Déclarations de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, en réponse à des questions d'actualité au Sénat sur la crise iranienne, Paris le 25 juin 2009.

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Circonstance : Réponses de Bernard Kouchner à des questions d'actualité au Sénat, à Paris le 25 juin 2009

Texte intégral

* Monsieur le Sénateur, entre ingérence et inaction, la marge est étroite. Que voulez-vous que nous fassions ? Que n'avons-nous pas fait ?
Au départ, nous avons été les plus fermes. Nous avons été rejoints, depuis, par toutes les diplomaties, qui ont condamné cette répression avec la plus grande fermeté.
Il est évident que, pour le moment, nous n'envisageons en aucun cas de rompre les relations diplomatiques, à moins que des provocations à l'égard de nos diplomates ne nous y contraignent, ou que nous n'y soyons amenés pour manifester notre solidarité.
Nous surveillons la situation presque heure par heure. Deux diplomates anglais viennent d'être expulsés. Nous ne saurions rester sans réagir. Les vingt-sept pays de l'Union européenne condamneront unanimement ce type de comportement, et manifesteront leur solidarité active au peuple iranien.
Entre ingérence et inaction, il est très difficile de trouver une ligne médiane ! A moins, Monsieur Boulaud, qu'au lieu de vous contenter de dire "et la Birmanie ?", vous n'ayez des solutions à nous proposer ! S'agissant de la Birmanie, nous avons été au moins aussi fermes que pour l'Iran !
Nous avons été les plus fermes des diplomaties du monde ! Je n'accepte pas qu'on le conteste. Reportez-vous aux faits !
Entre l'inaction - qui n'est pas un mot péjoratif dans ma bouche - et l'ingérence, parfois nécessaire, nous nous tenons sur la crête.
Nous sommes très attentifs et nous ne nous laisserons pas faire.
N'oublions pas que la menace ne pèse pas seulement sur les droits de l'Homme : il y a aussi le problème du nucléaire militaire ; les Iraniens refusent de répondre aux questions de l'Agence internationale.
Nous devons donc être mesurés, mais très vigilants.
* Monsieur le Sénateur, la France respectera la tradition d'asile, comme, probablement, toutes les ambassades occidentales. Pour l'heure, le cas ne s'est pas présenté, et ce pour une raison assez simple : le dispositif policier en place autour de l'ambassade de France, comme autour de toutes les ambassades, est pratiquement hermétique.
Lors du sommet du G8, ce soir, nous devrons produire un texte ferme. Il est à l'étude, il est discuté : il n'y a pas que des partisans d'une condamnation de l'Iran.
J'ajoute à la liste déjà impressionnante des exactions que vous avez mentionnées qu'aujourd'hui devait être une journée de deuil, ce à la demande de l'un des candidats à l'élection présidentielle, M. Karoubi. Les autorités l'ont suffisamment influencé pour qu'il y renonce.
Il faut savoir qu'au sommet du clergé chiite, c'est-à-dire au sommet de la hiérarchie de cet Etat, des voix, et non des moindres, se font fait entendre pour dénoncer ces pratiques : isoler l'Iran n'est pas bon pour ce pays ; les sanctions pèsent surtout sur les couches moyennes et défavorisées.
L'Union européenne, les Etats-Unis et d'autres pays ont la même analyse : le mouvement de protestation sera profond et prolongé.
Nous devons donc être attentifs, sans provocations. Les provocations viennent toujours du même côté, c'est-à-dire du côté iranien ! J'en veux pour preuve les déclarations insupportables qu'a faites aujourd'hui encore Mahmoud Ahmadinejad.
Je crains que n'interviennent d'autres expulsions de diplomates. Nous ne devrons pas rester cois.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2009