Conférence de presse conjointe de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et Jacques Poos, ministre des affaires étrangères du Luxembourg, sur la coopération transfrontalière dans l'Union européenne, les négociations sur l'Agenda 2000 et la politique agricole commune et sur l'importance d'un accord politique sur le Kosovo, Luxembourg le 12 mars 1999.

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Circonstance : Voyage de M. Védrine au Luxembourg le 12 mars 1999

Texte intégral

M. Jacques F. Poos - Malgré les nombreuses occasions de nous rencontrer dans les fora européens et atlantiques, cette visite amicale du ministre des Affaires étrangères de la République française, M. Hubert Védrine, se passe à un moment important de lhistoire européenne, juste avant les décisions historiques qui vont modeler notre politique pour les années à venir, je veux parler de lAgenda 2000, mais aussi de limportante semaine de négociations à Paris sur la paix au Kossovo. Je mentionnerais aussi les décisions qui doivent encore tomber avant la fin du semestre allemand de présidence, à savoir le Pacte pour lemploi et la définition de lIdentité européenne de sécurité et de défense, sans mentionner les problèmes qui resteront à lordre du jour et qui seront repris immédiatement après la fin du semestre, à savoir les réformes institutionnelles et lélargissement.
Voilà donc tout tracé le cadre de nos discussions daujourdhui et je laisse à mon excellent collègue Hubert Védrine, le soin de vous exposer quelques détails.
M. Hubert Védrine - Je nai pas grand chose à ajouter puisque je suis entièrement daccord avec le résumé que vient de faire Jacques Poos de nos travaux et des sujets que nous avons déjà abordés et que nous aborderons lors du déjeuner de travail. Je voudrais dire que bien que nous nous rencontrions souvent dans les réunions européennes dans toutes leurs formes. Nous tenons beaucoup tous les deux à poursuivre ce dialogue actif sur le plan bilatéral entre la France et le Luxembourg sur tous les sujets, qui sest révélé toujours utile et fécond.
Quant aux questions dont nous avons parlé, cest celles qui ont été citées. Je répondrai à vos question.
Q - Monsieur le Ministre, les grandes régions transfrontalières sont une notion qui simpose de plus en plus dans lUnion européenne et cest notamment le cas ici, or nous constatons que le centralisme français est souvent un frein au développement de cette politique transnationale et régionale. Quelles sont les perspectives dévolution en la matière ?
R - M. Hubert Védrine - Les évolutions... dabord il ne sait pas à quel frein vous faites allusion. Je voudrais dire que la France a plus évolué en 15 ans sur le plan de son organisation territoriale, sur le plan de ce que vous appelez le centralisme, quen plusieurs dizaines dannées auparavant, pour ne pas dire plusieurs siècles. Cest un pays en mouvement, cest un pays en réforme, cest un pays en évolution. Certaines voix en France pensent dailleurs que nous avons été trop loin. Dautres pensent quil faut continuer cette évolution, notamment par la voie daccords européens. Il faut saisir cette situation française, dynamique et pas de façon statique. Nous sommes favorables de façon raisonnée à une politique qui permette plus de coopération transfrontalière, de coopération entre les régions. Il y a aussi un Etat, il y a aussi un gouvernement central qui a énormément changé, mais qui est toujours là et qui exerce toujours des responsabilités particulières. On trouve des solutions, des solutions qui bougent dans lEurope.
Q - Monsieur le Ministre, quel est votre sentiment sur les chances darriver à clôturer lAgenda 2000 ?
R - M. Hubert Védrine - Nous navons jamais fait de pronostics, nous avons dit quil serait souhaitable dy parvenir, naturellement. Le travail que doit faire la présidence allemande est difficile, objectivement difficile. On rencontre des difficultés. Je crois que tout autre pays que lAllemagne sil avait la présidence en ce moment, rencontrerait les mêmes difficultés.
La décision agricole est un élément de lensemble. On ne peut pas parler daccord. Il y a maintenant de nouvelles propositions à la suite du récent Conseil Agriculture. Nous sommes en train de les évaluer à Paris dans le cadre du gouvernement pour savoir dans quelle mesure on peut travailler à partir de ces propositions. Le ministre de lAgriculture a émis des réserves.
Il y a des avancées. On est dans une situation, à cet égard, un peu plus encourageante quil y a une dizaine de jours où les choses paraissaient plus bloquées. Maintenant, pour Berlin, je ne sais pas, cela dépend de nous tous. Nous disions depuis le début que, dans cette négociation difficile, pour aboutir, il faudra que chaque pays y ait mis du sien, ait participé au compromis général et que lon ait mis à contribution chacune des politiques. On nest pas encore tout à fait à la solution globale.
Q - Ce compromis est une base réaliste ?
R - M. Hubert Védrine - Je ne peux pas encore vous donner notre position définitive sur ces nouvelles propositions. Nous sommes en train aujourdhui même de les examiner.
Q - Les émissaires se succèdent à Belgrade. M. Milosevic reste campé sur ses positions.
Comment se présente la deuxième partie de la Conférence de Rambouillet ?
R - M. Hubert Védrine - Elle se présente dans des conditions difficiles et préoccupantes mais la détermination de la communauté internationale na pas faibli. Nous continuons tous à penser que la solution dautonomie substantielle dans le cadre des frontières de la Yougoslavie, mais autonomie véritable, avec une garantie sur place civile et militaire, est la seule solution qui évite les tragédies. Mais ces derniers jours, on a vu que les dirigeants de Belgrade ne changeaient pas davis, en tout cas en ce qui concerne la garantie au sol, même sil y a une sorte daccord général sur les principes de règlement politique, et que du côté de lUCK, on narrivait pas à obtenir lengagement constamment promis, mais qui nest jamais concrétisé. On a affaire à des blocages, à un manque dengagement véritable, ce qui rend dautant plus nécessaire de maintenir la pression, de maintenir la cohésion, de maintenir cet effort international pour convaincre les uns et les autres, pour obtenir le dépassement des extrémistes de part et dautre, pour entrer dans ce processus de solution politique.
Je voudrais, pour avoir été très mêlé à tout cela, rappeler que je nai jamais été optimiste, à aucun moment. Jai été déterminé. Je crois conserver cette détermination.
R - M. Jacques F. Poos - Peut-être encore une dernière question.
Q - Est-ce quil ny a pas eu de sujets bilatéraux ?
R - M. Hubert Védrine - Pas encore.
R - Jacques F. Poos - On parlera de létat davancement du TGV Est. On parlera certainement de la coopération tranfrontalière, qui a déjà été mentionnée tout à lheure, et on soulèvera un problème particulier au sujet de la responsabilité des exploitations minières luxembourgeoises en France.
Q - Vous avez discuté peut-être ce matin de la fiscalité. La question que je pose est la suivante. Le Luxembourg a demandé que les OPC puissent échapper à la retenue à la source. Lindustrie française des OPC est également importante. Avez-vous évoqué cette question ?
R - M. Hubert Védrine - Nous avons eu un échange plus général que votre question. Jai écouté le rappel de la position du Luxembourg, que je connais. Nous navons pas eu un échange de responsables de la fiscalité. Cest un échange plus général sur la question de lharmonisation de la fiscalité directe. Jai rappelé que, de notre point de vue, il faut absolument progresser sur le dossier de lharmonisation, dautant plus que leuro, le processus de leuro, va nous amener sur tous les volets de la politique économique et de ses composantes, à aller de plus en plus loin dans lharmonisation. Nous le savions. Cela va poser des problèmes graves et sérieux aux uns et aux autres et pour certains aspects de la fiscalité au Luxembourg.
R - M. Jacques F. Poos - Vous connaissez bien la position du Luxembourg. Je nabuserai pas de votre temps pour vous lexposer encore une fois. Mais, jai été très satisfait de pouvoir développer nos raisons, nos arguments vis-à-vis de la directive européenne que nous nacceptons pas en létat actuel.
Q - Votre réaction à la démission de M. Lafontaine ?
R - M. Hubert Védrine - Je ne voudrais pas donner limpression de mimmiscer dans les affaires allemandes. A mon point de vue et sur un plan presque humain, je peux dire que je le regrette.
R - M. Jacques F. Poss - Je peux me rallier à cette remarque. Merci beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mars 1999)