Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation politique au Liban, notamment la formation du gouvernement, et le processus de paix israélo-palestinien, Rabieh le 11 juillet 2009.

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Circonstance : Voyage de Bernard Kouchner au Liban les 10 et 11 juillet 2009 : entretien avec le général Aoun, chef du courant patriotique libre, député du Kesrouan, à Rabieh le 11

Texte intégral

J'achève notre voyage d'écoute par un entretien avec le général Aoun et ses partisans. Nous avons examiné les résultats des élections et le général Aoun et ses amis en ont tiré une leçon qui n'est pas exactement identique à celle des autres leçons tirées des mêmes résultats.
J'apprécie cependant la logique des raisonnements, tournée vers une démocratie moderne. Parmi toutes les analyses que j'ai entendues, auprès des principaux partis politiques libanais, je ne vois pas d'obstacles majeurs en dehors du traditionnel tiers de blocage ou attachement au communautarisme.
Vous me direz que cela fait deux obstacles majeurs. Certes. Néanmoins, ayant connu d'autres situations - il y a encore quelques mois -, je trouve qu'il y a de quoi espérer, dans les jours et les semaines qui viennent. Il y a une entente suffisante pour qu'un gouvernement d'union nationale soit créé. Tout le monde recherche cette union nationale.
C'est donc un très grand progrès même si les détails et les influences réciproques des pays voisins ne sont pas complètement surmontés. J'ai salué la logique.
Nous nous rendons à Damas où a lieu la réunion des ambassadeurs français de toute la région.
La prochaine réunion de ces ambassadeurs se tiendra à Beyrouth. Je voudrais vous signaler que nous avons nommé de jeunes ambassadeurs dans toute la région. Nous avons fait un mouvement diplomatique très volontaire et, je l'espère, de talent. C'est une étape très importante, il faut faire partir les analyses directement du terrain. Cette première réunion des ambassadeurs en poste, des ambassadeurs actuels, des ambassadeurs passés et futurs à Damas promet d'inventer ou du moins de participer à l'invention qui consiste à mettre sur pied des programmes diplomatiques et politiques novateurs partant des préoccupations locales. C'est mon souhait.
Q - Quelle impression vous allez prendre avec vous à Damas, à propos de la situation libanaise ?
R - Je viens de vous le dire.
- Des élections qui étaient inimaginables il y a deux ans, qui se sont bien déroulées, dont les résultats ont été acceptés par toutes les personnes que j'ai rencontrées. C'est un premier progrès.
- La formation d'un gouvernement qui, s'il se forme- ce n'est pas certain - sera, depuis 50 ans, une vraie innovation et une possibilité enfin. C'est cela ce que j'appelle la dynamique ou démocratie libanaise à la libanaise, qui donnera des leçons aux autres pays de la région qui n'ont, eux, pas fait d'élections de ce genre ou pas fait d'élections du tout.
Je ne suis pas responsable des accords de Taëf, ni de la Constitution libanaise, ni de Doha, mais nous avons participé. Ce que nous avons essayé en France, avec tous les partis que j'ai rencontrés, s'appelait la rencontre de la Celle-Saint Cloud, qui a eu lieu en juillet 2007. Nous ne sommes pas entrés dans le détail, il n'y avait pas un programme défini, nous n'avions pas les résultats des élections - nous pensions même que les élections ne pourraient pas se tenir. C'était une période de blocage, très négatif pour le pays ; il y avait des ministres qui étaient partis, ce qui était dommageable pour le pays.
Je voudrais maintenant - mais, je ne suis pas libanais, et je n'ai pas à imposer quoi que ce soit - qu'il y ait une entente sur des programmes politiques, sur des projets politiques et non pas sur des étiquettes. Cela constituerait un grand progrès. Je suis plutôt optimiste.
Je sais qu'il y a, à côté, des dangers dans cette région, des risques de dérapage, des déflagrations même. Je sais ce qui se passe en Iran, je sais aussi qu'entre la Syrie et l'Arabie Saoudite, il y a un dialogue qui n'était pas prévu il y a deux ans.
Je suis conscient que le dialogue palestino-israélien est bloqué, certes pas complètement, il y a des perspectives. Cependant actuellement il n'y a pas de progrès ce qui est dommageable.
Je terminerai en disant que si l'on ne fait pas un Etat palestinien, s'il n'y a pas le début de ce qui pourrait être l'Etat palestinien, certes avec toutes les questions liées au statut de Jérusalem, aux réfugiés, alors je crois qu'il y aura vraiment plus de difficultés.
Même les plus petit détails, qui n'ont rien à voir apparemment, seraient quand même plus faciles à surmonter s'il y avait un Etat palestinien qui témoignerait, devant la communauté internationale, de cette nécessité que la France met en avant depuis des années et particulièrement ces deux dernières années.
Q - (A propos du processus de paix)
R - On ne va pas avoir le temps d'envisager toutes les solutions, le redémarrage éventuel des pourparlers. Il faut retourner à la politique. Il faut que le dialogue se fasse. Il faut aussi que les Palestiniens soient unis. Nous avons des propositions égyptiennes que la France soutient. On nous promet, avant la fin du mois de juillet, un début d'entente du moins entre le Hamas et l'OLP. Tout cela devrait être examiné. Il faut, avant tout, que la communauté internationale reconnaisse la nécessité, ce qui est déjà fait, d'un Etat palestinien et de donner les moyens de son développement actuel et des garanties pour qu'il existe.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 juillet 2009