Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le rôle des militaires français en Afghanistan, à Annecy le 7 juillet 2009.

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Circonstance : Dissolution de la Task Force Tiger, à Annecy (Haute-Savoie) le 7 juillet 2009

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Général (M. Monteil),
Monsieur le Maire d'Annecy (M. Rigaud),
Monsieur le Maire de Cran-Gevrier (M. Boutry),
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Mon Général,
Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers, et militaires du rang,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour la dissolution de la Task Force Tiger.
Nous accueillons, autour des hommes du 27e BCA, leurs frères d'armes, cavaliers du 4e Régiment de Chasseurs, parachutistes du 13e RDP, sapeurs du 2e REG, artilleurs du 93e RAM, traqueurs d'ondes du 54e RT et transmetteurs du 28e RT.
Je vous avais rencontrés à Annecy en octobre dernier, un mois avant votre départ. Aujourd'hui, je viens vous accueillir avec vos proches, au nom de cette famille qu'est la Défense et au nom de la France.
Je veux vous dire la gratitude des Français pour votre dévouement à la patrie.
Je veux vous dire aussi leur fierté, notre fierté, pour la façon dont vous avez accompli votre mission.
Je veux vous dire enfin que nous pensons à ceux qui ont donné leur vie pour ce combat. Et nos pensées vont à la famille du Caporal chef Nicolas BELDA, votre camarade mort pour la France. Nous ne l'oublierons pas, comme nous n'oublierons pas vos camarades qui ont péri les armes à la main dans la vallée d'Ouzbeene il y a presque un an.
En Afghanistan, aujourd'hui, c'est la sécurité de la France qui est en jeu, mais c'est aussi la première de nos valeurs, la liberté.
C'est pour cette liberté que nous combattons, que vous vous êtes engagés, et tout particulièrement au 27e BCA, dont la devise est : « vivre libre ou mourir ».
Pour ce combat, vous avez mené une soixantaine d'opérations. Dans plus de la moitié d'entre elles, vous avez rencontré le feu ennemi. Vous avez repris des positions cruciales, vous avez déstabilisé l'ennemi, vous avez témoigné de votre valeur militaire, de votre bravoure et de votre professionnalisme. Vous avez également témoigné de la force de la fraternité, celle qui vous unit, celle aussi qui vous a permis de coordonner les moyens interarmées et interalliés, notamment avec nos alliés américains.
Et nous n'oublierons pas que, durant ces 7 mois,
derrière chaque succès que vous avez remporté,
derrière chaque épreuve que vous avez affrontée,
il y a les heures de marche à s'enfoncer dans la neige, à découvert parmi les rochers ou sous le soleil brûlant avec le poids de l'armement ;
durant ces 7 mois, il y a le courage d'avancer sans savoir si la crête voisine ne cache pas un tireur ;
durant ces 7 mois, il y a l'honneur d'affronter le feu ennemi pour aller rechercher un soldat de l'armée afghane porté disparu ;
durant ces 7 mois, il y a la certitude de défendre la plus essentielle des causes, notre sécurité.
Car le combat en Afghanistan est nécessaire pour rétablir la stabilité d'un pays dont, nous le savons tous ici, les voisins sont le Pakistan et l'Iran. Rétablir la stabilité de cette zone fragile, au coeur d'un nouvel arc de crise, c'est lutter contre le terrorisme qui menace nos démocraties, c'est garantir notre propre sécurité. Tel est le sens de notre présence en Afghanistan et de la mission que vous avez accomplie.
Je sais qu'après la joie de retrouver vos proches, la fierté de ces honneurs, et l'émotion de voir la fin d'une aventure qui fut aussi une aventure humaine, vous aurez toujours en tête les souvenirs, parfois heureux, parfois douloureux, de ce que vous avez vécu pendant ces mois d'opération.
Il y a ce jour du 11 janvier, où la section Jonquille 30 est venue renforcer une section de l'armée nationale afghane prise sous le feu d'une dizaine d'insurgés qui leur avaient causé des pertes, à l'est du village de TATARKHEL.
Il y a les 6 heures de ce 6 février pendant lesquelles, dans la vallée d'ALASAY, le sous-groupement tactique interarmes n°4 a affronté 50 insurgés retranchés sur la montagne de SULTANKHEL. Au cours de ces combats, un soldat de l'armée afghane a été tué et c'est pour appuyer le repli de deux sections de l'armée afghane que la section Vert 20 a tenu tête sous le feu nourri des insurgés.
Ce 7 mars, dans cette même vallée, lors de l'opération BREAKFAST IN ALASAY, alors que le sous-groupement tactique interarmes n°2 affrontait plus de 70 insurgés répartis entre les villages de SHEKUT et ALASAY, les sections Jonquille 20 et 30 se sont engagées dans le village de DARWALI sous le feu ennemi pour rechercher un soldat de l'armée nationale afghane porté disparu. Pendant ce temps, dans le village de KAKAR, la section Vert 10 s'était désengagée sous le feu des insurgés.
Il y a cette opération DINNER OUT, qui a permis la reconquête de la vallée d'ALASAY après dix jours de combats.
Je pense particulièrement à ce 12 mars où les sections Vert 20 et 30 ont résisté tout le jour aux assauts des insurgés qui tentaient de s'emparer des points surplombant les hauteurs sud du district center d'ALASAY. Elles ont réussi à repousser ces attaques, notamment grâce au guidage aérien de l'équipe du Joint tactical air controller (JTAC) du 93e régiment d'artillerie de montagne.
Je pense à cette journée du 14 mars où la section Jonquille 30 a attaqué un groupe d'insurgés retranché dans une maison au nord du district center d'ALASAY.
Et je pense à ce que fut, au petit matin, l'entrée de la section des commandos de montagne du 27e BCA dans le village d'ALASAY. C'était la première fois que des hommes de l'ISAF pénétraient dans ce village tombé aux mains des insurgés depuis plus d'un an.
J'ai évoqué quelques uns de vos faits d'armes les plus marquants, mais nous ne sommes pas en Afghanistan pour faire la guerre aux Afghans. Nous y sommes pour redonner des institutions, pour restaurer un Etat, pour remettre en place les conditions du développement, pour permettre la paix à ce peuple en guerre depuis 25 ans.
Je veux donc évoquer aussi vos actions auprès des populations, ces nombreuses opérations humanitaires que vous avez menées dans les villages. Parce qu'on ne peut mener des combats pour faire triompher des valeurs si on ne pose pas en même temps les fondements d'une paix qui respecte ces valeurs.
En 7 mois, vous qui aviez quitté vos familles, vos enfants, vos amis, pour servir votre pays et la cause de la liberté, vous avez aidé près de 6000 familles, donné plus de 3000 consultations médicales, mené 13 projets de reconstruction et planifié 6 autres.
Avec chacun de ces projets, vous avez contribué à restaurer la confiance de la population, d'une population qui vivait une passivité complice avec les Talibans, et qu'il fallait gagner à notre cause. C'est ce que vous avez fait, par des actions concrètes.
Si les habitants d'ABDULKHEL, dans la vallée de TAGAB, se rendent aujourd'hui sans difficulté d'un point à l'autre du village, c'est grâce à la passerelle piétonne que vous avez construite.
Si les musulmans du village de LANDAKHEL peuvent respecter leurs rituels ancestraux et prier décemment, c'est parce que vous avez réparé leur mosquée.
Si les enfants du village de SHEHKUT dans la vallée d'ALASAY apprennent à lire, c'est parce que vous avez restauré leur école.
Si les malades de la vallée d'AFGHANYA peuvent être soignés, c'est grâce à la réfection de la clinique que vous avez menée dans le village de GARAY.
Si les paysans de DARWALI font pousser leurs champs, c'est parce que vous avez refait le canal d'irrigation qui traverse cette partie de la vallée d'ALASAY.
Toutes ces actions ce sont des actions concrètes, constructives, mais aussi des actions symboliques. Elles témoignent de ce que nous voulons apporter en Afghanistan, et dans le monde : le progrès, l'espoir, la paix.
Il reste beaucoup à faire, mais il y a des progrès dont on ne parle pas assez.
Avec les forces de la coalition, nous avons fait reculer de 26% la mortalité enfantine, 80% de la population a désormais accès aux soins, c'est dix fois plus qu'en 2001.
Depuis que nous intervenons en Afghanistan, le nombre d'enfants scolarisés est passé de 900 000 à 6 millions, et parmi eux, 1,5 millions de filles, alors qu'il n'y en avait aucune en 2001.
Ce que nous voulons, c'est remporter le combat contre la barbarie, en rendant à l'Afghanistan sa place dans le concert des nations, sa place dans la civilisation.
Car c'est là aussi l'objet de notre combat :
ce qu'est un homme, la dignité humaine.
Et pour ce combat,
Alors que vous rentrez aujourd'hui dans vos familles avec les honneurs, que votre task force va être dissoute, que certains parmi vous vont être décorés,
Pour ce combat, dans lequel vous allez être relayés par le 3e RIMa de Vannes,
Pour ce combat-là, nous savons qu'il n'est pas de prix trop élevé, et que la France ne cessera jamais de le mener, aujourd'hui en Afghanistan, demain ailleurs dans le monde, partout où seront menacées notre sécurité, nos valeurs, et la liberté.

source http://www.defense.gouv.fr, le 22 juillet 2009