Texte intégral
Je suis particulièrement heureuse d'être à vos côtés cet après-midi dans le cadre du Congrès international de la déficience visuelle, dont je sais qu'il constitue un temps fort de cette année placée en hommage à Louis Braille.
Vous avez choisi de traiter de la situation concrète des aveugles et des malvoyants dans la société de ce troisième millénaire lors de ce congrès. 1,7 million de personnes souffrent de déficience visuelle aujourd'hui en France, soit près de 3 Français sur 100. Il s'agit en effet d'un évènement particulièrement attendu à un double titre.
Ce congrès est tout d'abord le fruit d'une mobilisation de toutes les grandes associations françaises de personnes déficientes visuelles qui se sont organisées en Collectif et je remercie d'ailleurs son président, Monsieur Michel, de m'y avoir conviée.
Ce congrès est également symbolique car il est organisé en l'honneur de Louis Braille, dont nous fêtons cette année le bicentenaire de la naissance en France, à côté d'ici dans un village nommé Coupvray et dont le nom est associé à l'alphabet en relief pour les personnes aveugles, qu'il a contribué à développer jusqu'à être repris aujourd'hui partout dans le monde !
Puisqu'une idée innovante peut connaître une réussite mondiale, je me permets de vous souhaiter le même succès durant ces trois jours avec les expériences innovantes que vous avez commencé à partager.
Je souhaite aujourd'hui contribuer à votre réflexion en vous présentant quelques pratiques tirées du premier bilan d'un plan spécifique pour la déficience visuelle. Ce plan, le premier en France, nous l'avons lancé il y a tout juste un an, en juin 2008.
Trois aspects de ce plan me paraissent décisifs pour permettre de favoriser la pleine citoyenneté des personnes déficientes visuelles.
En premier lieu, il s'agit de l'accès au monde du savoir et de la culture.
Je sais que de grands spécialistes internationaux confronteront leurs expériences demain sur ce thème, que vous avez raison d'évoquer car elle est essentielle de l'intégration dans une société où tout nous renvoie à l'image. Comment en effet s'intégrer à l'école, dans le monde du travail, participer à la vie culturelle de son pays lorsqu'on n'accède pas aux outils dont disposent tous les autres citoyens ?
En France, des innovations toutes récentes sont à mettre au crédit du plan relatif au handicap visuel qui couvre la période 2008-2011.
Parmi les cinq mesures phares de ce plan, deux sont déjà réalisées.
L'une concerne l'accès au savoir et à la culture, et l'autre l'accès aux médias grâce à internet.
Tout d'abord, deux textes réglementaires relatifs aux communications publiques en ligne ont été publiés 16 mai dernier : ils permettront de rendre accessibles à tous dans un délai de trois ans tous les sites internet publics de l'Etat comme de nos communes, départements et régions.
Ensuite, un décret publié en décembre 2008 et un arrêté d'application en cours de signature vont permettre aux personnes aveugles et malvoyantes d'accéder gratuitement à des livres de toute nature reproduits sur des supports adaptés en braille ou en numérique.
Pour cela, les fichiers numériques des oeuvres imprimées devront être transmis gratuitement par les éditeurs à un organisme centralisateur, la Bibliothèque nationale de France, qui donnera à son tour accès à ces fichiers à des organismes autorisés : les médiathèques, les bibliothèques, les archives, les établissements d'enseignement, les associations.
Ces textes sont importants car ils vont nous permettre également de poursuivre le processus de transcription en braille des livres scolaires que suit un comité de professionnels afin de mieux articuler la conception par les éditeurs des manuels scolaires avec le calendrier scolaire.
L'accès à la culture et aux médias passe aussi par une politique forte d'audiodescription des programmes télévisés et des oeuvres cinématographiques. En France, contrairement à d'autre pays, le Royaume-Uni, le Japon, la loi ne fixait pas jusqu'à présent de quotas de programmes à audiodécrire, pour des raisons essentiellement techniques.
Désormais, c'est chose faite : grâce à une loi du 5 mars 2009, il sera possible de fixer des pourcentages de programmes à audiodécrire pour les principales chaînes, soit dans le cadre des conventions que le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclura avec les chaînes de télévision privées, soit par l'Etat dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens négociés avec les chaînes publiques.
Une charte de l'audiodescription a été signée en outre le 10 décembre dernier afin d'assurer un engagement des professionnels sur la qualité de l'audiodescription. Je suis également très attachée aux conditions de l'accès au savoir de nos jeunes.
En France, dans le cadre du plan handicap visuel, nous voulons favoriser l'accès des jeunes déficients visuels non seulement à l'école, mais à tous les aspects de la vie citoyenne : pendant les loisirs, à la maison après l'école, dans les lieux publics, par exemple pour aller visiter un musée.
C'est pourquoi, nous allons augmenter dès 2009 le nombre de places créées chaque année dans nos services d'aide à l'acquisition de l'autonomie et à l'intégration scolaire pour les enfants de 3 à 20 ans.
Ces services apportent en effet des moyens de compensation du handicap, de développement de la vision fonctionnelle, d'apprentissage des techniques palliatives, et assurent les soutiens pédagogiques et techniques adaptés pour l'enfant scolarisé.
Nous voulons en créer 140 par an pendant trois ans de façon à mieux répartir ces services sur l'ensemble de notre territoire. Cela représentera un effort de 2,3 millions d'euros chaque année.
D'ailleurs dès 2008, 83% des 129 nouvelles places pour déficients visuels installées en France ont concerné les enfants.
L'accès à l'éducation est bien évidemment le point de départ indispensable à une bonne intégration professionnelle.
Accéder au savoir permet d'accéder à l'emploi. C'est notre deuxième priorité.
La France a pris dans le cadre du plan un certain nombre d'initiatives pour améliorer l'insertion professionnelle des personnes handicapés. Il faut en effet savoir que 83% des personnes handicapées ont un niveau V de formation en France (soit un niveau équivalent au BEP ou au CAP).
Pour permettre à un nombre croissant de personnes handicapées d'arriver sur le marché du travail, nous avons mis en place des outils particuliers d'accompagnement.
Ainsi, 100% de nos universités devront être accessibles d'ici 2011. Nous sommes en bonne voie même si des progrès restent à faire, notamment dans l'enseignement supérieur privé. Les étudiants handicapés auront désormais accès aux mêmes aides, par exemple, pour la prise en charge de leurs frais de transports, quel que soit leur cursus.
Nous avons également voulu développer la voie de la formation professionnelle pour les personnes handicapées. Pour cela, nous avons supprimé la limite d'âge pour accéder à la formation en alternance et nous poursuivons cette politique en mettant en place un plan d'incitation des employeurs publics pour recruter par la voie de l'alternance.
Nous mobilisons nos fonds spécifiques d'intervention en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Par exemple, notre fonds d'intervention pour les personnes handicapées dans la fonction publique va désormais financer directement des nouvelles technologies de l'accessibilité, notamment pour les personnes déficientes visuelles, pour un montant d'un million d'euros.
Enfin, le fonds français pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le secteur privé, l'Agefiph, développe une action spécifique en direction des personnes déficientes visuelles qui sont en activité professionnelle, le « diagnostic vie au travail », pour mieux adapter la réponse à leurs besoins. Une enquête du fonds a montré que 25% des personnes déficientes visuelles rencontrées dans les entreprises déclaraient avoir besoin d'un accompagnement par un prestataire spécifique, et 7 % d'une sensibilisation de leur environnement de travail à leur handicap.
Le dernier thème que je souhaitais aborder devant vous est celui de l'autonomie et de la sécurité des personnes déficientes visuelles.
Ces thèmes sont particulièrement importants, il me semble, pour une vie citoyenne pleine et entière.
Notre organisme de normalisation français, l'AFNOR (association française de normalisation) a créé un forum de réflexion sur l'accessibilité avec des grandes entreprises comme Orange, Microsoft, SFR, SNCF, RATP, EDF. Les normalisations de l'étiquetage en braille et de la vocalisation des appareils de la vie courante, mesure phare du plan Handicap visuel, y sont régulièrement évoquées.
Je souhaite que ce forum puisse aboutir à des propositions, qui pourraient être portées à la réflexion au niveau européen et mondial.
Je suis également en charge des personnes âgées et donc particulièrement attentive à la problématique du vieillissement. Or, 61% des déficients visuels sont des personnes âgées de plus de 60 ans.
C'est pourquoi, nous avons décidé de créer plus de places en établissement spécialisé : en 2008, 129 places ont été créées pour les personnes déficientes visuelles en établissements médico-sociaux. 53 sont en Foyers d'accueil médicalisés contre 36 prévues initialement.
Nous souhaitons également renforcer la formation initiale et tout au long de la vie des instructeurs en activités de la vie journalière, des instructeurs en locomotion, des professionnels des maisons de retraites et des services à domicile pour mieux accompagner les personnes déficientes visuelles, notamment celles qui ont perdu la vue en vieillissant.
Enfin, la sécurité des personnes passe par la sensibilisation des professionnels. Pour cela, un référentiel sur l'accessibilité a été créé en janvier 2009 pour toutes les formations des professionnels de l'urbanisme, du cadre bâti et des transports, qu'il s'agit maintenant diffuser dans les formations. Nous avons également créé une série de guides à l'attention des professionnels.
Nous réfléchissons enfin à mieux prendre en charge les personnes déficientes visuelles accompagnées d'un chien guide dans les situations d'urgence.
Aujourd'hui, à travers ce Congrès, vous vous positionnez comme force de proposition.
Ce Congrès permettra, nous en sommes convaincus, de faire remonter des initiatives, des pratiques innovantes, et de faire émerger des pistes de réflexion, que nous vous invitons à nous transmettre.
Notre devoir est de construire ensemble la société moderne de demain, où tous auront leur place.
Je suis pleinement convaincue que des débats comme ceux-ci contribuent à faire avancer les choses et à faire changer le regard sur le handicap. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui contribuent aujourd'hui à cette initiative et vous souhaite une bonne après midi de travail.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 23 juin 2009