Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne et les relations franco-espagnoles, à Madrid le 1er septembre 2009.

Prononcé le 1er septembre 2009

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Diego Lopez Garrido, secrétaire d'Etat espagnol pour l'Union européenne, à Madrid le 1er septembre 2009

Texte intégral

Gracias querido Diego, fue un gran, gran placer estar aqui en Madrid. C'est ma première visite officielle en Espagne, dans ce pays que je connais bien et que j'aime.
En cette rentrée, en effet, le choix de l'Espagne n'est pas anodin, je suis venu accompagné de Pierre Lequiller, président de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale, du directeur de l'Union européenne et bien sûr, de notre ambassadeur ici à Madrid, pour adresser à nos amis espagnols tous nos voeux de succès pour leur Présidence et notre totale disponibilité dans la mesure où nous pourrons être utiles, à leurs côtés, dans la préparation de cette présidence. A la fois de façon succincte et modeste, nous sommes à la disposition de nos amis espagnols, avec lesquels les relations n'ont jamais été aussi bonnes. Elles sont aujourd'hui totalement fraternelles. Je pense que nous sommes arrivés à un stade quasiment familial de nos relations, et je m'en réjouis.
Nous avons parlé trois heures, de façon très simple, très directe, de l'ensemble des sujets. Nous étions d'accord à 99 % sur tous les sujets, sauf peut être un et encore, enfin disons un ! Diego a tout résumé et de façon très précise la totalité des sujets que nous avons couverts.
Je voulais simplement vous dire que, vous, les Espagnols vous avez beaucoup de chance. Vous allez assumer la Présidence d'une nouvelle Europe, dans un nouveau moment. Dans quelques mois, nous en aurons presque terminé avec quinze années de débats sur nos institutions. Nous allons enfin avoir un système institutionnel, que j'appelle une "boîte à outils", qui va permettre de faire fonctionner l'Europe. J'espère naturellement que ce sera le Traité de Lisbonne, nous l'espérons tous mais, quoi qu'il arrive, nous n'allons pas recommencer les débats institutionnels, éternels, dans les années qui viennent.
Nous sommes dans une phase où nous sommes en train de solder l'après Guerre froide. Nous sommes à la veille de la célébration du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. En effet, cela fait vingt ans que l'Europe se cherche des institutions pour gérer toute l'Europe réunifiée.
Maintenant, il s'agit de s'intéresser à l'essentiel, c'est-à-dire à ce qui touche à la vie : la sécurité, la prospérité des cinq cent millions d'Européens.
Par conséquent, vous avez, vous, Espagnols, une chance formidable ! Une fois que ce dossier institutionnel sera derrière nous, vous allez pouvoir donner le "ton" de la prochaine Europe dans le monde mondialisé, compliqué, mais plein d'opportunités aussi. Il n'y a vraiment qu'une seule vérité qui compte pour nous, cinq cent millions d'Européens, c'est la formule utilisée l'autre jour par le président de la République française : "Est-ce que nous allons être en position de bâtir le XXIe siècle, de peser sur les autres pôles de puissance : l'Amérique, la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres ? Ou bien allons-nous subir ?"
Moi, je ne fais pas partie des europessimistes ou des défaitistes de l'Europe : nous avons la première économie du monde (un tiers du PNB du monde), nous avons des atouts considérables, la première ou la deuxième agriculture du monde, l'industrie agroalimentaire qui est un outil stratégique considérable dans le monde d'aujourd'hui. Nous avons des technologies de pointe, nous avons de très brillants scientifiques, nous avons une culture, une Histoire, des valeurs.
Je ne pense pas du tout que l'Europe soit morte, au contraire, je pense que le moment est venu de s'affirmer. Et c'est pour cela que, au moment où nous allons avoir, je l'espère, de nouvelles institutions, notamment en matière de présidence stable et de politique étrangère, on va pouvoir s'intéresser aux grandes questions : l'énergie, le climat, la sortie de crise, les priorités économiques et technologiques mais aussi l'immigration, la Méditerranée.
Voilà, tout cela est sur la table de l'Espagne.
Il est bien évident que nous serons heureux d'être à ses côtés. Je suis très heureux de constater que l'agenda espagnol, tel qu'il est aujourd'hui préparé, correspond presque mot pour mot aux priorités françaises et de notre gouvernement. Nous allons donc travailler de façon très fraternelle, en symbiose, et je m'en réjouis à l'avance.
Ce matin, nous avons commencé une relation d'amitié qui poursuit une relation de travail extrêmement étroite entre nos deux pays après la visite d'Etat très réussie du président de la République au mois d'avril, ici à Madrid.
Les travaux vont être intenses maintenant entre nous, au niveau des ministères des Affaires étrangères, mais je sais aussi que votre chef de gouvernement doit se rendre prochainement à Paris pour rencontrer le président de la République. J'ai également invité le chef de l'opposition à venir rencontrer le secrétaire général de l'UMP. Je pense qu'il est utile, en effet, que tout le monde parle à tout le monde, la droite, la gauche, et qu'on arrive à un maximum de symbiose et d'informations croisées entre nous, en vue non seulement de la préparation de la Présidence espagnole mais aussi des grandes échéances qui sont devant nous.
Un grand merci donc pour votre accueil, je suis très heureux de la qualité de notre travail en commun. Beaucoup de grands défis nous attendent. Qu'est-ce qu'a montré la crise, qui change tout, depuis un an et demi ?
Vous avez eu la gentillesse de dire que la Présidence française avait été un grand succès. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, lorsqu'il y a une volonté politique en Europe, relayée par des décisions européennes, à partir de l'accord d'un petit nombre de pays, le poids de l'Europe est tel, le "multiplicateur de puissance" est tel, que nous pouvons obtenir des résultats. Y compris sur des sujets très compliqués, par exemple le secret bancaire. Sur des pôles de puissance très importants comme les Etats-Unis... Regardez la solution de la crise en Géorgie, il a fallu peser pour que la guerre s'arrête.
Je ne dis pas que tout est parfait ou que tout est facile. Je dis, et c'est ce que nous avons dit pendant notre campagne européenne : "Quand l'Europe veut, elle peut !".
C'est une affaire de volonté et quand ce mécanisme de volonté est en marche et qu'il est relayé par les bonnes institutions, alors ensemble, nous pouvons peser sur le devenir du monde.
Je suis tout sauf un europessimiste. Je suis tout sauf un défaitiste de l'Histoire. Aucune fatalité de l'Histoire ne condamne l'Europe à devenir le spectateur du XXIe siècle. Nous pouvons être l'un des principaux acteurs, l'un des principaux bâtisseurs de ce siècle. Nous allons avoir les institutions pour le faire, il faut maintenant la volonté et les bonnes décisions, secteur par secteur. De l'énergie à la sécurité, de l'immigration à la défense, de la technologie à la politique monétaire, ce ne sera pas facile.
Nous avons un rendez-vous difficile à Pittsburgh au début de l'automne, un autre rendez-vous peut-être encore plus difficile à Copenhague, sur le climat, en décembre. Il y aura d'autres rendez-vous, difficiles, pendant la Présidence espagnole. Ce qu'il faut, c'est que nous soyons unis. Ce matin, je suis plein d'espoir, car entre ces deux vieilles nations que sont la France et l'Espagne, fortes de leur culture et de leur histoire, il y a cette symbiose. Elle me donne l'énergie de croire qu'il y aura une symbiose peut être encore plus large. Il suffit de voir les résultats de la rencontre Angela Merkel - Nicolas Sarkozy hier, d'autres pays viendront s'agréger et nous pèserons sur les affaires du monde.
C'est comme cela qu'il faut faire et c'est cela l'effet de paix de l'Europe. Un multiplicateur de la puissance européenne. Voilà le message. Je suis, bien sûr, avec Diego, à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Dans cette structure institutionnelle qui doit être rénovée avec le Traité de Lisbonne, les noms des personnes à choisir en tant que président du Conseil européen et nouveau Haut représentant pour la politique extérieure seront sûrement décisives. Avez-vous évoqué des noms concrets ou avez-vous déjà un candidat, de la France ou de l'Espagne pour ces postes ?
R - Il est un peu tôt pour parler de cela. On va laisser les Irlandais voter d'abord. Il faut respecter leur souveraineté, c'est dans l'ordre des choses.
Q - Sur le thème du transport, êtes-vous parvenu à une avancée en ce qui concerne la traversée centrale des Pyrénées qui, comme le disait le secrétaire d'Etat espagnol, "ne sont pas un obstacle" ?
R - Les choses sont en train d'évoluer dans la bonne direction après les décisions qui ont été prises par les autorités régionales françaises et par le Premier ministre français tout récemment. Sur toutes ces questions, tel que le détail précis du tracé de l'ensemble de ces grands équipements, la finalisation sera faite très prochainement lors du prochain séminaire gouvernemental franco-espagnol qui doit se tenir avant la fin de l'année, avec les autorités régionales. Tout le monde sera autour de la table ; les décisions de principe ont été prises cet été, l'opérationnel devrait commencer très vite après la finalisation, cet automne.
Q - Monsieur Lellouche, vous avez fait allusion à une prochaine visite de M. Zapatero en France, avez-vous déjà fixé une date ou êtes-vous déjà en train de travailler à l'agenda des contacts que va avoir le président du gouvernement pour préparer cette présidence qui commence le 1er janvier ?
R - Il revient à la partie espagnole d'évoquer les dates. Mais en effet, il y a des dates prévues pour une rencontre entre le président du gouvernement et le président de la République français, c'est une bonne nouvelle, dans le cadre de la préparation de Pittsburgh, des grandes échéances européennes de la rentrée et puis, bien sûr, de la Présidence espagnole.
Merci beaucoup à tous. Muchas gracias !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2009