Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à "la Radio Télévision belge francophone" le 17 mars 2001, sur la situation de la région des Grands Lacs africains et les relations entre l'Union européenne et l'Afrique.

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Média : Radio Tévision belge francophone

Texte intégral

Q - Un sujet de préoccupation, c'est la région des Grands lacs. La France a été très active en faveur du déploiement de l'ONU. Que comptez-vous faire concrètement ? Peut-on imaginer des Casques bleus français ?
R - Nous cherchons à mettre à profit une situation nouvelle qui présente des opportunités parce que le fils du président Kabila, qui est maintenant au pouvoir, est beaucoup plus ouvert que ne l'était son père qui était hostile au dialogue inter-congolais et au fait que la RDC applique les engagements qu'elle prenait en ce qui la concerne dans les Accords de Lusaka par exemple, alors que jusqu'ici, tout cela était au point mort. Nous avons donc une petite chance de mettre en uvre, avec l'aide de tous les protagonistes internes et extérieurs de la crise des Grands lacs, les engagements pris et non tenus. C'est toute la mécanique du retrait des troupes, de l'observation, du déploiement parallèle des forces des Nations unies, petite au début qui sera peut-être appelée à se développer à laquelle nous fournirons certainement une aide logistique. Ensuite, il y a également le dialogue inter-congolais car la dimension politique est très importante. Il y a dans ce processus de mise en uvre des engagements pris, de nombreuses occasions de capoter, mais il faut absolument saisir cette chance qui se présente à nous en ce moment. Et sur ce plan, la France et la Belgique travaillent en pleine confiance et en parfaite coopération.
Q - la France avait proposé une conférence de paix pour la région des Grands lacs. Allez-vous relancer cette idée ?
R - L'idée est sur la table, mais c'est une conférence qui viendrait regrouper, rassembler, préciser, garantir, l'ensemble des engagements pris par les uns et par les autres. Il faut être plus loin dans le processus. A l'heure actuelle, il faut appliquer les Accords de Lusaka et mettre en uvre la force des Nations unies et faire avancer le dialogue inter-congolais. A un moment donné, une conférence regroupant toutes les parties prenantes pourrait être organisée pour donner plus de stabilité et de solidité à la situation ainsi réglée pour que les choses ne recommencent pas. Notre idée est connue et je crois que le moment venu, elle s'imposera, tout le monde la jugera utile.
Q - Il y a régulièrement des sommets franco-africains. Certains évoquent l'idée de remplacer ces sommets par des sommets entre Africains et Européens.
R - Il y a déjà des rencontres Europe-Afrique, il y en a eu une il y a quelques mois, au Caire, simplement ce n'est pas tout à fait la même chose et tous les responsables africains que je connais souhaitent en quelque sorte garder les deux, parce que la nature des relations entre la France et les pays d'Afrique est particulière : il y a une sorte d'intimité, une ambiance et une connaissance mutuelle très profonde. C'est comme les relations régulières entre les Espagnols, les Portugais et les pays d'Amérique latine, elles ne disparaissent pas sous prétexte que l'on a lancé un mécanisme de rencontres entre l'Europe entière et l'Amérique latine. Les choses se complètent, il faut simplement organiser les calendriers pour que les différentes réunions n'aient pas lieu les mêmes années. C'est complémentaire, ce n'est pas antagoniste./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2001)