Texte intégral
Les enjeux de cette rencontre de Banjul sont considérables. En effet, il s'agit tout à la fois de donner une image dynamique du Sahel et du rôle que joue la Coopération internationale, mais aussi, et ce n'est pas le moindre, de renouveler l'engagement souscrit il y a vingt ans pour un "contrat de génération" en faveur de cette région, avec notamment des pratiques de gestion de l'aide à l'écoute des populations concernées.
Permettez-moi donc de vous présenter brièvement le nouveau contrat de génération pour les vingt prochaines années. J'évoquerai successivement quatre points essentiels :
1) Le Sahel a appris à surmonter ses handicaps.
Il y a vingt ans, le grand public découvrait le Sahel africain à travers les conséquences dramatiques de la grande sécheresse. Je peux en témoigner, l'émotion était forte dans les pays du Nord et beaucoup de jeunes, après avoir vu les images de cette catastrophe, ont choisi de s'engager au service de la Coopération et du développement.
Pays sahéliens et pays donateurs ont progressivement organisé la riposte autour du CILSS (Comité international de lutte contre la sécheresse au Sahel) et du Club du Sahel. M. Ali Cisse l'a dit hier, la méthode inventée par le Club reste unique dans les institutions internationales. Elle a permis d'organiser le dialogue entre donateurs et bénéficiaires et de renforcer les synergies à tous les niveaux et de créer surtout les conditions d'une confiance partagée.
A son actif, citons en particulier la Charte de l'aide alimentaire et l'Etude sur l'avenir du Sahel et celle sur les perspectives à long terme en Afrique de l'Ouest. Retenons surtout que, grâce à cette méthode, l'aide s'est organisée à une échelle régionale et de manière mieux ciblée sur des actions visant à réduire la vulnérabilité du Sahel à l'aléa climatique et intégrer la contrainte écologique.
Les résultats ne sont pas négligeables. Au terme de cette période, le Sahel est une des régions les plus stables d'Afrique. Les ressources de l'agriculture et de l'élevage se sont accrues... Les populations ont diversifié leurs activités et ont su s'adapter, contrairement à ce que certains prédisaient, à une forte croissance démographique. Dans le même temps, de nouveaux acteurs économiques apparaissent sur le devant de la scène, trouvant dans les entreprises, les coopératives de producteurs, les groupements de femmes, les associations de jeunes, etc., le moyen d'orienter la production et les échanges.
Le Sahel n'est dons plus ce qu'il était. Le constat sur les changements a été amplement développé. Je n'y reviendrai pas.
2) La Coopération internationale a joué un rôle décisif dans les progrès du Sahel
Le volume de l'aide publique au Sahel a quadruplé en 20 ans et les transferts par habitant sont passés de 35 dollars au début des années 70, à 63 dollars au début des années 90.
Derrière ces chiffres, se cachent des progrès incontestables en matière de santé publique, d'accès à l'eau, d'infrastructures de transport et de sécurité alimentaire. Le bilan est plus modeste dans le domaine de l'éducation. Il est inachevé en ce qui concerne les institutions de l'Etat de droit, notamment en matière de justice. Partout la démocratie constitue une revendication en voie d'être satisfaite.
Dans un autre registre, remarquons que le rôle de la Coopération internationale pour la prévention des crises s'est poursuivi, faisant de la région sahélienne une zone pilote en matière de systèmes d'information et de résolution des crises alimentaires.
3) Les défis à relever dans les vingt prochaines années sont considérable En dépit des progrès accomplis, le Sahel reste une zone de fragilité...
Fragilité des écosystèmes avec le risque d'épuisement des ressources productives. Fragilité des structures sociales en pleine mutation, notamment en raison de la forte croissance des villes. Fragilité des institutions démocratiques, encore jeunes et qui doivent mieux s'enraciner dans le civisme et la compétence. Fragilité, enfin, des marchés intérieurs, étroits et contraints par des revenus modestes. Les résultats de concertations entreprises par le CILSS auprès des représentants des sociétés sahéliennes exposés lors des travaux confirment la prise de conscience de ses fragilités et permettent d'esquisser des pistes pour l'avenir.
J'en discerne quatre majeures :
- l'avenir du Sahel repose d'abord sur le développement de toutes les ressources humaines. "L'Homme est le remède de l'Homme" disent justement les Sénégalais. Un effort considérable doit être accordé à l'éducation de base, maillon faible de l'aide internationale.
- la protection du patrimoine naturel repose quant à elle sur une responsabilisation plus réelle des populations dans la gestion rationnelle des ressources. Le concept de "durabilité" du développement n'est pas que le produit d'une mode : il pose le vrai problème de l'héritage laissé aux générations à venir.
- la construction d'un espace économique élargi et diversifié passe par le soutien aux efforts d'intégration régionale, qu'ils concernent le volet fiscal et douanier, le droit des affaires ou la libre circulation des personnes. Signalons ici tout particulièrement les initiatives concernant la construction de l'UEMOA, que les membres de l'Union européenne présents dans cette assemblée ne peuvent que saluer.
- la bonne gouvernance est aussi un sujet d'actualité. Permettez-moi de l'appréhender d'un autre point de vue que celui, devenu commun même s'il demeure essentiel, de la lutte contre l'enrichissement illicite et de la transparence des décisions publiques. Une meilleure administration de la justice, de l'économie, de la sécurité peut aussi résulter de la pression des administrés eux-mêmes. Je crois à la décentralisation, à la démocratisation, à la démocratie locale, à tout ce qui contribue au développement de la citoyenneté dans des associations politiques, syndicales, professionnelles ou culturelles proches des populations. Cette dernière préoccupation renvoie explicitement à l'engagement pris lors du Forum des sociétés sahéliennes de prendre une part plus active dans les affaires les concernant, bien qu'il ne faille pas négliger la difficulté d'une telle ambition.
Ceci m'amène naturellement à évoquer le dernier thème du mémorandum : celui de la gestion de l'aide.
4) La Coopération doit se fonder sur un dialogue libre, responsable et exigeant.
La poursuite des processus de transformation-peuplement, démocratisation, décentralisation, lutte contre la désertification, intégration régionale... fait que les besoins d'investissements publics vont continuer, pour la génération à venir, à dépasser largement les capacités de financement de la plupart des pays sahéliens. Ne nous berçons pas d'illusions, même s'ils s'amplifient, et nous le voulons tous, les flux privés ne pourront pas jouer avant longtemps un rôle majeur. Ils ne réduiront pas le besoin d'aide publique. A cet égard, si l'on parle au sein du Club du Sahel de réformer l'aide, ce n'est pas parce que les besoins ont diminué, mais parce que les résultats ne sont pas totalement satisfaisants.
Parlons donc de la gestion de l'aide et de la responsabilité des bénéficiaires. C'est un sujet récurrent, source de malentendus et parfois de rancoeurs.
D'aucuns appellent à l'adoption d'un code de bonne conduite ou d'une charte de l'aide. Permettez-moi simplement de rappeler que la notion de "partenariat" si riche au demeurant, suppose, pour être employée à bon escient, qu'existent certaines conditions. J'insiste tout particulièrement sur celles relatives à la capacité nationale de formuler clairement des besoins, de les justifier par des analyses pertinentes et de les traduire dans des programmes d'actions crédibles et hiérarchisés, dont les financements peuvent ensuite être négociés avec les donateurs.
Entre d'autres termes, il faut réhabiliter la planification stratégique et consolider les instruments de connaissance, d'analyse et de négociation. Pour avoir un dialogue libre, responsable et exigeant, il faut que les Sahéliens puissent s'approprier toutes les composantes de ce dialogue. Il faut, me semble-t-il, autant demander aux donateurs qu'ils soient mieux à l'écoute des besoins qu'inciter les bénéficiaires à reconquérir les leviers essentiels de leur avenir.
Les grandes questions du développement des vingt prochaines années ont été largement étudiées. J'en ai rappelé quatre : promotion des ressources humaines, environnement, intégration régionale, parachèvement de l'Etat de droit Qu'il me soit permis, simplement, d'être l'avocat d'une Coopération commandée à la fois par des impératifs d'équité et par des intérêts bien compris de sécurité collective et de croissance économique.
Il faut conclure. Cette réunion dont l'importance est considérable et qui a fait l'objet d'un travail de préparation très riche, ne permettra pas d'épuiser le sujet de la bonne gestion de l'aide, l'essentiel était de lancer ce travail de réflexion en commun, engagé autour de "Coopération 21", à l'aide de cette méthode unique employée par le Club du Sahel depuis vingt ans, faite de diagnostics et de propositions partagées.
Je sais que je traduis la pensée de toute la communauté des partenaires en vous confirmant notre engagement, au côté des Sahéliennes et des Sahéliens, pour réussir avec vous le nouveau contrat de génération.
Merci..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2001)
Permettez-moi donc de vous présenter brièvement le nouveau contrat de génération pour les vingt prochaines années. J'évoquerai successivement quatre points essentiels :
1) Le Sahel a appris à surmonter ses handicaps.
Il y a vingt ans, le grand public découvrait le Sahel africain à travers les conséquences dramatiques de la grande sécheresse. Je peux en témoigner, l'émotion était forte dans les pays du Nord et beaucoup de jeunes, après avoir vu les images de cette catastrophe, ont choisi de s'engager au service de la Coopération et du développement.
Pays sahéliens et pays donateurs ont progressivement organisé la riposte autour du CILSS (Comité international de lutte contre la sécheresse au Sahel) et du Club du Sahel. M. Ali Cisse l'a dit hier, la méthode inventée par le Club reste unique dans les institutions internationales. Elle a permis d'organiser le dialogue entre donateurs et bénéficiaires et de renforcer les synergies à tous les niveaux et de créer surtout les conditions d'une confiance partagée.
A son actif, citons en particulier la Charte de l'aide alimentaire et l'Etude sur l'avenir du Sahel et celle sur les perspectives à long terme en Afrique de l'Ouest. Retenons surtout que, grâce à cette méthode, l'aide s'est organisée à une échelle régionale et de manière mieux ciblée sur des actions visant à réduire la vulnérabilité du Sahel à l'aléa climatique et intégrer la contrainte écologique.
Les résultats ne sont pas négligeables. Au terme de cette période, le Sahel est une des régions les plus stables d'Afrique. Les ressources de l'agriculture et de l'élevage se sont accrues... Les populations ont diversifié leurs activités et ont su s'adapter, contrairement à ce que certains prédisaient, à une forte croissance démographique. Dans le même temps, de nouveaux acteurs économiques apparaissent sur le devant de la scène, trouvant dans les entreprises, les coopératives de producteurs, les groupements de femmes, les associations de jeunes, etc., le moyen d'orienter la production et les échanges.
Le Sahel n'est dons plus ce qu'il était. Le constat sur les changements a été amplement développé. Je n'y reviendrai pas.
2) La Coopération internationale a joué un rôle décisif dans les progrès du Sahel
Le volume de l'aide publique au Sahel a quadruplé en 20 ans et les transferts par habitant sont passés de 35 dollars au début des années 70, à 63 dollars au début des années 90.
Derrière ces chiffres, se cachent des progrès incontestables en matière de santé publique, d'accès à l'eau, d'infrastructures de transport et de sécurité alimentaire. Le bilan est plus modeste dans le domaine de l'éducation. Il est inachevé en ce qui concerne les institutions de l'Etat de droit, notamment en matière de justice. Partout la démocratie constitue une revendication en voie d'être satisfaite.
Dans un autre registre, remarquons que le rôle de la Coopération internationale pour la prévention des crises s'est poursuivi, faisant de la région sahélienne une zone pilote en matière de systèmes d'information et de résolution des crises alimentaires.
3) Les défis à relever dans les vingt prochaines années sont considérable En dépit des progrès accomplis, le Sahel reste une zone de fragilité...
Fragilité des écosystèmes avec le risque d'épuisement des ressources productives. Fragilité des structures sociales en pleine mutation, notamment en raison de la forte croissance des villes. Fragilité des institutions démocratiques, encore jeunes et qui doivent mieux s'enraciner dans le civisme et la compétence. Fragilité, enfin, des marchés intérieurs, étroits et contraints par des revenus modestes. Les résultats de concertations entreprises par le CILSS auprès des représentants des sociétés sahéliennes exposés lors des travaux confirment la prise de conscience de ses fragilités et permettent d'esquisser des pistes pour l'avenir.
J'en discerne quatre majeures :
- l'avenir du Sahel repose d'abord sur le développement de toutes les ressources humaines. "L'Homme est le remède de l'Homme" disent justement les Sénégalais. Un effort considérable doit être accordé à l'éducation de base, maillon faible de l'aide internationale.
- la protection du patrimoine naturel repose quant à elle sur une responsabilisation plus réelle des populations dans la gestion rationnelle des ressources. Le concept de "durabilité" du développement n'est pas que le produit d'une mode : il pose le vrai problème de l'héritage laissé aux générations à venir.
- la construction d'un espace économique élargi et diversifié passe par le soutien aux efforts d'intégration régionale, qu'ils concernent le volet fiscal et douanier, le droit des affaires ou la libre circulation des personnes. Signalons ici tout particulièrement les initiatives concernant la construction de l'UEMOA, que les membres de l'Union européenne présents dans cette assemblée ne peuvent que saluer.
- la bonne gouvernance est aussi un sujet d'actualité. Permettez-moi de l'appréhender d'un autre point de vue que celui, devenu commun même s'il demeure essentiel, de la lutte contre l'enrichissement illicite et de la transparence des décisions publiques. Une meilleure administration de la justice, de l'économie, de la sécurité peut aussi résulter de la pression des administrés eux-mêmes. Je crois à la décentralisation, à la démocratisation, à la démocratie locale, à tout ce qui contribue au développement de la citoyenneté dans des associations politiques, syndicales, professionnelles ou culturelles proches des populations. Cette dernière préoccupation renvoie explicitement à l'engagement pris lors du Forum des sociétés sahéliennes de prendre une part plus active dans les affaires les concernant, bien qu'il ne faille pas négliger la difficulté d'une telle ambition.
Ceci m'amène naturellement à évoquer le dernier thème du mémorandum : celui de la gestion de l'aide.
4) La Coopération doit se fonder sur un dialogue libre, responsable et exigeant.
La poursuite des processus de transformation-peuplement, démocratisation, décentralisation, lutte contre la désertification, intégration régionale... fait que les besoins d'investissements publics vont continuer, pour la génération à venir, à dépasser largement les capacités de financement de la plupart des pays sahéliens. Ne nous berçons pas d'illusions, même s'ils s'amplifient, et nous le voulons tous, les flux privés ne pourront pas jouer avant longtemps un rôle majeur. Ils ne réduiront pas le besoin d'aide publique. A cet égard, si l'on parle au sein du Club du Sahel de réformer l'aide, ce n'est pas parce que les besoins ont diminué, mais parce que les résultats ne sont pas totalement satisfaisants.
Parlons donc de la gestion de l'aide et de la responsabilité des bénéficiaires. C'est un sujet récurrent, source de malentendus et parfois de rancoeurs.
D'aucuns appellent à l'adoption d'un code de bonne conduite ou d'une charte de l'aide. Permettez-moi simplement de rappeler que la notion de "partenariat" si riche au demeurant, suppose, pour être employée à bon escient, qu'existent certaines conditions. J'insiste tout particulièrement sur celles relatives à la capacité nationale de formuler clairement des besoins, de les justifier par des analyses pertinentes et de les traduire dans des programmes d'actions crédibles et hiérarchisés, dont les financements peuvent ensuite être négociés avec les donateurs.
Entre d'autres termes, il faut réhabiliter la planification stratégique et consolider les instruments de connaissance, d'analyse et de négociation. Pour avoir un dialogue libre, responsable et exigeant, il faut que les Sahéliens puissent s'approprier toutes les composantes de ce dialogue. Il faut, me semble-t-il, autant demander aux donateurs qu'ils soient mieux à l'écoute des besoins qu'inciter les bénéficiaires à reconquérir les leviers essentiels de leur avenir.
Les grandes questions du développement des vingt prochaines années ont été largement étudiées. J'en ai rappelé quatre : promotion des ressources humaines, environnement, intégration régionale, parachèvement de l'Etat de droit Qu'il me soit permis, simplement, d'être l'avocat d'une Coopération commandée à la fois par des impératifs d'équité et par des intérêts bien compris de sécurité collective et de croissance économique.
Il faut conclure. Cette réunion dont l'importance est considérable et qui a fait l'objet d'un travail de préparation très riche, ne permettra pas d'épuiser le sujet de la bonne gestion de l'aide, l'essentiel était de lancer ce travail de réflexion en commun, engagé autour de "Coopération 21", à l'aide de cette méthode unique employée par le Club du Sahel depuis vingt ans, faite de diagnostics et de propositions partagées.
Je sais que je traduis la pensée de toute la communauté des partenaires en vous confirmant notre engagement, au côté des Sahéliennes et des Sahéliens, pour réussir avec vous le nouveau contrat de génération.
Merci..
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2001)