Texte intégral
La crise du début de l'année a touché les quatre DOM dans des proportions différentes mais la situation est aujourd'hui comparable : les tensions sociales demeurent et la déprime économique persiste. Depuis ma nomination en tant que Secrétaire d'Etat chargée de l'outre-mer voici deux mois et demi, je me suis rendue dans chaque DOM. Je mesure tous les jours l'ampleur des défis qui sont à relever. Normalement je ne devrais vous parler que d'économie, mais j'ai envie d'aborder les choses différemment. Je crois que nous devons répondre en priorité à deux questions de nos compatriotes d'outre-mer :
- Comment agir sur le coût de la vie ?
- Comment développer l'emploi ? Ou plus précisément, comment faire en sorte que la création de richesse outremer soit synonyme de création d'emplois ?
En vous disant cela, je ne pense pas pour autant que les ultramarins rejettent le monde économique. J'ai la conviction du contraire. Simplement ils aspirent à une économie plus juste.
Je sais que ce n'est pas évident, et vous le savez tous en tant qu'entrepreneurs : imaginer instaurer la concurrence pure et parfaite dans les DOM n'est pas chose simple avec l'étroitesse des marchés, les handicaps structurels de nos territoires. Mais je crois qu'à minima, il faut davantage de transparence sur la formation des prix. J'en veux pour exemple le succès auprès de la population des observatoires des prix et l'effet du chariot type. Mais la transparence ne suffit pas. Le contrôle est essentiel.
Mais cette économie à laquelle nous devons tendre ; une économie plus juste, doit être aussi une économie qui tienne compte des réalités économiques locales. Certains se prennent à rêver d'un retour à l'économie administrée...
Ce n'est pas notre projet.
D'autres promettent de lutter contre la vie chère à grands coups de subventions et d'emplois publics...
Ce n'est pas notre projet.
L'Etat, les collectivités, les contribuables n'en ont pas les moyens.
Il est de la responsabilité du Gouvernement, il est de MA responsabilité de parler vrai aux ultramarins. Je ne laisserai pas prospérer les discours antiéconomiques et démagogiques.
Prenez le gel du prix des carburants. Il était inenvisageable économiquement de le maintenir. J'ai été moi-même l'expliquer cette semaine aux Antilles.
Je veux que nos compatriotes d'outre-mer se réconcilient avec l'entreprise. On a trop souvent enfermé le dialogue social dans des conflits. Or nous savons que nos Départements sont capables de s'inscrire dans une dynamique qui favorise l'esprit et la création d'entreprise.
Pour cela, j'ai besoin de vous, entrepreneurs, petits ou grands patrons, salariés du secteur privé. Je sais pouvoir compter sur vous. Votre participation active aux Etats généraux de l'outre-mer l'a prouvé. Soyez-en remerciés.
Le monde économique que vous représentez aidera à restaurer la confiance en participant activement aux débats de société et en acceptant de renouveler sa pratique du dialogue social.
La culture du conflit, l'épreuve de force permanente, les ultramarins en sont fatigués. Par une meilleure implication de tous dans les instances représentatives, et avec un effort de communication et de pédagogie, nous pouvons nous en sortir et nous devons nous en sortir. Les TPE/PME sont le moteur de la croissance. Il faut faire connaître ce que vous apportez au quotidien à l'économie réelle, à l'emploi. Je sais pouvoir compter sur vous.
Mais encore faut-il savoir quelle croissance nous recherchons... Comme je l'ai dit en ouverture de mon propos, nous voulons faire en sorte que la création de richesse outremer soit synonyme de création d'emplois. C'est ça la croissance endogène. C'est une économie qui tire davantage son dynamisme de ses productions locales, de l'investissement privé, voire de la commande publique, que de la consommation et des transferts sociaux.
Le socle d'un nouveau modèle de développement a été posé avec l'adoption récente de la LODEOM qui réoriente les politiques publiques outre-mer. D'une logique de guichet, avec certains effets d'aubaine, le Gouvernement a voulu favoriser des appuis plus ciblés. C'est pourquoi je rejoins totalement M. Dupont lorsqu'il plaide pour un renforcement des interprofessions, pour une approche par filières. C'est la logique des zones franches d'activité ou du ciblage des exonérations de charges sociales : aider davantage ceux qui ont le plus fort potentiel de développement et de création d'emplois.
Il est vraisemblable que de nombreuses propositions vont remonter des EGOM concernant ces filières prioritaires. Certaines seront reprises dans le CIOM à l'automne. L'enjeu maintenant est de les mettre en oeuvre. C'est là que l'approche par filières est une voie intéressante. Je sais que vous aurez à coeur d'élaborer une stratégie qui embrasse l'ensemble des problèmes : approvisionnement, conditions de production, circuits de distribution, marketing/labellisation... Vous pouvez compter sur l'Etat, vous pouvez compter sur moi pour soutenir toutes les filières porteuses d'avenir.
L'autre axe fort de croissance est l'insertion des DOM dans leur environnement régional qui est largement repris dans l'ensemble des propositions formulées dans le cadre de la consultation sur les Etats Généraux. Certes je sais que les obstacles ne manquent pas. Mais les opportunités sont là.
L'action du SEOM sera en priorité tournée vers cet axe de développement pour accompagner les entreprises ultramarines qui souhaitent étendre leurs parts de marché dans leur bassin régional. La dernière question est évidemment celle des moyens de concrétiser ces ambitions.
J'ai parlé de la LODEOM. D'autres dispositifs existent, notamment ceux en réponse à la crise tels que le Plan de Relance, FEI, et le Plan CO.RAIL. Les moyens mis en oeuvre sont considérables mais j'ai conscience qu'ils ne permettront pas de sauver toutes les entreprises Soyez assurés que je pèserai de tout mon poids pour que les décrets d'application de la LODEOM interviennent au mois d'octobre.
Je voudrais terminer mon propos en abordant la question centrale du financement de l'économie. Il existe deux obstacles de fond à la croissance des PME : le manque de fonds propres et l'accompagnement des entrepreneurs.
Les outils, privés et publics, associatifs ou institutionnels, ne manquent pas en la matière : de la microfinance aux prêts d'honneur en passant par les fonds d'investissement régionaux et sans oublier les interventions structurantes de la Caisse des Dépôts ou de l'AFD.
Je me suis laissée dire qu'en la matière, l'abondance ne nuit pas. Je pense tout de même que les petits entrepreneurs se perdent un peu dans la complexité des aides existantes. Il faut vraisemblablement renforcer les dispositifs qui permettront aux entrepreneurs de mobiliser ces aides. Sachez que je suis prête à étudier toutes les initiatives.
Voilà ce que j'avais envie de vous dire pour ma première intervention devant vous. Je souhaite que cette relation de confiance se renforce entre nous et que vous continuiez à nourrir ma réflexion des échanges que nous ne manquerons pas d'avoir régulièrement.
J'ai besoin de vos contributions, car ensemble nous construirons la politique de croissance de l'outre-mer au service d'une économie plus juste que l'ensemble des ultramarins appellent de leurs voeux.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 10 septembre 2009