Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "Europe 1" le 17 août 2009, sur un premier bilan de la saison touristique et sur l'application de la nouvelle loi sur le travail dominical.

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Média : Europe 1

Texte intégral

A. Caron.- Cet été, on a pu le voir sur de très nombreux lieux de villégiatures en France, ce n'était pas pour ses vacances à lui mais pour vérifier que celles de autres se passaient bien. H. Novelli, bonjour.

Bonjour.

Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation. Oui, tout ça pour un seul homme... Ils auraient pu trouver plus court pour l'intitulé, quand même, non ?

Oui, en tout cas, l'essentiel c'est de s'en occuper.

Dans un instant, on dressera un premier bilan de cet été touristique, puisqu'on s'approche déjà de la fin et que l'on peut déjà tirer quelques conclusions. On reviendra évidemment sur la polémique autour de la baisse de la TVA dans la restauration, on parlera de la rentrée des classes et aussi du travail le dimanche, avec ce cafouillage hier, lors de ce premier week-end où le texte entrait en vigueur. [...] Hier, la nouvelle loi sur le travail le dimanche est entrée en vigueur, au moins partiellement, sauf que cela a ressemblé un peu à un gros cafouillage, entre des salariés qui ne savent plus exactement quels sont leurs droits, des commerçants qui ont hésité à ouvrir pour certains et des clients qui n'ont pas compris pourquoi certains magasins étaient ouverts et pas d'autres. Est-ce que le lancement de ce dispositif n'a pas été un petit peu raté ?

Non, pas du tout. En fait, c'est une loi qui rentre en application et il faut laisser un peu de temps pour que chacun en prenne tous les éléments. Je rappelle que cette loi, elle précise notamment pour les communes d'intérêt touristique, que le travail le dimanche est possible, est permis, l'ouverture des magasins le dimanche est permise, notamment dans ces 500 communes touristiques. Et c'est cela l'essentiel pour le ministre du Tourisme, que les touristes, lorsqu'ils viennent chez nous, lorsque ce sont des touristes français, puissent trouver des magasins ouverts, y compris le dimanche.

Enfin, c'est bien aussi que les salariés soient au courant exactement de ce qui se passe...


Un exemple concret, hier, sur les Champs Elysées, à Paris : chez Marlboro Classic on a ouvert, mais la DRH était en vacances et la direction ne savait pas si les salariés seraient payés avec ou sans majoration. C'est quand même curieux...

C'est vrai, vous avez raison, il faut encore quelques jours. Mais je ne crois pas que ça soit catastrophique, il fallait que cette loi soit votée, elle l'a été et elle doit maintenant entrer en application. Attendons quelques dimanches.

Vous vous rendez tout à l'heure avec L. Chatel, le ministre de l'Education, à l'Intermarché de Villeneuve-le-Roi, dans le cadre de l'opération "les essentiels de la rentrée". L'idée c'est de vérifier que les grandes surfaces proposent une liste de fournitures scolaires à un prix abordable, c'est ça ?

Oui, c'est ça. Depuis trois ans, c'est une opération qui a été initiée par le ministre de l'Education nationale, le ministère de l'Education nationale, en liaison avec le ministère de la Consommation. Les distributeurs s'engagent sur une quarantaine de fournitures scolaires, jugées essentielles, pour modérer l'évolution des prix. En l'occurrence, nous vérifierons tout à l'heure avec mon collègue L. Chatel si ces engagements sont tenus. Il y a notamment un engagement sur des prix identiques à ceux de l'année dernière, il faut qu'il soit tenu.

Selon vous, un écolier ou un collégien doit pouvoir remplir son cartable en ne dépassant pas quel montant ?

Difficile à dire, ça dépend de ce qu'il y a à l'intérieur du cartable. Mais ce qui est essentiel, c'est que les distributeurs proposent des prix qui ne soient pas en augmentation, vous le savez, c'est toujours une rentrée stratégique, y compris pour les parents d'élèves, en terme de pouvoir d'achat. Les choses devraient bien se passer, mais attendons quelques heures.

Le mois de juillet a été moyen, voire médiocre en France pour le tourisme. Est-ce que le mois d'août s'annonce meilleur ?

Oui, sans contestation, le mois d'août se déroule sous de bons hospices. D'abord, il a fait très beau, très chaud, et c'est toujours bon pour les touristes. Et puis, ce que nous avions prévu se réalise, c'est-à-dire que les Français, d'abord, sont partis plus nombreux au mois d'août qu'au mois de juillet, en grand nombre, et ils devraient compenser, pour une partie, la baisse de la fréquentation étrangère qui, elle, est incontestable.

Toujours un tiers de touristes étrangers en moins, c'est ça ?

Autour d'un tiers. Il y a vraiment un ralentissement économique dans le monde, on le sait, et ce ralentissement économique frappe tous les pays, quels qu'ils soient, en terme de fréquentation touristique. Mais notre pays a une grande chance, c'est qu'il y a beaucoup de touristes français, ils ont choisi cette année de rester en France, on ne va pas s'en plaindre. Au total, la saison devrait être relativement convenable.

Est-ce que la France va quand même conserver son rang de première destination touristique au monde ?

Oui, sans contestation. Nous faisons beaucoup d'efforts pour cela, nous avons une grande ambition pour notre pays en terme de fréquentation touristique, et cette année, la France devrait rester la première destination mondiale.

Mais les chiffres vont un petit peu baisser, on était à 81 millions de visiteurs étrangers par an, à peu près.

Oui, c'est cela, 80 millions, cela tourne autour de ce chiffre. Ça ne devrait pas être sensiblement différent, même si le recul de la fréquentation étrangère sera avéré. Mais comme tout le monde reculera dans les mêmes proportions, il y a peu de chances que nous soyons dépassés.

La Côte d'Azur reste la première région touristique en France ?

Sans contestation. Elle a été très fréquentée, bien sûr, cette année. Comme les autres années, elle reste une destination préférée pour beaucoup d'étrangers.

Est-ce qu'il y a de nouvelles tendances qui se dégagent, des régions à la mode, que vous avez pu constater lors de votre tour de France ?

Oui, bien sûr, il y a des tendances, notamment la tendance au raccourcissement des vacances, au fractionnement. Il n'est pas rare de voir des touristes revenir plusieurs fois pendant l'été. Il y a des modes d'hébergement qui aujourd'hui sont en plein boom, y compris en période de ralentissement, je pense par exemple à l'hôtellerie de plein air, qui fera une année record. Ce sont des tendances....

Les campings ?

Les campings, ce que l'on appelle l'hôtellerie de plein air et on a ainsi des tendances importantes, qui vont structurer à l'avenir la fréquentation touristique et qui font que notre pays a toutes les chances. Je rappelle que par exemple, la France possède le tiers des emplacements des hôtelleries de plein air, des campings en Europe, et ça c'est pour nous une très bonne chose.

Est-ce que les hôtels 4 ou 5 étoiles ont plus souffert que les autres ?

En période de difficultés économiques, ce sont ces hôtels de standing qui, évidemment, prennent de plein fouet, notamment le recul de la fréquentation étrangère. Mais, pour autant, je crois que ce ne sera pas une saison catastrophique. Tous ceux qui avaient dit que la saison serait très mauvaise, se seront trompés. On devrait avoir une saison en repli par rapport à l'année dernière, mais ce ne sera pas une catastrophe, la saison devrait être tout à fait convenable.

Plus que jamais, cette année, les Français ont choisi leur destination à la dernière minute, en espérant avoir le meilleur prix. Ça, c'est des données que vous allez intégrer dans le futur ?

Vous avez tout à fait raison, c'est aussi une des tendances structurelles. Dans les années qui viennent, on se déterminera de plus en plus tard pour partir en vacances, d'abord à cause du développement d'Internet, et cela rend d'autant plus difficiles les prévisions, puisque, par définition, en déclenchant ses vacances à la dernière minute, il est difficile de les prévoir. Mais pour autant c'est une tendance qui va devenir de plus en plus importante. Elle structure déjà à peu près 20 % des voyages des Français et cela doit être pris en compte.

Ces dernières semaines, on vous a beaucoup entendu vanter les mérites de l'opération « Vacances confiance ». Ça consiste à contrôler de nombreux établissements pour voir s'ils sont conformes à la législation. Alors, vous avez peut-être un peu trop insisté sur l'omniprésence des agents de l'Etat sur le terrain, parce que la CGT de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dénonce au contraire aujourd'hui une baisse des effectifs, qui ne permet pas d'assurer toutes les missions de protection du consommateur. Alors, qui dit vrai ?

C'est un peu paradoxal qu'au moment où j'attribue un satisfecit aux agents, et ils le méritent, de la Direction générale de la concurrence, ce soit...

Ils disent qu'en même temps vous baissez leurs effectifs...

Les effectifs de la DGCCRF, comme de la fonction publique en général, sont en voie de décroissance. Nous sommes engagés dans un effort de productivité et de rationalisation des missions de l'Etat. Il est naturel que cette Direction, comme les autres, fasse des efforts. Pour autant, je le répète, les missions sont effectuées dans des conditions très satisfaisantes, et je salue l'engagement de ces agents qui se sont livrés à 60.000 contrôles, et sur les 60.000, n'ont relevé que 1 % d'infractions. Vous le voyez, on est dans une bonne statistique.

En juillet, les prix ont baissé de 1,3 % dans les restaurants. La profession s'était engagée auprès du Gouvernement à appliquer sur au moins sept produits, une baisse des prix de 11,8 %, donc on est très loin du compte. Est-ce que vous êtes déçus par l'attitude générale des restaurateurs, est-ce que vous n'avez pas un petit peu le sentiment d'avoir été trahi ?

Non, pas du tout. Pas du tout. C'est un début. C'est un début qui est même satisfaisant.

Un petit début.

Oui, c'est un bon début...

Un début poussif.

Non, c'est un bon début. Je vais vous donner simplement une référence : depuis 1970, les prix dans la restauration n'avaient pas baissé. C'est l'Insee qui nous l'apprend, il y a deux jours, pour la première fois depuis près de quarante ans, les prix ont baissé dans la restauration.

Il y a la TVA qui baisse, aussi...

Exactement. Mais ça veut dire qu'il y a un lien et ça veut donc dire qu'une partie du Contrat d'avenir, celui qui a été signé entre les restaurateurs et les pouvoirs publics, commence à être tenu et c'est ça l'essentiel. Je rappelle que cette baisse de prix n'est qu'une partie du contrat d'avenir, qu'il y a des engagements sur l'emploi, sur l'apprentissage, sur l'investissement et que ce Contrat d'avenir va se dérouler sur deux ans. Alors, sur la baisse à répercussion sur sept produits, de la baisse du taux de TVA, c'est vrai que les objectifs ne sont pas entièrement atteints, parce qu'il y a aujourd'hui, à l'heure où on se parle, à peu près un restaurant sur deux qui joue le jeu, ce n'est pas suffisant, je l'ai dit. Il faut aller plus loin, mais on ne va pas non plus se cacher que pour les prix baissent pour la première fois, ce n'est pas forcément un motif d'insatisfaction, bien au contraire. Mais il faut aller plus loin.

Donc vous êtes content ?

Non, je trouve que c'est un début...

Ce n'est pas un motif d'insatisfaction, bien au contraire, donc c'est un motif de satisfaction ?

Oui, c'est un motif de satisfaction, mais je dis qu'il faut aller plus loin, puisque, un restaurant sur deux, par définition, ce n'est que 50 %.

Vous êtes contre l'idée d'un moratoire sur la baisse de la TVA, comme le suggère par exemple le député UMP E. Ciotti ?

Oui, je crois que ce n'est pas envisageable. Il y a là un engagement présidentiel, qui a été tenu, c'est très important, et il y a aussi, je le disais, ce Contrat d'avenir dont on doit pouvoir juger des résultats dans les mois et dans les deux ans qui viennent, en matière de prix, je le répète, d'emploi, de salaire. Pour la première fois, il y a des négociations qui vont aboutir à un résultat, là aussi, historique : le salaire minimum de branche sera supérieur au Smic dans la restauration en 2009. C'est un grand résultat, je m'en réjouis. Donc il n'est absolument pas question de se livrer à un quelconque moratoire. Il faut simplement faire en sorte et que les restaurateurs tiennent les engagements contenus dans le contrat d'avenir, c'est toute mon ambition, c'est tout mon rôle.

Pas de sanctions pour ceux qui ne jouent pas le jeu ?

Il y a des incitations qui peuvent être trouvées. Par exemple, j'installe le 14 septembre, le Fonds de modernisation de la restauration française, avec OSEO. Ce sont des prêts très intéressants, qui vont être délivrés aux restaurateurs qui veulent moderniser leur fonds de commerce. Il est évident que ceux qui jouent le jeu auront accès à de fonds dans des conditions facilitées.

Encore faut-il qu'ils aient besoin de rénover leur établissement... Merci beaucoup H. Novelli d'avoir été avec nous ce matin. Je vous souhaite une très bonne journée.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 août 2009