Entretien de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Le Figaro" du 3 août 2009, sur l'action de l'Union européenne en faveur d'un réglement du conflit entre la la Géorgie et la Russie.

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Q - En Géorgie, quel bilan pour l'Europe, un an après l'attaque russe ?
R - C'est la première fois qu'une médiation européenne permet l'arrêt de combats et met sur les rails un processus diplomatique de règlement. Au coeur de la crise, la France, qui présidait l'Europe, était au rendez-vous grâce à Nicolas Sarkozy. Les combats ont cessé. Des observateurs européens sont en Géorgie. L'Europe est aussi engagée en apportant un soutien économique majeur. C'est un conflit aux portes de l'Europe et l'Union européenne a été à la hauteur. Le contrat a été plus que rempli.
Q - Mais il reste beaucoup à faire...
R - Rappelez-vous, dans les Balkans en 1991, la situation était tout autre. Quatre ans se sont écoulés pendant lesquels les Européens se sont divisés. Certains ont fait de l'humanitaire. D'autres se contentaient de regarder la guerre à la télévision, en espérant que les Américains interviennent. Il a fallu attendre 1995 pour que Jacques Chirac et John Major mettent un terme au grand massacre de Bosnie, et surtout l'intervention américaine pour aboutir aux accords de Dayton. En 2008, en Géorgie, c'est l'Europe qui a agi.
Q - Quelles sont ses priorités ?
R - La mission européenne d'observation en Géorgie vient d'être renouvelée pour un an. Il reste à achever la négociation d'un accord de libre-échange avec la Géorgie et à développer sa participation dans le partenariat oriental de l'Union européenne. Il faut surtout trouver un modus vivendi avec la Russie en général. A tort, depuis 1991, la Russie a été traitée comme un Etat vaincu alors qu'elle s'est aussi libérée du communisme, comme les autres. On aurait pu lui donner cette fierté-là.
Q - L'Europe et la Russie ont-elles les mêmes intérêts ?
R - Aujourd'hui, il y a en Russie des responsables qui ont conscience que leur pays a des intérêts politiques et stratégiques très proches de ceux de l'Europe. Mais, il y a aussi des nostalgiques de la guerre froide, des gens qui n'acceptent pas ce qui s'est passé depuis vingt ans. C'est à nous d'accompagner la Russie dans son évolution, d'où l'idée du président de la République d'établir une grande relation stratégique entre l'Union européenne et la Russie. C'est une vision qu'il nous faut bâtir.
Q - Les observateurs européens ne peuvent faire leur travail ni en Ossétie du Sud ni en Abkhazie. Quant au retrait des troupes russes - l'autre promesse du président Medvedev à Nicolas Sarkozy -, il reste dans les limbes...
R - Il faut être patient. Je ne suis pas sûr que le statu quo soit conforme aux intérêts à long terme de la Russie. Certains à Moscou le savent. Les Russes n'ont-ils vraiment pas mieux à faire qu'investir leur temps, leur argent et leur énergie pour maintenir en survie l'Ossétie et l'Abkhazie soi-disant "indépendantes" ? Cela nuit à leur image de partenaire responsable. Cela laisse planer un parfum de guerre froide.
Q - L'Europe est plutôt tiède à l'idée d'inviter des Américains dans sa mission d'observation. Les Vingt-Sept veulent-ils garder cette opération pour eux-mêmes ?
R - Il faut faire attention à ne pas donner le sentiment de mélanger les choses. Cela fait le lit d'une certaine propagande russe et c'est contre-productif. La stabilisation de l'Ukraine et de la Géorgie, aujourd'hui, ne dépend pas de l'Otan. Quant à la mission, elle est européenne. Les Américains eux-mêmes ne sont pas demandeurs. La participation d'observateurs américains à la mission européenne n'est donc pas d'actualité.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 août 2009