Texte intégral
M. Tronchot.- Vous êtes optimiste ce matin, s'agissant du sort de notre compatriote C. Reiss, certes sortie de prison, mais paradoxalement comme assignée à résidence dans l'ambassade de son propre pays. La suite ?
Elle est libérée sous caution, c'est déjà mieux que d'être dans la prison d'Evin. Je vous rappelle qu'elle n'a rien fait...
C'est mieux ?
...que d'aller deux fois regarder des manifestations, au su et au vu du monde entier, ces manifestations se déroulaient sous les caméras. Oui, elle est libérée sous caution, c'est la coutume, enfin c'est le droit iranien. Et tous ceux qui ont été inculpés, aussi bien ceux qui travaillaient à l'ambassade d'Angleterre, ou la franco-iranienne qui travaillait à l'ambassade de France ont été libérés sous caution.
Qu'est-ce qui a finalement décidé, selon vous, les responsables iraniens à faire ce geste ?
Il faut leur demander, ils l'ont fait pour tous les autres.
Vous les avez en contact ?
Oui, nous leur parlons souvent, nous avons évidemment parlé très souvent, le plus souvent possible avec les Iraniens et avec d'autres amis qui essayaient de faire pression sur les Iraniens pour que la libération se fasse, pas très vite quand même, près de deux mois en prison. D'abord, l'accusation a été réduite, il s'agit d'incitation - ce qui n'est pas vrai du tout - à la manifestation, c'est ce qui reste des chefs d'accusation, et C. Reiss a très bien, avec beaucoup de courage d'ailleurs et beaucoup de dignité, expliqué que elle était allée voir, qu'elle a pris des photos avec son portable, espionne de très grande qualité n'est-ce pas ?! Il y avait des millions de portables à travers le monde qui prenaient ces photos !
Ma question était, quel scénario vous privilégiez aujourd'hui ?
Mais je ne privilégie aucun scénario.
La justice pourrait être clémente ?
Mais clémente avec quoi ? Elle est innocente ! Est-ce qu'on va reconnaître l'innocence de C. Reiss ? J'espère, au plus vite, il y aura un jugement qui viendra dans les jours, théoriquement dans les huit jours, mais je ne pense pas...
Avant le Ramadan ?
Non, je ne crois pas que ça ait de rapport, mais il y a eu un encombrement pour une raison qui est peut-être plus importante d'analyser, c'est qu'il y a des manifestations populaires en très grand nombre qui ne se démentent pas, il y a une contestation à l'intérieur même du régime iranien, et en particulier à l'intérieur même du clergé chiite. C'est cela qui compte et c'est un mouvement profond. Alors, ça justifie, cet encombrement judiciaire, le fait que nous n'avons pas de délai. Nous espérons que cela va se faire dans les jours qui viennent.
A aucun moment vous n'avez imaginé ou demandé l'interruption du processus judiciaire ?
Mais on le demande, puisque nous la jugeons innocente, nous qui ne jugeons pas. Quels sont les chefs d'accusation ? Je vous les ai résumés : avoir participé une heure, puis une heure et demie à des manifestations d'une ampleur considérable qui vraiment ont bouleversé le monde. Elle n'a pas participé, elle n'a pas appelé, elle n'a pas incité à la manifestation, et c'est tout ce qu'elle a fait, d'envoyer des photos à ses amis par l'intermédiaire de son portable, ce que vous et moi faisons tous les jours.
Mais vous faites néanmoins confiance, si j'ose dire...
Comment faire autrement ?
...à la justice de Téhéran ?
Si vous demandez un jugement sur la justice, si j'ose dire, eh bien je ne vous le ferai pas aujourd'hui. Mais voilà, il y a une justice iranienne, il faut en passer par là. Nous essayons de l'influencer, de l'Elysée, à tous les conseillers, en passant par le Quai d'Orsay qui a joué un rôle, je crois, notable. J'espère que ça va se passer comme ça, je n'en sais rien. Nous pensons, nous affirmons que C. Reiss est innocente, innocente de toute manoeuvre malsaine, en tout cas aux yeux de la justice iranienne. Et ça va être reconnu au plus vite, je l'espère. Le président de la République l'espère, tout le monde l'espère.
On peut imaginer un verdict plus clément ?
Je l'imagine très bien. Mais ce n'est pas un verdict de clémence, elle est innocente ! Quelle clémence pour l'innocence ? La liberté pour l'innocence, voilà ce que je demande !
Que l'Iran soit le théâtre de manifestations, de tensions, de rivalités politiques internes, est-ce que ça a pesé sur ces négociations ?
Bien entendu, c'est la raison même de son emprisonnement, c'est qu'il y a en effet des tensions internes, vous dites ça, c'est un mot - comment dirais-je ? -... faible...
Un euphémisme...
Oui. Et donc, il y a une contestation politique très forte, et un jugement porté sur des élections, sur la façon dont elles se sont déroulées que vous connaissez. Donc, il y a eu des mouvements profonds qui demeurent, très profonds, avec des responsables de très haut niveau, du premier niveau, des anciens Présidents, des anciens Premiers ministres qui disent que ces élections n'ont pas reçu le verdict qui a été celui du peuple.
Vous y faisiez allusion à l'instant, que la cellule diplomatique de l'Elysée, le Président lui-même prenne une grande part dans ce dossier, c'est normal, le ministre des Affaires étrangères que vous êtes n'en prend pas ombrage ?
Parce que vous croyez que je n'ai pris aucune part dans cette libération ? Vous pensez que nous avons été cois ?
Si, j'ai dit prendre "une part"...
Non, le ministre des Affaires étrangères a été, avec la cellule diplomatique, car nous travaillons ensemble, avec le président de la République au premier plan et à la bataille depuis le début. Et nous avons usé de tous les moyens diplomatiques et politiques d'influence, si vous voulez, pour que ça se fasse au plus vite. Ça n'a pas été très vite.
La France ne fait pas secret du rôle de médiation de la Syrie. Quel intérêt à se rapprocher de la Syrie ?
Mais d'abord, pourquoi vous parlez seulement de la Syrie ? Il y a aussi eu la Turquie, il y a eu l'Europe qui a joué un rôle considérable.
La Syrie, c'est peut-être un peu plus spectaculaire, compte tenu de...
Mais non, pas du tout !
...de ce pays et de son histoire.
Mais comment ? Ce qui a été plus spectaculaire et ce qui a été un geste politique fort, c'est que dans, disons, le problème du Moyen-Orient, la Syrie joue un rôle considérable et nous, nous n'avions pas de relations avec elle ou pratiquement pas, il y avait un ambassadeur, bien sûr, mais nous n'avions pas des relations politiques normales. Nous avons décidé, le président de la République, le Quai d'Orsay, les conseillers diplomatiques, ensemble, de se rapprocher et d'entretenir des relations plus normales. Donc il était tout à fait juste, puisque la Syrie, vous le savez, est très proche de l'Iran, que nous passions aussi par la Syrie pour essayer d'exprimer notre opinion auprès des autorités iraniennes qu'il est plus difficile à contacter.
Que dites-vous à nos ressortissants en Iran ? Qu'il ne faut pas fâcher le régime maintenant, sinon on s'expose à une arrestation ?
Mais attendez, je sens comme une petite ironie dans votre propos.
Non, il n'y en a aucune.
Personne n'a parlé du régime, comme le Président N. Sarkozy l'a fait, du régime iranien. Donc on n'a pas l'intention de ne pas fâcher le régime, nous n'avons pas l'intention de continuer à dissimuler quoi que ce soit, parce que nous ne l'avons pas fait, parce qu'il n'y a pas de dissimulation. Lorsque un Français est prisonnier quelque part, vous savez, il y a une cellule, un centre de crise au Quai d'Orsay : tous les jours, il y a cinquante personnes, nuit et jour, qui travaillent. Il y a des enlèvements, des arrestations, des difficultés pour les Français à travers le monde tous les jours. Et nous essayons d'appliquer pour ces Français tout ce que nous pouvons faire pour essayer de trouver une solution pour eux. Nous le faisons tout le temps, avec les mêmes méthodes.
L'Afghanistan : on va voter dans deux jours, on peut installer la démocratie dans un régime de terreur ou sous les menaces ?
Une démocratie qui ne sera pas une démocratie à l'européenne ou à la française, mais une démocratie élémentaire, c'est notre but. Il n'y aura pas de solution militaire, nous le savons très bien. C'est avec la population civile, avec les Afghans qu'il faudra trouver une solution. Une des solutions passe par les élections, et c'est un progrès considérable que des élections, déjà, aient eu lieu, en particulier celles qui ont amené M. Karzaï au pouvoir, à la présidentielle, la première. Et maintenant, nous allons voir. Si elles se déroulent le moins mal possible, c'est un énorme progrès face à des talibans qui veulent qu'elles ne se déroulent pas ces élections, et qui font tout pour les empêcher. Tout ! C'est-à-dire qu'il y a une guerre en Afghanistan, je répète qu'il n'y aura pas de solution militaire, il faut, et c'est notre tâche, et ce que font très bien les soldats français, se rapprocher de la population civile, leur proposer des projets, et puis sécuriser, bien entendu. Ça, ça veut dire, pour combien de temps, en effet, continuer à avoir les troupes de l'OTAN et les troupes alliées en Afghanistan.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 août 2009
Elle est libérée sous caution, c'est déjà mieux que d'être dans la prison d'Evin. Je vous rappelle qu'elle n'a rien fait...
C'est mieux ?
...que d'aller deux fois regarder des manifestations, au su et au vu du monde entier, ces manifestations se déroulaient sous les caméras. Oui, elle est libérée sous caution, c'est la coutume, enfin c'est le droit iranien. Et tous ceux qui ont été inculpés, aussi bien ceux qui travaillaient à l'ambassade d'Angleterre, ou la franco-iranienne qui travaillait à l'ambassade de France ont été libérés sous caution.
Qu'est-ce qui a finalement décidé, selon vous, les responsables iraniens à faire ce geste ?
Il faut leur demander, ils l'ont fait pour tous les autres.
Vous les avez en contact ?
Oui, nous leur parlons souvent, nous avons évidemment parlé très souvent, le plus souvent possible avec les Iraniens et avec d'autres amis qui essayaient de faire pression sur les Iraniens pour que la libération se fasse, pas très vite quand même, près de deux mois en prison. D'abord, l'accusation a été réduite, il s'agit d'incitation - ce qui n'est pas vrai du tout - à la manifestation, c'est ce qui reste des chefs d'accusation, et C. Reiss a très bien, avec beaucoup de courage d'ailleurs et beaucoup de dignité, expliqué que elle était allée voir, qu'elle a pris des photos avec son portable, espionne de très grande qualité n'est-ce pas ?! Il y avait des millions de portables à travers le monde qui prenaient ces photos !
Ma question était, quel scénario vous privilégiez aujourd'hui ?
Mais je ne privilégie aucun scénario.
La justice pourrait être clémente ?
Mais clémente avec quoi ? Elle est innocente ! Est-ce qu'on va reconnaître l'innocence de C. Reiss ? J'espère, au plus vite, il y aura un jugement qui viendra dans les jours, théoriquement dans les huit jours, mais je ne pense pas...
Avant le Ramadan ?
Non, je ne crois pas que ça ait de rapport, mais il y a eu un encombrement pour une raison qui est peut-être plus importante d'analyser, c'est qu'il y a des manifestations populaires en très grand nombre qui ne se démentent pas, il y a une contestation à l'intérieur même du régime iranien, et en particulier à l'intérieur même du clergé chiite. C'est cela qui compte et c'est un mouvement profond. Alors, ça justifie, cet encombrement judiciaire, le fait que nous n'avons pas de délai. Nous espérons que cela va se faire dans les jours qui viennent.
A aucun moment vous n'avez imaginé ou demandé l'interruption du processus judiciaire ?
Mais on le demande, puisque nous la jugeons innocente, nous qui ne jugeons pas. Quels sont les chefs d'accusation ? Je vous les ai résumés : avoir participé une heure, puis une heure et demie à des manifestations d'une ampleur considérable qui vraiment ont bouleversé le monde. Elle n'a pas participé, elle n'a pas appelé, elle n'a pas incité à la manifestation, et c'est tout ce qu'elle a fait, d'envoyer des photos à ses amis par l'intermédiaire de son portable, ce que vous et moi faisons tous les jours.
Mais vous faites néanmoins confiance, si j'ose dire...
Comment faire autrement ?
...à la justice de Téhéran ?
Si vous demandez un jugement sur la justice, si j'ose dire, eh bien je ne vous le ferai pas aujourd'hui. Mais voilà, il y a une justice iranienne, il faut en passer par là. Nous essayons de l'influencer, de l'Elysée, à tous les conseillers, en passant par le Quai d'Orsay qui a joué un rôle, je crois, notable. J'espère que ça va se passer comme ça, je n'en sais rien. Nous pensons, nous affirmons que C. Reiss est innocente, innocente de toute manoeuvre malsaine, en tout cas aux yeux de la justice iranienne. Et ça va être reconnu au plus vite, je l'espère. Le président de la République l'espère, tout le monde l'espère.
On peut imaginer un verdict plus clément ?
Je l'imagine très bien. Mais ce n'est pas un verdict de clémence, elle est innocente ! Quelle clémence pour l'innocence ? La liberté pour l'innocence, voilà ce que je demande !
Que l'Iran soit le théâtre de manifestations, de tensions, de rivalités politiques internes, est-ce que ça a pesé sur ces négociations ?
Bien entendu, c'est la raison même de son emprisonnement, c'est qu'il y a en effet des tensions internes, vous dites ça, c'est un mot - comment dirais-je ? -... faible...
Un euphémisme...
Oui. Et donc, il y a une contestation politique très forte, et un jugement porté sur des élections, sur la façon dont elles se sont déroulées que vous connaissez. Donc, il y a eu des mouvements profonds qui demeurent, très profonds, avec des responsables de très haut niveau, du premier niveau, des anciens Présidents, des anciens Premiers ministres qui disent que ces élections n'ont pas reçu le verdict qui a été celui du peuple.
Vous y faisiez allusion à l'instant, que la cellule diplomatique de l'Elysée, le Président lui-même prenne une grande part dans ce dossier, c'est normal, le ministre des Affaires étrangères que vous êtes n'en prend pas ombrage ?
Parce que vous croyez que je n'ai pris aucune part dans cette libération ? Vous pensez que nous avons été cois ?
Si, j'ai dit prendre "une part"...
Non, le ministre des Affaires étrangères a été, avec la cellule diplomatique, car nous travaillons ensemble, avec le président de la République au premier plan et à la bataille depuis le début. Et nous avons usé de tous les moyens diplomatiques et politiques d'influence, si vous voulez, pour que ça se fasse au plus vite. Ça n'a pas été très vite.
La France ne fait pas secret du rôle de médiation de la Syrie. Quel intérêt à se rapprocher de la Syrie ?
Mais d'abord, pourquoi vous parlez seulement de la Syrie ? Il y a aussi eu la Turquie, il y a eu l'Europe qui a joué un rôle considérable.
La Syrie, c'est peut-être un peu plus spectaculaire, compte tenu de...
Mais non, pas du tout !
...de ce pays et de son histoire.
Mais comment ? Ce qui a été plus spectaculaire et ce qui a été un geste politique fort, c'est que dans, disons, le problème du Moyen-Orient, la Syrie joue un rôle considérable et nous, nous n'avions pas de relations avec elle ou pratiquement pas, il y avait un ambassadeur, bien sûr, mais nous n'avions pas des relations politiques normales. Nous avons décidé, le président de la République, le Quai d'Orsay, les conseillers diplomatiques, ensemble, de se rapprocher et d'entretenir des relations plus normales. Donc il était tout à fait juste, puisque la Syrie, vous le savez, est très proche de l'Iran, que nous passions aussi par la Syrie pour essayer d'exprimer notre opinion auprès des autorités iraniennes qu'il est plus difficile à contacter.
Que dites-vous à nos ressortissants en Iran ? Qu'il ne faut pas fâcher le régime maintenant, sinon on s'expose à une arrestation ?
Mais attendez, je sens comme une petite ironie dans votre propos.
Non, il n'y en a aucune.
Personne n'a parlé du régime, comme le Président N. Sarkozy l'a fait, du régime iranien. Donc on n'a pas l'intention de ne pas fâcher le régime, nous n'avons pas l'intention de continuer à dissimuler quoi que ce soit, parce que nous ne l'avons pas fait, parce qu'il n'y a pas de dissimulation. Lorsque un Français est prisonnier quelque part, vous savez, il y a une cellule, un centre de crise au Quai d'Orsay : tous les jours, il y a cinquante personnes, nuit et jour, qui travaillent. Il y a des enlèvements, des arrestations, des difficultés pour les Français à travers le monde tous les jours. Et nous essayons d'appliquer pour ces Français tout ce que nous pouvons faire pour essayer de trouver une solution pour eux. Nous le faisons tout le temps, avec les mêmes méthodes.
L'Afghanistan : on va voter dans deux jours, on peut installer la démocratie dans un régime de terreur ou sous les menaces ?
Une démocratie qui ne sera pas une démocratie à l'européenne ou à la française, mais une démocratie élémentaire, c'est notre but. Il n'y aura pas de solution militaire, nous le savons très bien. C'est avec la population civile, avec les Afghans qu'il faudra trouver une solution. Une des solutions passe par les élections, et c'est un progrès considérable que des élections, déjà, aient eu lieu, en particulier celles qui ont amené M. Karzaï au pouvoir, à la présidentielle, la première. Et maintenant, nous allons voir. Si elles se déroulent le moins mal possible, c'est un énorme progrès face à des talibans qui veulent qu'elles ne se déroulent pas ces élections, et qui font tout pour les empêcher. Tout ! C'est-à-dire qu'il y a une guerre en Afghanistan, je répète qu'il n'y aura pas de solution militaire, il faut, et c'est notre tâche, et ce que font très bien les soldats français, se rapprocher de la population civile, leur proposer des projets, et puis sécuriser, bien entendu. Ça, ça veut dire, pour combien de temps, en effet, continuer à avoir les troupes de l'OTAN et les troupes alliées en Afghanistan.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 août 2009