ai engagées, vous savez, nous sommes en train de changer le visage du sport et on vient de prendre certaines mesures européennes, donc c'est quelque chose qui me passionne, parce que, encore une fois, cela fait 35 ans que je suis dans le sport donc je connais les contraintes et ce qu'il faut essayer de faire avancer.
Donc vous demandez à rester au Gouvernement, vous ne voulez pas partir ?
Moi, je ne demande rien, je ne suis pas le sélectionneur. Le sélectionneur, c'est le président de la République, et il fait bien les choses.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 juin 2009