Déclaration de M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, sur la crise économique et la création d'emplois dans les PME, Paris le 16 juin 2009.

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Monsieur le Premier Ministre,
Une nouvelle fois, vous êtes fidèle au rendez-vous annuel des Patrons de PME et je vous en remercie.
Votre présence est pour nous un signe.
Signe que le chef du Gouvernement français juge utile, après une journée qui a vu défiler pas moins du quart de votre Equipe, de venir lui-même parler à ceux qui font la croissance et l'emploi.
Cette année Planète PME est consacrée à la sortie de crise. Ou plus exactement aux solutions pour sortir de la crise par le haut.
Vous le savez, nous le savons tous ici, le tempérament d'un vrai patron n'est pas d'attendre mais d'agir.
Pour parler clair : il se bouge.
Il se bouge pour aller chercher de nouveaux marchés, il se bouge pour optimiser la gestion de sa trésorerie, il se bouge pour maintenir et développer son entreprise...
Un patron ça se bat au quotidien et sur tous les fronts en même temps.
Mais, Monsieur le Premier ministre, ce n'est pas de cela dont je souhaite vous parler aujourd'hui.
Aujourd'hui je voudrais vous parler, d'engagements, d'innovations ou encore de solutions.
En clair, je souhaite vous faire part des réflexions et des propositions de notre organisation pour sortir de la crise.
Alors, contrairement à notre tempérament, oui, c'est vrai, la crise nous sommes contraints de la subir.
Ce n'est ni la première, ni la dernière. Mais celle-là a une particularité : elle a pour origine les excès de quelques uns qui ont oublié que le rôle d'une banque est de financer l'économie réelle.
Leur seul objectif : engranger des résultats sans se soucier de savoir pourquoi ni comment.
A la CGPME, ce n'est pas ainsi que nous voyons l'économie.
Pour nous, l'économie a un sens : l'économie, c'est d'être au service de l'Homme. Lorsqu'on oublie cela, c'est tout le système qui se dérègle !
Nous avons fait une enquête auprès de 1 000 patrons. Leur première demande : à 90 % ils réclament davantage de transparence financière dans la vie économique.
Je vous rassure, ils ont bien intégré le rôle joué par le Gouvernement pour sauver le système bancaire.
Nous avions besoin de mesures fortes. Vous avez pris vos responsabilités.
Si l'Etat est intervenu à bon escient, il doit continuer à le faire.
Les taux de la BCE baissent, le crédit n'est pas moins cher pour nos entreprises ? Pourquoi ?
Est-il normal, comme nous en avons le sentiment aujourd'hui,
Est-il normal que les banques reconstituent, avec l'aide de l'Etat, leurs fonds propres sur notre dos ?
Vous l'avez compris, nous n'attendons pas d'aide financière de l'Etat.
Nous réclamons simplement une équivalence de traitement.
La Ministre des Finances propose de scinder le déficit en deux : les dépenses pour faire face à la crise et les autres dépenses.
Il y a une vraie logique.
Mais, alors pourquoi ne pas appliquer aux entreprises un traitement similaire ?
En cette période de crise, nous revendiquons la suppression immédiate de l'IFA pour les PME faisant des pertes.
La France a des atouts formidables.
Enlevez-nous les boulets que nous avons aux pieds et nous ferons la course en tête !
Nos PME manquent de fonds propres pour se développer ?
Si demain les résultats remontés aux fonds propres bénéficiaient d'un taux réduit d'IS à 18%, nous donnerions, ensemble, un formidable coup d'accélérateur à l'économie !
Mais de grâce, pour rester dans le monde de l'automobile - qui, je sais, vous est cher - n'appuyez pas à la fois sur le frein et sur l'accélérateur.
Mettre, comme vous l'avez fait, une pénalité pour les entreprises qui n'embauchent ou ne gardent pas assez de seniors, ce n'est pas une réponse adaptées aux PME.
Les mises à la retraite anticipées, ce n'est pas dans nos pratiques habituelles.
Veut-on demain décider à notre place qui nous embauchons ?
Opposer l'entreprise à ses salariés en brandissant des menaces n'est pas notre conception des relations sociales.
La richesse d'une entreprise n'est pas simplement inscrite dans son bilan.
Elle est avant tout constituée par les hommes et les femmes qui la composent.
Dans les petites entreprises, le patron connaît ses salariés. Ensemble, ils partagent les succès mais aussi les échecs. Le dialogue social est une réalité quotidienne.
Ce ne sont pas des mots, ce sont des comportements.
Et à ceux qui voudraient nous donner des leçons en la matière, je leur conseillerais de s'interroger pour savoir pourquoi aucun patron de PME n'a été victime de ces séquestrations dont les médias ont fait leur miel !
Partager la valeur ajoutée ? Nous ne demandons que cela !
Nous le faisons déjà en motivant nos salariés par des primes.
A nous d'être imaginatifs, et de bâtir des systèmes d'intéressement plus simples et plus lisibles.
Le partage est une des valeurs que nous prônons.
Je vous l'annonce ici, la CGPME entreprendra donc prochainement un "tour de France de l'intéressement".
Nous voulons inciter davantage les entreprises à s'engager dans la voie du dividende du travail !
Nous avons là un formidable outil de cohésion sociale et de motivation.
Mais, attention, la rendre obligatoire serait une erreur économique et sociale :
Appliquer les mêmes règles à Dassault et à une PME de Seine Saint Denis serait une erreur,... pour reprendre une campagne célèbre, "Tout le monde ne chausse pas du 35".
Ne pas opposer grandes et petites entreprises est une évidence ; bien au-delà d'une simple "attitude", ne pas les confondre est une nécessité.
Et il en va de même pour leurs représentants !
Il est un défi collectif que la CGPME est prête à relever : celui de l'emploi des jeunes. Nous ne pouvons laisser nos enfants à la porte de nos entreprises.
Nous nous sommes battus pour le contrat de professionnalisation car nous sommes convaincus que le meilleur endroit pour se former, c'est l'entreprise.
Nous continuerons à en faire la promotion.
Identifier une compétence et l'adapter à une offre d'emploi ciblée est le plus sûr moyen d'accéder à l'emploi.
Former des générations de diplômés en lettres modernes alors que l'on a besoin de plombiers est le plus sûr moyen... de pointer au Pôle Emploi !
Je prends donc ici, en notre nom à tous, l'engagement de proposer un CDI à tous les jeunes apprentis acceptant, volontairement, par avance, de rester dans l'entreprise à l'issue de leur période d'apprentissage, et ce pour une durée au moins équivalente à celle de leur formation.
S'engager pour les jeunes, c'est également préserver les générations futures.
Pour la première année, Planète PME s'est enrichie d'un pôle "Green Business".
Notre conviction en la matière est simple : nous avons à la fois un rôle et une carte à jouer.
La révolution verte est notre intérêt en tant que citoyen et en tant qu'entrepreneur.
Ceux qui ne prendront pas ce virage sont, à terme, condamnés... et pas seulement au plan électoral !
Là encore, ne raisonnons pas contraintes et normes irréalistes, mais pensons incitations et étude d'impact.
Mais "développement durable" ne doit pas être synonyme de taxes supplémentaires !
Madame Lagarde, elle-même, en convient : la neutralité fiscale doit être inscrite en lettres d'or.
Réfléchir à une taxe carbone, surtout si elle est un moyen de lutter contre les distorsions de concurrence aux frontières de l'Europe, pourquoi pas !
Mais quelle taxe supprime-t-on en parallèle ?
A cet égard, je tiens à vous alerter sur la profonde déception qui serait celle des chefs d'entreprise si la suppression de la Taxe Professionnelle, pourtant promise par le Président de la République dans son discours de Douai, devait se traduire, au final, par un nouvel impôt encore plus pénalisant pour les petites entreprises.
La déception serait à la mesure de l'espoir soulevé par cette annonce : immense.
Nous savons pouvoir compter sur vous pour que les engagements pris soient respectés.
Vous l'avez compris, Monsieur le Premier Ministre, nos PME ont la volonté de dépasser la crise.
Il faut cependant être lucide : toutes n'y parviendront pas.
Les plus fragiles, celles dont la trésorerie est exsangue et le carnet de commandes en chute libre, sont aujourd'hui menacées de mort.
19% des PME françaises sont dans ce cas !
Avec un cortège de drames humains pour les salariés naturellement mais aussi pour ces patrons qui vont tout perdre.
On les oublie trop souvent.
Moi j'y pense chaque fois que je vois un commerce baisser définitivement son rideau ou un atelier s'arrêter.
On nous parle toujours de patrons voyous, pourquoi passer sous silence ceux qui perdent tout ?
Eux aussi méritent qu'on les aide à rebondir !
Et cela, si la CGPME ne le dit pas, qui le fera ?
Nous ne sombrons pas pour autant dans le catastrophisme.
La plupart des PME passeront ce cap difficile. Innovation et formation les y aideront.
Les patrons de PME sont conscients des mutations en cours et du rôle actif qu'ils doivent jouer.
L'emploi n'est pas pour eux une variable d'ajustement.
La délocalisation n'est pas dans leur schéma :
C'est en France qu'elles créent des emplois, c'est en France qu'elles paient leurs impôts, c'est en France qu'elles financent la protection sociale.
Tout cela est normal.
Mais, aujourd'hui, les PME sont inquiètent et se sentent injustement pénalisées.
Une partie de plus en plus importante de la création de richesses est confisquée par la protection sociale, les charges sociales étaient de 30 % en 1970, de 40 % en 2004 et de près de 45 % aujourd'hui.
Où cela va-t-il s'arrêter ?
Alors il est logique que la mesure - 0 charge - que vous avez prise pour inciter à embaucher dans les entreprises de moins de 10 salariés ait été appréciée...
Comme il est normal que la CGPME souhaite son extension aux entreprises de moins de 20 salariés !
Je conclurai, Monsieur le Premier Ministre, en évoquant une autre mesure qui, celle-là, fait débat dans nos rangs : l'auto-entrepreneur.
Ce statut incite, c'est vrai - et la CGPME a été la seule organisation à le dire - les Français à se tourner vers l'entreprenariat.
Elle connaît un véritable succès.
Mais attention à ne pas créer un entreprenariat à deux vitesses.
L'auto-entrepreneur est un formidable marchepied mais nos artisans, et vous savez qu'ils sont nombreux à la CGPME, craignent les distorsions de concurrence.
Aussi, pour ne pas briser une telle idée, nous souhaitons que le statut soit limité dans le temps et qu'à l'issue d'une période de 2 ans l'auto-entrepreneur soit soumis aux mêmes règles que les autres, notamment l'inscription aux chambres consulaires.
Là encore, nous comptons sur vous.
Vous le voyez, Cher François FILLON, nous avons des idées et de l'énergie à revendre.
L'enthousiasme est notre seconde nature et le découragement nous est inconnu.
De tout cela, nous sommes fiers, mais ce qui nous rend le plus heureux, c'est de développer nos projets, en permettant à nos équipes de grandir ensemble.
C'est cela, le patronat réel, et il est devant vous ce soir.
Source http://www.cgpme.fr, le 17 juin 2009