Texte intégral
F. David.- Vous avez eu un week-end chargé : vous êtes membre du Gouvernement et avez donc participé au séminaire organisé samedi par L. Jospin. Vous êtes Vert, vous avez donc participé au Conseil national interrégional de votre parti qui se tenait hier. Comment fait-on, quand on est à la fois ministre et très militant, quand on appartient à un Gouvernement mais que son parti le critique finalement assez sérieusement ?
- "On va expliquer à la fois en quoi les messages qu'ont envoyés les électeurs peuvent être entendus et en même temps essayer de tracer le trait, c'est-à-dire de faire comprendre aux Verts que la confiance qui nous est accordée nécessite de notre part plus de responsabilité. Evidemment, c'est toujours une situation compliquée quand les gens sont pressés, qu'ils souhaitent que cela aille plus vite, qu'ils souhaitent que certains thèmes soient mieux traités. En même temps, il y a une réalité d'ensemble."
Que reprochez-vous exactement au Gouvernement de L. Jospin en ce moment ? De faire du social-libéral ?
- "Le résultat des 11 et 18 mars ne dit pas au Gouvernement "on n'aime pas votre bilan." Il dit qu'il y a des gens, des catégories de dossiers et de personnes qui ne sont pas encore pris en compte par sa politique. Une impatience s'est manifestée, une impatience qui se traduit par le non-vote, une impatience qui se traduit par des votes plus radicalisés - je pense notamment aux votes de l'extrême gauche. A partir de là, il faut regarder comment on explique à l'opinion, aux Français, à ces catégories de personnes, ce que l'on va faire pour eux dans l'année qui vient ; comment les résultats vont arriver ; dans quels délais, au-delà même de l'échéance de 2002. Sur les personnes qui sont encore sur le côté, qui ne sont pas prises en compte par le retour de l'embellie économique, il va falloir des signes forts."
Que seraient les signes forts ? Un bon coup de pouce au Smic ? Ce que réclament par exemple les Communistes, c'est-à-dire un moratoire sur les licenciements - on voit ce qui se passe chez Marks Spencer et chez Danone ? Ce sont des mesures aussi symboliques que vous réclamez ?
- "Ce ne sont pas des mesures symboliques. Un certain nombre de personnes, qui attendent avec impatience de pouvoir retourner vers l'emploi, veulent savoir quel parcours on leur propose. On a amélioré les dispositifs en direction de ceux qui ne sont pas encore concernés. Il y a une tranche des jeunes - à peu près 100 000 jeunes - qui ne sont ni pris en compte par la politique d'emplois-jeune qui a bien marché, ni pris en compte par le programme Trace, qui est un programme de qualification et de formation en direction des jeunes. Il y a 100 000 jeunes qui sont en dehors de tout. Nous avons à travailler non pas à mettre un "grand coup de barre à gauche", pour reprendre des termes qu'on entend plus du côté du Parti communiste ou de l'extrême gauche, mais nous devons travailler sur des publics particuliers qui sont effectivement aujourd'hui en état de distanciation par rapport à la majorité."
C'est une inflexion qui peut être difficile pour le Gouvernement : on sait qu'il y a quand même des contingences budgétaires très fortes ; on sait que la croissance est là mais on ne sait toujours pas pour combien de temps ; vous avez en outre au Gouvernement des gens qui disent de faire attention aux finances, L. Fabius notamment.
- "Il va falloir regarder, par rapport aux marges qui existent, à quoi on les consacre prioritairement. Effectivement, il va falloir faire des choix, dire qu'aujourd'hui, on joue effectivement sur des marges de quelques dizaines de milliards. Il va falloir choisir de les orienter précisément et surtout regarder comment on donne le sentiment d'espoir. Sur un certain nombre de dossiers, il est clair qu'il faut montrer l'horizon au-delà de l'échéance immédiate et en même temps, dire concrètement aux gens comment on va les toucher, dans la proximité et maintenant."
Pour faire cela, faut-il plus de ministres Verts au Gouvernement ? Vous reprochez semble-t-il à Mme Voynet d'avoir dit hier que le nombre de ministres Verts importait finalement peu, et que ce qui comptait, c'était la politique. Cette réflexion vous semble étonnante visiblement...
- "Je fais partie de ceux - un des tous premiers - qui ont toujours pensé que la place des Verts était dans un ensemble plus large qui était la gauche plurielle, et que la gauche plurielle serait forte de Verts forts, et vice-versa. A partir du moment où l'opinion, dans un vote préférentiel, indique sa volonté que les Verts occupent plus de place, il faut que nous soyons disponibles pour prendre plus de responsabilités. En même temps, c'est l'intérêt de l'ensemble de la gauche. C'est d'une lisibilité dont il s'agit. Est-ce que c'est une question de nombre ? Peut-être a-t-elle raison en disant que ce n'est pas forcément - et symboliquement - des postes en plus, mais alors, cela veut dire que c'est une lisibilité de dossiers. A ce moment-là, lesquels ? Dans le jeu du dialogue qui est engagé et qui va trouver son terme, peut-être dans l'expression du Premier ministre ce soir, il faut qu'un certain nombre de choses soient plus claires par rapport à l'opinion si on veut capitaliser notre force au profit de l'ensemble de la gauche plurielle."
Le Parti communiste, qui a subi un certain nombre de défaites électorales, radicalise lui aussi un petit peu son discours, lui aussi demande plus de mesures vers la gauche etc. N'avez-vous pas l'impression qu'il y a une espèce de course entre vous deux ?
- "Non, la problématique n'est pas posée dans les mêmes termes. D'abord, il ne faut pas être heureux des difficultés du Parti communiste, parce que de fait, si on regarde dans les quartiers populaires, la perte de participation est très forte. Vraisemblablement, la première victime en est le Parti communiste. C'est une question pour toute la gauche plurielle : comment remobiliser ces catégories de personnes, comment faire pour qu'un certain nombre de citoyens se sentent à nouveau concernés par la chose publique ? Il va falloir regarder cela de près, mais je ne crois pas qu'il faille faire une compétition dans ce domaine. Il faut simplement que chacun essaie d'être le meilleur là où il est utile, sur les dossiers où il est en position d'emporter la conviction, de se mettre en résonance avec des ensembles. C'est vrai que dans le paysage de la gauche plurielle, les choses ont changé véritablement le 18 mars. Je suis tout à fait curieux de constater que tous ceux qui initient au niveau citoyen, sur le terrain, se sentent un peu confrontés à l'establishment institutionnel, à tous les pouvoirs quelques formes qu'ils aient. Il faut donc traiter cela. Il faut mieux entendre, au plus près du terrain, tous ces gens qui attendent des changements, qui s'investissent et qui ont parfois le sentiment que l'institution ne les entend pas."
On va très vite parler des élections législatives : vous voulez plus de députés ; cela passe par des accords avec le Parti socialiste et aussi avec le PC, puisque vous marchez tous ensembles. Comment pensez-vous que ces négociations vont se dérouler ?
"S'agissant du PC, je ne sais pas ce qu'il choisira de faire - il est parti seul en 1997. Pour notre part, nous avons fait en sorte de ne jamais servir d'instrument pour faire battre le Parti communiste à l'époque. Voudra-t-il être dans l'ensemble ? On verra... S'agissant par contre d'une reconduction d'un accord avec le Parti socialiste, il a choisi - le Premier ministre notamment - de ne pas modifier le mode de scrutin, de ne pas introduire de dose de proportionnelle, remettant à plus tard une partie de l'accord que nous avions passé en 1997. Les Verts ont aujourd'hui pris un poids significatif ; il faut donc trouver l'équilibre qui permette une représentation plus nette, plus forte et qui soit aussi efficace. J'avais dit qu'il fallait mettre la "bonne gauche à la bonne place." L'analyse des scrutins des 11 et 18 mars montre très bien quels sont les types de territoire et les types d'endroits où un candidat des Verts peut ramener la circonscription à la majorité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 avril 2001)
- "On va expliquer à la fois en quoi les messages qu'ont envoyés les électeurs peuvent être entendus et en même temps essayer de tracer le trait, c'est-à-dire de faire comprendre aux Verts que la confiance qui nous est accordée nécessite de notre part plus de responsabilité. Evidemment, c'est toujours une situation compliquée quand les gens sont pressés, qu'ils souhaitent que cela aille plus vite, qu'ils souhaitent que certains thèmes soient mieux traités. En même temps, il y a une réalité d'ensemble."
Que reprochez-vous exactement au Gouvernement de L. Jospin en ce moment ? De faire du social-libéral ?
- "Le résultat des 11 et 18 mars ne dit pas au Gouvernement "on n'aime pas votre bilan." Il dit qu'il y a des gens, des catégories de dossiers et de personnes qui ne sont pas encore pris en compte par sa politique. Une impatience s'est manifestée, une impatience qui se traduit par le non-vote, une impatience qui se traduit par des votes plus radicalisés - je pense notamment aux votes de l'extrême gauche. A partir de là, il faut regarder comment on explique à l'opinion, aux Français, à ces catégories de personnes, ce que l'on va faire pour eux dans l'année qui vient ; comment les résultats vont arriver ; dans quels délais, au-delà même de l'échéance de 2002. Sur les personnes qui sont encore sur le côté, qui ne sont pas prises en compte par le retour de l'embellie économique, il va falloir des signes forts."
Que seraient les signes forts ? Un bon coup de pouce au Smic ? Ce que réclament par exemple les Communistes, c'est-à-dire un moratoire sur les licenciements - on voit ce qui se passe chez Marks Spencer et chez Danone ? Ce sont des mesures aussi symboliques que vous réclamez ?
- "Ce ne sont pas des mesures symboliques. Un certain nombre de personnes, qui attendent avec impatience de pouvoir retourner vers l'emploi, veulent savoir quel parcours on leur propose. On a amélioré les dispositifs en direction de ceux qui ne sont pas encore concernés. Il y a une tranche des jeunes - à peu près 100 000 jeunes - qui ne sont ni pris en compte par la politique d'emplois-jeune qui a bien marché, ni pris en compte par le programme Trace, qui est un programme de qualification et de formation en direction des jeunes. Il y a 100 000 jeunes qui sont en dehors de tout. Nous avons à travailler non pas à mettre un "grand coup de barre à gauche", pour reprendre des termes qu'on entend plus du côté du Parti communiste ou de l'extrême gauche, mais nous devons travailler sur des publics particuliers qui sont effectivement aujourd'hui en état de distanciation par rapport à la majorité."
C'est une inflexion qui peut être difficile pour le Gouvernement : on sait qu'il y a quand même des contingences budgétaires très fortes ; on sait que la croissance est là mais on ne sait toujours pas pour combien de temps ; vous avez en outre au Gouvernement des gens qui disent de faire attention aux finances, L. Fabius notamment.
- "Il va falloir regarder, par rapport aux marges qui existent, à quoi on les consacre prioritairement. Effectivement, il va falloir faire des choix, dire qu'aujourd'hui, on joue effectivement sur des marges de quelques dizaines de milliards. Il va falloir choisir de les orienter précisément et surtout regarder comment on donne le sentiment d'espoir. Sur un certain nombre de dossiers, il est clair qu'il faut montrer l'horizon au-delà de l'échéance immédiate et en même temps, dire concrètement aux gens comment on va les toucher, dans la proximité et maintenant."
Pour faire cela, faut-il plus de ministres Verts au Gouvernement ? Vous reprochez semble-t-il à Mme Voynet d'avoir dit hier que le nombre de ministres Verts importait finalement peu, et que ce qui comptait, c'était la politique. Cette réflexion vous semble étonnante visiblement...
- "Je fais partie de ceux - un des tous premiers - qui ont toujours pensé que la place des Verts était dans un ensemble plus large qui était la gauche plurielle, et que la gauche plurielle serait forte de Verts forts, et vice-versa. A partir du moment où l'opinion, dans un vote préférentiel, indique sa volonté que les Verts occupent plus de place, il faut que nous soyons disponibles pour prendre plus de responsabilités. En même temps, c'est l'intérêt de l'ensemble de la gauche. C'est d'une lisibilité dont il s'agit. Est-ce que c'est une question de nombre ? Peut-être a-t-elle raison en disant que ce n'est pas forcément - et symboliquement - des postes en plus, mais alors, cela veut dire que c'est une lisibilité de dossiers. A ce moment-là, lesquels ? Dans le jeu du dialogue qui est engagé et qui va trouver son terme, peut-être dans l'expression du Premier ministre ce soir, il faut qu'un certain nombre de choses soient plus claires par rapport à l'opinion si on veut capitaliser notre force au profit de l'ensemble de la gauche plurielle."
Le Parti communiste, qui a subi un certain nombre de défaites électorales, radicalise lui aussi un petit peu son discours, lui aussi demande plus de mesures vers la gauche etc. N'avez-vous pas l'impression qu'il y a une espèce de course entre vous deux ?
- "Non, la problématique n'est pas posée dans les mêmes termes. D'abord, il ne faut pas être heureux des difficultés du Parti communiste, parce que de fait, si on regarde dans les quartiers populaires, la perte de participation est très forte. Vraisemblablement, la première victime en est le Parti communiste. C'est une question pour toute la gauche plurielle : comment remobiliser ces catégories de personnes, comment faire pour qu'un certain nombre de citoyens se sentent à nouveau concernés par la chose publique ? Il va falloir regarder cela de près, mais je ne crois pas qu'il faille faire une compétition dans ce domaine. Il faut simplement que chacun essaie d'être le meilleur là où il est utile, sur les dossiers où il est en position d'emporter la conviction, de se mettre en résonance avec des ensembles. C'est vrai que dans le paysage de la gauche plurielle, les choses ont changé véritablement le 18 mars. Je suis tout à fait curieux de constater que tous ceux qui initient au niveau citoyen, sur le terrain, se sentent un peu confrontés à l'establishment institutionnel, à tous les pouvoirs quelques formes qu'ils aient. Il faut donc traiter cela. Il faut mieux entendre, au plus près du terrain, tous ces gens qui attendent des changements, qui s'investissent et qui ont parfois le sentiment que l'institution ne les entend pas."
On va très vite parler des élections législatives : vous voulez plus de députés ; cela passe par des accords avec le Parti socialiste et aussi avec le PC, puisque vous marchez tous ensembles. Comment pensez-vous que ces négociations vont se dérouler ?
"S'agissant du PC, je ne sais pas ce qu'il choisira de faire - il est parti seul en 1997. Pour notre part, nous avons fait en sorte de ne jamais servir d'instrument pour faire battre le Parti communiste à l'époque. Voudra-t-il être dans l'ensemble ? On verra... S'agissant par contre d'une reconduction d'un accord avec le Parti socialiste, il a choisi - le Premier ministre notamment - de ne pas modifier le mode de scrutin, de ne pas introduire de dose de proportionnelle, remettant à plus tard une partie de l'accord que nous avions passé en 1997. Les Verts ont aujourd'hui pris un poids significatif ; il faut donc trouver l'équilibre qui permette une représentation plus nette, plus forte et qui soit aussi efficace. J'avais dit qu'il fallait mettre la "bonne gauche à la bonne place." L'analyse des scrutins des 11 et 18 mars montre très bien quels sont les types de territoire et les types d'endroits où un candidat des Verts peut ramener la circonscription à la majorité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 avril 2001)