Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, sur la bonne utilisation des médicaments par les pharmaciens référents pour les soins des personnes âgées et le rôle du médecin coordonnateur pour les soins médicaux, Paris le 26 août 2009

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Circonstance : Remise du rapport de M. Jean-Pierre Lancry sur la mission préparatoire à l'expérimentation de la réintégration du budget médicaments dans le forfait soins à Paris le 26 août 2009

Texte intégral


Je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation pour évoquer avec vous les suites du rapport remis par Pierre-Jean Lancry sur l'expérimentation médicaments en EHPAD Ce dossier a été conduit en parfaite coordination avec le cabinet de madame Bachelot dont je tiens à saluer la représentante, madame Murielle Dahan.
Ce sujet, d'apparence technique revêt une importance stratégique pour la prise en charge de nos Aînés dans les établissements pour personnes âgées dépendantes. Un chiffre suffit à souligner l'importance qu'il y a d'agir : le mauvais usage des médicaments représente 10 % des hospitalisations des personnes de plus de 65 ans et 20% de celle de plus de 80 ans.
Cette situation représente un très grave problème de santé publique pour nos ainés hébergés en EHPAD, soit prés de 600 000 personnes. C'est aussi un important surcoût pour l'assurance maladie.
Les causes de cette situation sont naturellement multiples mais l'absence d'expertise pharmaceutique dans une majorité d'EHPAD en est une raison majeure.
C'est cette situation qui a conduit le parlement, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à poser le principe de la généralisation en 2011 de la gestion des médicaments au sein des EHPAD. L'objectif est clair : il s'agit de mobiliser et de responsabiliser l'ensemble des acteurs des EHPAD :directeurs, médecins prescripteurs, médecins coordonnateurs, pharmaciens.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a apporté deux innovations importantes :
- d'une part elle pose le principe de la mise en place d'un pharmacien référent dans chacun des EHPAD. il s'agit de changer en profondeur le rôle du pharmacien d'officine qui, au delà de son rôle traditionnel de fourniture des médicaments se voit attribuer un rôle central d'expertise pharmaceutique.
- et d'autre part elle prévoit la constitution d'une « liste en sus » pour les produits rares et coûteux qui n'ont pas vocation à rentrer dans le budget de l'EHPAD. En tant que ministre je n'oublie pas que je suis aussi médecin et il n'est pas question de priver les personnes âgées du progrès thérapeutique, ni bien sûr de mettre en difficulté le budget des établissements.
En raison de la complexité du sujet, et de l'importance des enjeux le gouvernement et le parlement ont souhaité procéder d'abord à une expérimentation, dont les conclusions seront remis au parlement au 1er Octobre 2010.
C'est dans ce cadre que le gouvernement a confié à Pierre-Jean Lancry une mission préparatoire à cette expérimentation dont je voudrais maintenant vous présenter les grandes lignes.
Il s'agit en premier lieu de constituer, sur la base du volontariat, un échantillon représentatif de l'ensemble des EHPAD : c'est pourquoi 360 établissements environ, de tout statut (publics / privés non-lucratifs et commerciaux) seront sélectionnés. Pour que cet échantillon soit représentatif du secteur des EHPAD, ils se répartiront entre des établissements inférieur et supérieur à 60 places, et entre milieu urbain et milieu rural, où la problématique des relation avec les pharmacies d'officines est différente.
Enfin un « groupe témoin » de 50 EHPAD, qui n'appliquera pas les nouvelles dispositions, sera suivi en parallèle pour mieux apprécier les changements intervenus dans les 360 EHPAD expérimentateurs.
Les services déconcentrés de l'Etat (DDASS) feront remonter une liste de candidats pour le 15 septembre. C'est sur la base de cette liste initiale que sera élaborée, en lien avec les fédérations, la liste définitive des établissements expérimentateurs.
Les EHPAD participants à l'expérimentation se verront attribuer une ressource équivalente aux dépenses constatées sur l'enveloppe de ville au 1er semestre 2009 pour l'ensemble de leurs résidents. Il n'y a donc pas de risque qu'un établissement voit ses moyens réduits, je veux rassurer les gestionnaires d'EHPAD à cet égard.
Cette dépense - qui s'élève en moyenne à 4,12euros par jour et par résident selon l'étude réalisée par la CNAM - intègre à la fois les remboursements réalisés par l'assurance maladie (3,52euros par jour et par résident) mais aussi la part qui reste à la charge des organismes complémentaires ou des usagers (0,6euros par jour)
Je veux insister sur ce point : cela signifie qu'à terme tous les résidents seront exonérés du reste à charge sur les médicaments. Il s'agit de la plus élémentaire solidarité envers nos ainés les plus fragiles.
Au cours de l'année 2010 nous mènerons une discussion avec les mutuelles et les organismes complémentaires - qui feront là une économie significative - de l'ordre de 100 Millions d'euros : Cette économie devra d'une façon ou d'une autre être restituer à l'assurance maladie et bénéficier aux seuls usagers.
Enfin, j'ai également pris la décision, dans le cadre de cette expérimentation de rémunérer de façon explicite l'activité du pharmacien référent. Celui-ci se verra confié des missions essentielles :liste des médicaments à utiliser de façon préférentielle, vérification des bonnes prescriptions, formation et information des professionnels, suivi des consommations.
C'est pourquoi, en contre partie de la réalisation effective de ces nouvelles tâches le pharmacien se verra rémunéré sur une base forfaitaire de 0,35euros par jour et par résident par l'EHPAD.
L'expérimentation permettra de faire la preuve que cette nouvelle prestation du pharmacien référent apporte plus de qualité : veiller au bon usage des médicaments, réduire les maladies d'origines médicamenteuses et maîtriser les volumes prescrits. Elle permettra aussi de vérifier si ce montant forfaitaire est ou non adapté. Naturellement, l'intérêt essentiel de cette expérimentation est d'évaluer les changements introduits par le nouveau dispositif.
Pour évaluer l'expérimentation et mesurer l'effet de la coordination entre les acteurs de santé, il faut retenir des indicateurs simples, issus des travaux préalables du Collège Professionnel des Gériatres Français et de la Haute Autorité de Santé. Ces indicateurs font actuellement l'objet d'une concertation large incluant les prescripteurs (médecins généralistes, gériatres, cardiologues et psychiatres notamment), ce qui facilitera leur appropriation par les professionnels de santé. Leur publication par la HAS et les organisations professionnelles est programmée pour la fin 2009.
Pour chaque prescription seront relevés les 12 items dont la liste est précisément énumérée par le rapport de Pierre-Jean Lancry : Par exemple il sera vérifié si la prescription ne comprend pas 2 médicaments dont l'association est contre-indiquée.
Pour chaque résidant seront analysées les prescriptions pharmaceutiques à trois périodes :
- au démarrage de l'expérimentation
- au bout de 6mois
- au bout de 12 mois.
Un indicateur quantitatif simple sera également suivi : celui du nombre moyen d'unités (boites, flacons, comprimés...) prescrites au sein de l'EHPAD pour chaque résident
L'ensemble de ce dispositif à d'ores et déjà fait l'objet d'une circulaire en date du 6 août 2009 et j'ai demandé aux services de tout mettre en oeuvre pour que l'expérimentation puisse débuter le 1er octobre 2009 afin de bénéficier d'une année complète pour évaluer le dispositif
Un comité de suivi sera mis en place au niveau national. Il comprendra tous les acteurs du secteur : fédérations d'établissements, syndicats représentatifs des pharmaciens d'officines, représentants des médecins coordonnateurs, conseil de l'ordre des pharmaciens. Ce comité s'appuiera sur un coordonnateur extérieur qui assurera le suivi de l'expérimentation et préparera le rapport qui sera remis au Parlement le 1er octobre 2010.
Le gouvernement s'engage dans un dispositif d'envergure pour assurer la réussite de cette réforme.
Les débats au parlement à l'automne 2008, lors de l'examen de cet article de loi porté par Valérie Létard, avaient montré que, si l'enjeu de santé publique faisait largement consensus, la réforme envisagée suscitait des inquiétudes.
C'est pourquoi le gouvernement a choisi une méthode participative, fondée sur l'expérimentation, qui associe l'ensemble des acteurs à toutes les étapes du dispositif.
C'est une méthode exigeante mais j'ai la certitude qu'elle est un gage de réussite à terme.
Je ne veux pas finir cette intervention sans saluer très chaleureusement le travail de Pierre-Jean Lancry.
En effet, dans ce dossier tout à été mis en oeuvre pour rapprocher les points de vue et assurer la concertation de l'ensemble des partenaires.
Je tiens aussi à saluer l'engagement des présidents des groupes de travail sur le rôle du médecin coordonateur en EHPAD (madame le docteur Maubourguet, monsieur le docteur Lion et monsieur le professeur Jeandel) qui ont également largement participé. Je veux saluer également l'implication du docteur Vetel et je sais que cette implication se poursuivra dans l'avenir.
Je vous propose maintenant de répondre à vos questions Naturellement pierre jean Lancry et les membres des cabinets qui on suivi la démarche depuis le début interviendront autant que nécessaire pour répondre également à vos questions.
* Conclusion après questions - réponses avec les journalistes
Je suis consciente des enjeux - y compris économiques - de cette réforme aussi bien pour les EHPAD, pour les résidents que pour les gestionnaires d'établissements ; cette réforme concerne ainsi près d'un million de nos concitoyens, résident en EHPAD, personnels et gestionnaire, pharmaciens d'officines.
Ma conviction au-delà des inévitables difficultés qu'un changement aussi important suppose c'est qu'il s'agit d'une démarche « gagnante - gagnante » pour chacun des acteurs :
- Gagnante pour la santé des usagers à travers la réduction des accidents induits par le mauvais usage des médicaments
- Gagnante pour la collectivité à travers une meilleure maîtrise des dépenses.
- Gagnante aussi pour les usagers à travers la suppression du reste à charge sur les médicaments.
- Gagnante aussi pour les pharmaciens d'officines enfin qui trouveront là l'occasion d'exercer un véritable rôle d'expert en matière de médicaments que personnes ne pourra leur contester. A plus long terme le dispositif mis en place dans les EHPAD pourrait être précurseur d'une approche plus vaste pour lutter contre le mauvais usage des médicaments chez les personnes âgées aussi bien en établissement qu'a domicile, où vit, ne l'oublions pas, la grande majorité de nos ainés
Je vous remercie
source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 27 août 2009