Texte intégral
Je tiens tout d'abord à saluer l'excellente initiative de Monsieur le président Schweitzer, d'avoir organisé cette rencontre importante qui prend place à un moment où nos économies sont sérieusement malmenées par la crise.
Ce rendez-vous qui se tient quelques jours à peine après la remise du rapport annuel de la HALDE, témoigne du chemin parcouru et de la vigueur de votre institution.
C'est ainsi avec grand plaisir que je prends la parole à la fin de vos travaux qui, je le sais, ont été particulièrement riches et fructueux sur un sujet que je porte et qui me tient particulièrement à coeur : celui de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Vous avez accueilli cette année la Norvège représentée par mon homologue Madame Lotte Grepp Knutsen, Secrétaire d'Etat à l'enfance et à l'égalité. Je tiens à la saluer très chaleureusement, à lui adresser toute mon admiration pour son action et à lui exprimer toute ma reconnaissance pour avoir très fortement contribué au succès de cette journée.
La NORVEGE, on le sait, est exemplaire à plus d'un titre dans le domaine de l'égalité des sexes :
- exemplaire en Europe par la loi de 1978 qui a instauré le principe d'égalité dans tous les secteurs de l'activité économique et sociale par la mise en place de quotas ;
- exemplaire aussi par l'autorité à compétence nationale du Médiateur pour l'égalité et la lutte contre les discriminations investi, depuis sa création, d'une mission déterminée dans la voie de l'égalité hommes-femmes.
En France, après une évolution plus progressive de notre législation, un pas important a été franchi l'an dernier. En effet, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la cinquième République a érigé en principe constitutionnel, comme un symbole, figurant à la fin de l'article 1er, l'exigence d'égalité. La Constitution prévoit désormais que : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Tous les acteurs, les pouvoirs publics, mais aussi les partenaires économiques et sociaux, les corps intermédiaires, les associations, ont en charge, à leur niveau, la mise en oeuvre et le respect de ces droits. Mais en cette période de crise, d'incertitude économique et sociale, un risque existe. Et ce risque, c'est celui de voir les femmes devenir une variable d'ajustement économique compte tenu des circonstances. Or, l'égalité est une composante majeure de l'essor économique et les compétences féminines multiples y contribuent dans tous les domaines. Tout doit donc être fait pour éviter qu'un tel phénomène se produise.
L'égalité entre les hommes et les femmes est aussi un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne et cette politique est placée au coeur des actions qui relèvent de la Solidarité. Ma conviction et ma volonté sont de construire l'égalité entre les hommes et les femmes : l'égalité dans tous les moments de la vie, dans notre vie personnelle, familiale, professionnelle, citoyenne, culturelle et sportive.
Je souhaite ici vous rappeler quelles sont les orientations de mon action, aux côtés de Brice HORTEFEUX et avec l'ensemble des collègues du gouvernement.
Elle va dans deux directions :
- d'abord en amont, pour s'attaquer aux racines du mal, sur le terrain de la prévention en matière éducative,
- mais aussi en aval, dans le monde du travail, sur les sujets des discriminations et de l'accès aux responsabilités supérieures,
- pour favoriser UNE APPROCHE GLOBALE des problèmes ; c'est ainsi qu'à mon sens nous ferons évoluer les mentalités et les pratiques.
I- L'une des clés du succès est tout d'abord de s'attaquer aux racines du mal
J'ai la conviction que pour s'attaquer au coeur du problème, il faut briser un tabou et ce tabou, c'est la construction des stéréotypes.
Je suis en effet intimement persuadée, depuis toujours, de la nécessité d'agir au plan éducatif, dès le plus jeune âge et les premières années de construction de la personnalité, pour que les valeurs de l'égalité soient ancrées dans les comportements de nos concitoyens les plus jeunes.
Car les constats sont préoccupants :
- au collège, les résultats scolaires des filles en fin de 3ème sont meilleurs que ceux des garçons : 84,7 % de filles contre 78,7 % en 2007 obtiennent le brevet des collèges. Or, à l'issue de la classe de seconde, les parcours des filles et des garçons divergent.
- Ainsi, en terminale, parmi les lauréats du Baccalauréat général 63,8 % des garçons ont obtenu en 2007 un BAC scientifique contre 40,6 % des filles.
- Ces orientations se confirment dans l'enseignement supérieur puisque dans les classes préparatoires scientifiques, la part des femmes est de 30,4% et dans les écoles d'ingénieurs elle n'est que de 26,8 %.
En lien avec Xavier DARCOS, ministre de l'Education nationale, nous avons fixé à Madame Marie-Jeanne PHILIPPE, Rectrice de Besançon qui préside le comité de pilotage de la convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes une priorité. Cette priorité consiste à étendre et à diversifier les choix dans l'orientation des jeunes filles.
Une autre initiative de taille me tient à coeur : c'est la diffusion, auprès de toutes les jeunes françaises de 18 ans (elles sont 400 000) du livre « respect, les filles » réalisé sous l'égide de mon ministère qui est actuellement diffusé dans le cadre des journées d'appel de préparation à la défense (JAPD), étape obligatoire, organisées par le ministère de la défense sur l'ensemble du territoire français.
J'ai assisté ce matin, aux côtés de mon collègue Hervé MORIN, ministre de la Défense, à une de ces journées et j'ai pu constater l'engagement des filles et aussi l'intérêt des garçons pour cet ouvrage.
Autre angle d'intervention, l'image des femmes dans les médias. Je ne cherche pas à imposer la moindre censure ou à faire valoir un point de vue unique où le moralisme le disputerait à la pudeur. Mais dans le même temps, n'est-ce pas un domaine où les stéréotypes et clichés pèsent encore lourds ? C'est pourquoi, là aussi, il nous faut sensibiliser et former les équipes pédagogiques, les animateurs, les conseillers d'orientation mais aussi les familles.
C'est pour cela que j'ai prolongé la commission sur « l'image des femmes dans les médias » en confiant à Michèle REISER une mission complémentaire de suivi des stéréotypes féminins dans les médias. Cette dernière doit travailler sur la mise en place d'un système de monitorage des médias avec indicateurs et évaluation annuelle des actions engagées par les grands médias en faveur de l'image des femmes.
Je suis aussi très attachée à la prévention des comportements sexistes et violents à l'égard des femmes. C'est l'un des axes majeurs du second plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes que j'ai présenté en novembre 2007.
A noter aussi que la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire a renforcé la lutte contre les discriminations au travail en assimilant les faits de harcèlement sexuel et moral aux discriminations.
Mais votre colloque nous a montré que des progrès, des avancées restent à faire tout au long de la carrière professionnelle des femmes.
II- Il faut donc également agir en aval
Sur ce point, nous pouvons partager ensemble les constats suivants, qui reconnaissons-le sont à la fois instructifs et édifiants puisque :
- Les femmes représentent plus de la moitié de la population et 53 % de l'électorat.
- Leur niveau d'éducation a rejoint, voire dépassé celui des hommes.
- L'écart de salaire entre les femmes et les hommes est en moyenne de 19 %.
- Les parcours professionnels des femmes sont rarement linéaires.
- Le taux de chômage des femmes de 25 à 49 ans est supérieur de 2 points à celui des hommes.
L'accès des femmes à la prise de décision, et plus globalement aux responsabilités se heurte à la résistance du « plafond de verre ».
Voilà pour les considérations générales. Qu'en est-il maintenant de l'accès des femmes aux responsabilités supérieures des entreprises ? Le constat n'est pas meilleur :
- en Europe, un conseil d'administration comprend en moyenne 15,4 membres mais seulement 1,3 femme ;
- en France, elles sont moins de 9% dans les conseils d'administration.
Et lorsqu'elles en sont membres elles sont très rarement en position de pouvoir. Elles sont le plus souvent cantonnées dans des postes de gestion des ressources humaines, de communication ou de juristes.
Ce colloque a été, je crois, l'occasion d'appliquer la méthode des regards croisés sur les expériences et bonnes pratiques puisées à l'étranger ce qui permet d'en tirer des orientations pour ce qui concerne notre propre pays. C'est le sens des recommandations que vous venez de présenter, madame Nicole NOTAT. Je puis vous dire que j'en rejoins la philosophie générale et que si nous allons en conduire l'expertise plus précise, certaines recommandations, je les fais d'ores et déjà miennes.
Ainsi sur la place des femmes dans le monde économique, j'estime qu'un effort de rééquilibrage s'impose dans trois directions :
- la première d'entre elles consiste à réunir les conditions d'articulation entre vie professionnelle, vie familiale et vie personnelle. L'étude de l'INED qui vient de paraître confirme que le poids des tâches familiales continue à être davantage supporté par les femmes.
La participation des pères aux soins et à l'éducation des enfants progresse peu et les tâches familiales restent l'apanage des femmes.
- deuxième direction : garantir les parcours professionnels et éviter le temps partiel subi surtout quand on sait que sur environ 5 millions d'actifs à temps partiel, 83 % sont des femmes,
- la troisième direction revêt aussi une grande importance car elle s'attache à promouvoir la formation continue des personnels féminins et des cadres d'entreprise afin de préparer « un vivier de personnes » destinées à exercer des responsabilités. Et ces responsabilités doivent pouvoir s'exercer tant au sein des conseils d'administration et de surveillance des entreprises, que dans les des instances sociales comme les comités d'entreprise et d'établissement et plus généralement les instances de représentation syndicale.
L'expérience norvégienne et suédoise nous a permis de détecter une difficulté majeure : celle du cumul des mandats d'administrateur de société par les mêmes femmes, en l'absence de relève efficacement formée et préparée à ces fonctions.
J'encourage sur ce point toutes les initiatives de terrain destinées à renforcer la formation aux fonctions sociales supérieures.
Autre point fort de vos recommandations, le renforcement de l'arsenal législatif pour lutter contre les inégalités salariales. Cela revient donc à remettre sur le chantier la loi de 2006 qui prévoyait d'atteindre cet objectif.
Première observation, on peut contribuer à mettre en oeuvre l'égalité professionnelle par d'autres moyens que par la loi. Je suis à ce titre très engagée aux côtés des entreprises qui interviennent concrètement dans cette voie.
Avec Brice HORTEFEUX, nous venons d'ailleurs de décerner à une trentaine d'entreprises le label égalité qui récompense la politique volontariste de certaines entreprises en matière d'égalité. Mais nous sommes aussi conscients des limites d'une politique uniquement incitative.
C'est pourquoi, je suis venue vous dire aujourd'hui qu'avec Brice HORTEFEUX, nous avons décidé d'aller plus loin et de confier à l'IGAS une mission préparatoire sur l'égalité professionnelle, qui sera un des thèmes majeurs de la concertation demandée par le Président de la République avec les partenaires sociaux à l'automne 2009.
Un rapport d'orientation et des propositions relatives :
- à la mise en oeuvre de l'égalité professionnelle,
- à l'égalité de rémunérations entre les femmes et les hommes,
- à la représentation équilibrée des femmes dans les instances de gouvernance des entreprises, sont particulièrement attendus dans le cadre de cette mission qui a été confiée à Brigitte GRESY, inspectrice générale. La thématique des sanctions financières, qui était inscrite comme une possibilité à moyen terme dans la loi de 2006 ne sera pas un sujet tabou.
Mais je ne serais pas exhaustive si je n'abordais pas le sujet de la parité dans la vie politique qui est toujours un enjeu de la citoyenneté.
Les résultats les plus significatifs en la matière concernent le Parlement européen où la France se maintient au 5ème rang (avec un taux de représentation féminine de 43,6 %) après la Suède. Le mode de scrutin y est déterminant. En revanche, pour les instances dirigeantes, seules 5 des commissions permanentes sont présidées par des femmes et une sous-commission aux Droits de l'homme. De même seulement 9 des 27 commissaires sont des femmes (33 %).
Espérons que les élections européennes de juin prochain seront l'occasion d'améliorer la situation tant au niveau de la représentation féminine des 27 Etats membres au sein du bureau et de la conférence des présidents du Parlement européen qu'en ce qui concerne les nominations au sein des institutions européennes.
Au niveau national et au plan local, des progrès doivent être accomplis pour que les femmes qui constituent 53 % de l'électorat soient mieux représentées. Qu'il n'y ait que 13,8 % de femmes maires et 12,3 % de conseillères générales ce n'est pas acceptable. D'ailleurs, même lorsque les avancées sont significatives, la disproportion demeure dans les exécutifs.
Sur ce terrain aussi, des avancées sont attendues et la nécessaire formation que j'appelle de mes voeux sera décisive pour permettre aux femmes de franchir le pas.
Pour savoir d'une part si tout cela en vaut la peine et d'autre par comment faire pour avancer, le mieux est encore de le demander aux femmes concernées.
C'est ainsi que les réseaux professionnels de femmes ont décidé d'évaluer la satisfaction des femmes exerçant des fonctions de responsabilité, tant au regard de leur situation personnelle que de leur perception des politiques d'égalité conduites dans les entreprises ou au sein de l'administration.
Ces réseaux professionnels de femmes, remettront les résultats de ce sondage en juin 2009, un sondage sans précédent, qui constituera un véritable baromètre de confiance des femmes exerçant des responsabilités. Je crois que ses résultats seront passionnants car riches d'enseignements.
En conclusion, je veux vous dire que nous préparons l'élaboration d'un code commenté des droits des femmes destinés tant aux professionnels, associations, particuliers, qu'aux institutionnels, qui permettra de voir le chemin parcouru, de recenser tout ce qui a déjà été fait, même si je suis consciente qu'il reste encore des échelons à gravir pour atteindre l'égalité.
Un très récent rapport de l'OCDE sur les indicateurs sociaux nous montre la voie.
Il analyse le modèle social français comme le plus enviable à bien des égards :
- au plan des dépenses de protection sociale représentant 33% du PIB qui place la France au second rang juste derrière la Suède,
- au regard de l'espérance de vie des femmes (84,4 ans),
- pour ce qui a trait au dynamisme démographique remarquable avec un taux de fécondité qui est l'un des plus élevés de l'OCDE,
- et enfin quand on voit la part de la dépense publique consacrée à la petite enfance (1,1% contre 0,40 % en Allemagne par exemple).
Ainsi la France a sa part de forces et d'atouts, comme la Norvège, je présume. Elle est confrontée à ses propres pesanteurs sociales et historiques. Mais elle a aussi su montrer sa formidable capacité de transformation dans les dernières décennies grâce à l'action déterminée des femmes, de leurs représentantes, grâce aussi au volontarisme et à la force de conviction de certaines d'entre elles. Grâce aussi aux principes démocratiques qui régissent le fonctionnement de notre société. Sachons donc transformer ces atouts pour faire de notre pays un modèle en matière d'égalité.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 25 mai 2009