Interview de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, à "Europe 1" le 3 août 2009, sur les restructurations et fermetures de sites industriels et le souci d'aider à la revitalisation économique de certains territoires.

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Média : Europe 1

Texte intégral

A. Caron.- Les ministres sont en vacances mais pour certains d'entre eux, impossible de refermer complètement les dossiers car l'actualité sociale elle n'est pas en vacances. Après New Fabris, d'autres restructurations et fermetures de sites sont en cours : Molex, par exemple, Sanofi... L'été social est chaud et la rentrée pourrait l'être davantage encore. Le ministre de l'Industrie est avec nous ce matin. Bonjour.

Bonjour.

D'abord, un mot sur les suites de New Fabris. Vous avez annoncé que vous aiderez à la création de 400 emplois à Châtellerault d'ici six à huit mois. Dans quels secteurs seront créés ces emplois ? Est-ce qu'ils seront réservés en priorité aux salariés de New Fabris ?

Oui, absolument. D'ailleurs, quand on a parlé exclusivement de primes, on s'est écarté de la réalité du dialogue social que j'avais réussi à renouer, et qui nous a permis de signer un protocole qui porte sur plusieurs points. Ce que certains considèrent comme une prime de 12.000 euros et que moi je considère comme une aide personnalisée à la recherche d'emploi, parce que ça doit être la finalité, renvoyer un salarié qui a perdu sa dignité par l'emploi vers un nouvel emploi, où en même temps, grâce à 95 % de son salaire pris en charge et un accompagnement à une formation, on peut requalifier son emploi et ainsi par des efforts à la revitalisation du bassin d'emploi de Châtellerault, nous mettrons près de 1,5 million d'euros, [allons, ndlr] attirer de nouvelles activités qui permettront à ces salariés d'avoir accès prioritairement à ces emplois.

Quel genre d'activités ?

Cela peut toucher aussi bien à la sous-traitance automobile qu'aux énergies renouvelables par exemple. Permettez-moi de vous dire qu'un métier d'électricien dans l'entreprise de New Fabris peut parfaitement, demain, dans les énergies renouvelables de type éolienne et autre, trouver parfaitement à retrouver une fonction. On sait aussi que dans le domaine de la pharmacologie, il y a aujourd'hui des restructurations qui doivent amener les grands industriels de la pharmaceutique à se tourner vers les biotechnologies, et je veux pousser tout cela à revitaliser un certain nombre de territoires, alors qu'ils vont avoir besoin de réorganiser leurs propres activités.

Cela passe par des reconversions, des formations ?

Et en même temps, reconvertir, requalifier, transformer... je préfère d'ailleurs le terme de "transformer" à "restructurer", qui est un mot épouvantable. Nous sommes tous amenés, je crois, dans cette société qui est en train de modifier ses comportements, à avoir plusieurs activités ou plusieurs métiers tout au long d'une vie, et après tout, ce qui compte, c'est d'abord de conserver la dignité par le travail et l'emploi, et sa requalification.

Vous allez rencontrer le 25 août les dirigeants américains de Molex pour les convaincre de ne pas délocaliser en Slovaquie. Quels sont les arguments que vous allez pouvoir utiliser pour essayer de les convaincre ?

D'abord, il serait inacceptable que Molex, qui est une grande entreprise et qui dans le domaine des équipements automobiles a démontré un savoir-faire grâce à ses salariés, à Villeneuve-sur-Torne en Haute-Garonne à côté de Toulouse, voie une part de ses acticités voire le site fermé. Donc, nous savons que nous avons des repreneurs potentiels, de qualité, aujourd'hui, et Molex doit comprendre qu'ils ne peuvent pas brader cette activité qui, grande à des repreneurs, pourrait non seulement, avec l'accompagnement de l'Etat continuer à avoir une part d'activités au service de l'automobile, mais nous sommes à proximité de Toulouse, avec l'industrie aéronautique, et là aussi avec des transformations d'emplois, des requalifications, des reformations utilisées à plein...

Donc, vous êtes optimiste pour Molex ? Vous pensez que vous aurez les arguments, vous êtes plutôt optimiste ?

J'ai les arguments, j'ai engagé avec les salariés de Molex, qui sont particulièrement responsables, le débat la semaine dernière. On n'est pas du tout dans la même situation que New Fabris. New Fabris c'était un dossier dont j'ai hérité alors qu'il y avait cessation d'activités devant le tribunal de commerce. Molex est là et bien vivant, il m'appartient de me battre auprès des dirigeants américains pour leur faire comprendre qu'ils doivent vendre l'entreprise avec ses brevets, avec le fonds de commerce, avec le savoir-faire pour qu'un repreneur potentiel puisse conserver le savoir-faire des ouvriers.

Autre groupe bien vivant : Sanofi, des résultats très positifs pour le premier semestre. Et pourtant, des fermetures de sites : quatre en France, sauf que vous nous avez annoncé que le site de Porcheville ne devrait pas fermer. Vous nous le confirmez ?

Je vous le confirme. J'ai pris contact avec C. Lajoux, le pdg de Sanofi-Avantis France qui, de manière très responsable, m'a garanti qu'il n'était pas question de fermer le site de Porcheville. S'il y a un repreneur avec les salariés, alors bien sûr Sanofi le cèdera ; s'il n'y a pas de repreneur et tant qu'il n'y a pas de repreneur, Sanofi maintiendra son activité à Porcheville.

Et les autres sites, vous avez des informations ?

Nous allons au cas par cas y travailler. Nous sommes moins dans l'urgence qu'elle ne se faisait sentir sur Porcheville. Je veux ce dialogue permanent tant avec les salariés d'un côté que les responsables de l'entreprise. Sanofi c'est beaucoup de recherche, ce sont beaucoup de perspectives. Nous savons que 80 % des médicaments de demain passeront par les biotechnologies. C'est aussi mon travail de ne pas être simplement un pompier, mais aussi un architecte, et imposer - pas imposer, excusez-moi, c'est un terme que je réfute - mais accompagner les grands industriels français dans tous les domaines à positionner leurs efforts avec l'accompagnement de l'Etat sur la recherche et le développement, et l'investissement sur les grands enjeux stratégiques d'avenir, pour qu'ils gardent leurs métiers de recherche et développement et d'innovation en France, c'est aussi ma responsabilité et de pompier mais surtout d'un architecte.

Il nous reste une minute. On continue à parler de Sanofi. Sanofi a hérité de 30 % des commandes de vaccins français contre la grippe A. 28 millions de doses qui vont lui rapporter 300 millions d'euros à peu près. Est-ce que le gouvernement français, n'a pas là, un moyen de pression, puisqu'il est client de Sanofi qui participe à ses bons résultats ?

La pression est un mot qui ne... en tout cas une action qu'il ne faut utiliser ou une attitude qu'il ne faut utiliser qu'en dernier recours. Moi je préfère parler de dialogue. Voyez, j'ai beaucoup parlé avec le pdg de Sanofi-Avantis. Je parle d'un autre côté...

Mais vous lui direz cela ? Vous lui direz que quand même c'est un groupe qui se porte bien...

Oui, je dirai aussi que...

...l'Etat français lui passe commande ?

... que la France depuis des années (...) beaucoup de crédit impôt-recherche pour que nous soyons les plus performants dans le domaine de l'industrie pharmaceutique, avec Sanofi-Avantis...

Et ça peut être un argument, selon vous, ou pas du tout ?

N. Sarkozy lui-même, je le rappelle, lorsqu'il était ministre de l'Economie, avait beaucoup fait pour que Sanofi reste un grand groupe pharmaceutique français. Aujourd'hui, est-ce que qu'on doit perdre ses savoir-faire et voir les postes de recherche-développement partir à l"étranger ? Ce serait catastrophique, je ne le souhaite pas.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 août 2009