Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur les violences faites aux femmes, la prévention et la sécurité des victimes, Paris le 10 juin 2009.

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Circonstance : Lancement du film "la Voix" dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes à Paris le 10 juin 2009

Texte intégral


* Présentation du court métrage : discours d'ouverture de Valérie Létard
Je suis heureuse de vous faire découvrir ce court-métrage militant et intense destiné à lutter contre les violences faites aux femmes.
Trop de femmes en souffrent encore et les chiffres sont là pour le prouver :
1 femme sur 10 est victime de violences ;
166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007.
Depuis mon arrivée au gouvernement et dans le cadre du plan triennal que j'ai lancé en 2008, les actions de sensibilisation sur les violences faites aux femmes se relaient les unes après les autres, avec le soutien de Thierry Saussez -que je salue- en partenariat avec les équipes de Marie-Pierre Vidal pour l'agence DDB, celles de Laurent Setton pour la Délégation à l'Information et à la Communication, et d'Elisabeth Tomé pour le Service des Droits des femmes et de l'égalité et surtout toutes les associations engagées dans ce combat qui font tous les jours un travail remarquable sur le terrain.
Depuis octobre dernier, 3 opérations ont été menées à cet effet :
* En octobre dernier, nous avons lancé une campagne presse et hors média contre les violences conjugales : 3 visuels ont été diffusés dans l'ensemble de la presse écrite pour sensibiliser non seulement les victimes mais aussi l'entourage et l'auteur des violences. Ces visuels ont été déclinés sous forme de brochures et d'affichettes. Plus d'un million de documents ont été diffusés aux associations, aux maternités, aux urgences hospitalières, aux mairies, aux commissariats et gendarmeries, aux conseils généraux...
* Parallèlement nous avons lancé le site stop-violences-femmes.gouv.fr qui aborde l'ensemble des violences faites aux femmes et qui propose des témoignages saisissants de femmes victimes, d'auteurs de violences et de professionnels.
* En avril, nous avons aussi lancé une campagne hors média contre les mariages forcés et contre l'excision : Plus de 300 000 brochures et affichettes ont été réalisées et diffusées aux associations, aux mairies, aux rectorats, aux PMI, aux maternités et cabinets de gynécologies, aux maisons de justice et du droit...
Aujourd'hui, avec ce film, nous franchissons une nouvelle étape.
Il s'agit pour nous de démanteler le dernier des tabous, celui des violences verbales et psychologiques.
Ce clip a été réalisé par Jacques Audiard et je voudrais rendre hommage à son talent, son travail, son approche intense et digne d'un sujet difficile.
Comme vous le savez, il a été accaparé par de nombreuses sollicitations après l'obtention du grand prix du Jury du festival de Cannes et je voudrai l'en féliciter à mon tour chaleureusement.
Et malgré cet accaparement, Jacques Audiard s'est investi sans compter pour notre projet. Il a « flashé » sur le scénario proposé et s'est attelé à la tâche avec passion et rigueur.
Ainsi, ce court métrage repose sur le travail fait PAR des hommes POUR des femmes, preuve que les hommes aussi peuvent être des militants !
Ce que vous allez voir à l'écran, ce n'est ni du sang, ni des larmes, ni des femmes qui plient sous la douleur.
Ce que vous allez voir, c'est l'histoire d'une femme, comme vous et moi, qui tous les jours est sous l'emprise de son conjoint. Une emprise insidieuse.
Une emprise qui ne se VOIT PAS mais qui peut s'ENTENDRE et se REPERER, c'est bien pour cette raison que le film s'appelle « La Voix ».
Sans REPERES on ne peut pas dénoncer la violence verbale. Autant la violence physique laisse des traces extérieures, autant la violence verbale et psychologique est difficile à identifier et à mesurer.
Pour beaucoup de Français et de Françaises, ces violences sont des banalités ordinaires qu'on peut parfaitement supporter au quotidien.
Et ce que ce film veut faire comprendre c'est que les violences verbales ne sont pas banales : les violences verbales SONT des violences en soi qui laissent des traces.
De plus, bien souvent, quand ces violences s'installent dans un couple, elles sont le point de départ de violences physiques conduisant à l'irréparable, c'est-à-dire, à la mort.
Je dédie ce film aux femmes qui souffrent et qui ne parlent pas.
Je souhaite que ce clip soit un déclencheur qui les aide à s'exprimer et à prendre les bonnes décisions.
Je veux leur dire que l'Etat est là pour les protéger, pour les accompagner.
Ce clip passera 550 fois en trois semaines sur toutes les chaînes. Je tiens à préciser que TF1, France Télévisions et M6 ont, elles aussi été « militantes » en nous offrant un nombre significatif de passages supplémentaires et gratuits.
Merci de votre attention et place au film qui dure 30 secondes et que je vous propose de voir deux fois d'affilée.
* Intervention de Valérie Létard suite au visionage du film
Ce n'est pas forcément facile de reprendre la parole après de telles images.
J'espère que vous avez apprécié ce film et je vous propose de revenir rapidement sur ce qui fait sa force et sa crédibilité.
On a souhaité montrer du doigt les coups portés par la violence verbale et psychologique, celle des mots et des regards qui blessent et qui enferment dans un univers aseptisé, ordinaire.
Chacun d'entre nous se sentira interpellé par ce film et saura en son âme et conscience si ces mots relèvent de la violence ou s'ils peuvent être autorisés, banalisés comme si de rien n'était.
Il ne s'agit pas d'être angélique : on évolue dans une société violente qui autorise des choses de plus en plus dures mais n'est ce pas là l'occasion de remettre le curseur au bon endroit et rappeler que les mots LAISSENT des TRACES et que souvent lorsque les mots violents s'installent dans un couple, ils sont suivis d'actes violents ?
Tout ce que cette femme fait est déformé. Tout est passé au crible d'un prisme dévalorisant, subjectif, dégradant. Pourquoi ? Parce que l'homme violent ne voit pas les choses comme elles sont mais comme il les imagine.
Qui plus est, il ne s'adresse pas directement à la femme : il utilise la 3ème personne du singulier comme pour mieux la « chosifier » et s'en détacher.
Les mots crûs qu'il utilise dénoncent ce que plus aucune femme ne doit encore subir. Les femmes ne doivent plus acceptées d'être traitées de « boudin », de « traînée » ou de toute autre injure.
L'homme violent n'est pas AVEC sa femme mais DERRIERE elle. Il la suit. Il la traque et cela traduit le climat de méfiance qui règne au sein du couple.
L'homme violent n'apparaît pas en plein jour. Il n'apparaît que dans le parking, en sous-sol dans un lieu souterrain symbolique de la peur et de ce qu'on y cache.
La femme est oppressée mais elle a la force de signifier son refus : elle se dégage de l'homme lorsque celui-ci la prend par l'épaule, et quand il monte dans la voiture, elle ne le suit pas : elle reste debout, elle réfléchit, et le 3919 se présente à elle comme une main tendue à sa disposition.
Cette fin, ce n'est pas un « happy end » ou un conte de fée : c'est une fin crédible qui explique que tout espoir reste à portée de main. La violence n'est pas une fatalité, on peut s'en sortir.
Voilà, je n'en dirai pas davantage, je souhaite maintenant donner la parole à Thierry Saussez qui nous donnera son point de vue en tant que Directeur du Service d'Information du Gouvernement et de chef d'orchestre des campagnes que le gouvernement propose pour mieux servir les citoyens.
Thierry, je te laisse la parole.
* Intervention de clôture de Valérie Létard
Après la présentation de ce film je voudrais vous dire que le gouvernement ne se contente pas de dénoncer : il AGIT pour protéger les femmes et les accompagner dans leur parcours.
Ce n'est ni le lieu ni l'heure de faire une liste exhaustive de toutes les actions entreprises mais laissez-moi tout de même revenir sur l'essentiel :
Premièrement, notre soutien au 3919 et le renforcement des moyens financiers et des effectifs de cette plateforme d'écoute pour lui permettre notamment d'assumer le pic des appels provoqués par la campagne. Je tiens à souligner que 80% des appels reçus par le 3919 relèvent de violence verbale et psychologique. Le 3919 est gratuit, il n'apparaît pas sur les relevés téléphoniques, pour éviter de mettre en danger les femmes. Géré par la Fédération Nationale Solidarité Femmes, il dispense une écoute de qualité, professionnelle, anonyme et personnalisée et, le cas échéant, une orientation adaptée. En 2008, le 3919 a reçu 80 000 appels.
Deuxièmement, avec le ministère du logement, nous avons rappelé, que conformément à la loi, la priorité doit être donnée à l'éviction du conjoint violent et au maintien de la femme dans le logement, chaque fois que possible. A défaut, les solutions les moins désocialisantes et les plus proches du logement ordinaire sont à rechercher, sauf si une prise en charge renforcée s'avère nécessaire.
En outre, la loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009 prévoit que les victimes de violence conjugale seront prioritaires pour l'accès au logement social.
Troisièmement, l'arsenal législatif. La question est de savoir s'il est suffisant. Depuis 2006 il est plus répressif et protecteur. Les victimes sont encouragées à porter plainte et le taux de réponse pénale à l'encontre des auteurs de violences conjugales a augmenté passant de 68,9% en 2003 à 83,8% en 2008.
Mais, comme je l'ai dit hier à l'Assemblée Nationale devant la mission parlementaire sur la lutte contre les violences faites aux femmes, je suis aujourd'hui convaincue de la nécessité de compléter le dispositif législatif existant.
Nous menons ainsi des réflexions en lien avec la Chancellerie, les parlementaires et les acteurs de terrain.
Ces réflexions couvrent à la fois le domaine de la prévention, celui de la répression, et celui de la coordination.
Et après le film que vous venez de voir, il va de soi que nous avançons également sur l'idée d'introduire dans le code pénal la notion de violences psychologiques.
Si tous ces chantiers nombreux et complexes avancent c'est bien parce que chaque ministre dans son domaine joue le jeu : l'interministérialité garantit l'efficacité de la politique que nous menons pour les femmes.
Ce travail d'équipe se traduit aussi au niveau des associations : réunies en collectif depuis quelques mois elles vous présenteront bientôt elles aussi une campagne de communication.
Et maintenant cap sur 2010 ! Nous souhaitons que le label de campagne d'intérêt général attribué par le Premier Ministre contre les violences faites aux femmes en 2009 devienne la grande cause nationale de l'année prochaine.
Sans plus tarder, je vous remercie de votre attention et j'invite les associations à profiter du cocktail où je les retrouve dans quelques minutes après avoir répondu aux journalistes.
Merci encore à toutes et à tous.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 10 juin 2009