Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants, en hommage aux combattants de la Deuxième Guerre mondiale, à Notre-Dame de Lorette le 3 septembre 2009.

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Circonstance : Cérémonie de commémoration du 70e anniversaire de l'entrée en guerre de la France, , à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais) le 3 septembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Secrétaire d'Etat, Liebe Herr Schmidt,
Mesdames, Messieurs,
Ici, à Notre-Dame de Lorette, dans cette terre du Pas-de-Calais, repose le corps de quarante mille soldats...
Quarante mille hommes tombés au champ d'honneur lors de la Première Guerre mondiale...
Quarante mille hommes morts pour la France et enterrés sans distinction de grade ni d'origine...
Quarante mille hommes morts sans jamais avoir vu ce qu'ils espéraient par-dessus tout : la paix en Europe...
Dans chaque commune de France, des grandes villes jusqu'au plus petit de nos villages, nos monuments aux morts témoignent de ce que fut cette guerre-là : aucune famille ne fut épargnée ni par le deuil ni par la perte de l'un des siens.
Vingt ans à peine après la Grande Guerre, quand le souvenir des morts s'est estompé, que le deuil est devenu moins douloureux et que la vie a repris son cours, voilà qu'éclate une nouvelle guerre.
Peut-on s'imaginer, pour ceux qui les vécurent, ce que furent ces journées de septembre 1939, quand l'Allemagne envahit la Pologne, que la France décréta la mobilisation générale et déclara la guerre au Reich ?
En trois jours, tout avait basculé.
Les conscrits de 1914 étaient-ils morts pour rien ?
Longtemps, les hommes de bonne volonté avaient voulu croire, en France comme en Allemagne, au mot d'ordre des anciens combattants de 1914, ceux qui avaient vécu l'enfer des tranchées, ceux qui avaient vu leurs camarades mourir et partageaient, dès lors, une seule conviction : « Plus jamais ça ! »
Mais, le 3 septembre 1939, tout revenait soudain.
Les historiens appelèrent cela la « Drôle de Guerre ».
Elle ne fut, en vérité, pas drôle du tout : des combats aériens meurtriers, l'offensive de la Sarre, l'enlisement de l'hiver. Bientôt, l'exode et l'anéantissement, puis l'invasion de la France, l'établissement du régime de Vichy, les rafles et la déportation. La France vacilla.
Mais elle ne tomba pas. Autour du général de Gaulle, la flamme de la Résistance française ne s'est pas éteinte. Les Français libres, les résistants, les maquis, les Justes, lui rendirent son honneur avant que se lève l'aube nouvelle de la Libération et une République refondée dans ses valeurs, plus démocratique et plus sociale.
Il y a soixante-dix ans commençait l'un des plus terribles conflits de notre histoire. Et notre pays s'apprête, dès aujourd'hui, à en célébrer le souvenir.
Et si nous commémorons le soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, c'est que nous ne pouvons pas oublier ce qui s'est passé.
C'est le respect dû aux morts, un sentiment filial, celui que témoignent les enfants à leur père.
C'est le respect dû aux combattants, ceux qui risquèrent leur vie, pour la libération du pays, c'est-à-dire pour notre liberté.
C'est le respect dû aux victimes, qui périrent parce que le régime nazi et ses supplétifs l'avaient décidé.
Si nous commémorons le soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale, c'est que nous ne voulons pas oublier ce qui s'est passé.
Au fur et à mesure que passent les années, les combattants, les résistants et les témoins de cette guerre malheureusement s'en vont. Nous avons le devoir, nous avons aussi la volonté de transmettre leur mémoire et leur exemple aux jeunes générations.
Et je voudrais saluer les quatre classes d'Arras, de Rueil-Malmaison et Saint-Cloud, de Strasbourg qui sont avec nous aujourd'hui : leur présence est un symbole fort. Car, le jour venu, ces jeunes Français et ces jeunes Allemands, aussi éloignés soient-ils de cette période-là, devront à leur tour passer le témoin et transmettre la mémoire de cette guerre à ceux qui les suivront.
Et c'est une mémoire partagée qu'ils devront transmettre. C'est en effet vers les jeunes et en direction du grand public qu'une politique de la mémoire prend aujourd'hui tout son sens : celui d'une éducation à la citoyenneté et aux valeurs qui fondent notre République.
Dans ce travail de mémoire, l'Etat sait qu'il peut compter sur le concours encore trop peu reconnu des collectivités territoriales, dont les élus savent porter la mémoire des territoires, avec les associations d'anciens combattants et de victimes, aux côtés des grandes fondations de mémoire et du corps enseignant.
Certes, l'histoire de la Seconde Guerre mondiale appartient à l'histoire de France, comme elle appartient à l'histoire de l'Allemagne et de chacune des nations qui y ont été engagées.
Mais elle appartient, aussi et surtout, à l'histoire de l'Europe.
L'Europe, c'est un appel que nous lance toute l'histoire du vingtième siècle.
L'Europe, c'est notre réponse aux morts de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, à ceux qui ont donné leur vie pour la liberté et pour la paix.
L'Europe, c'est l'unique moyen que nous ayons trouvé pour assurer un juste équilibre et une paix durable entre nos nations.
Mais il ne s'agit pas de conjurer simplement le spectre de la guerre. Il s'agit de défendre les valeurs qui nous unissent, ici et dans le monde. Il s'agit de la doter d'une voix et d'une volonté propres.
Oui, les morts de la Grande Guerre, les morts de la Seconde Guerre mondiale nous invitent à croire à l'Europe de la paix et à l'Europe politique. A y croire et, surtout, à continuer de la construire.
Votre présence, Monsieur le Secrétaire d'Etat, cher Christian Schmidt, témoigne de ce qu'est aujourd'hui l'Europe de la paix.
Je voudrais vous remercier de vous être joint à moi pour présider cette commémoration.
Je voudrais vous remercier également d'avoir tenu les propos que vous avez tenus et de l'avoir fait dans un parfait français. Vous permettrez, pour ma part, que je me contente, pour vous dire ma gratitude, d'utiliser le plus beau mot de la langue de Goethe : « Danke ! »
Tout au long du vingtième siècle, il n'y a certainement pas eu de nations dans le monde qui se sont autant affrontées que la France et l'Allemagne. Entre nos deux pays, les guerres ont succédé aux guerres. Et la haine à la haine : 1870, 1914, 1939...
Mesurons ensemble le chemin parcouru depuis l'oeuvre des pères fondateurs de la réconciliation : Robert Schumann, le chancelier Konrad Adenauer, le Général De Gaulle. Il n'y a pas aujourd'hui dans le monde d'autres nations que la France et l'Allemagne qui soient animées par un désir aussi intense de poursuivre la construction d'un avenir commun.
La réconciliation franco-allemande, la volonté commune de bâtir l'Europe unie, tout cela ne s'est pas construit sur l'oubli ni sur le déni du passé. Mais sur la mémoire. Sur une mémoire vive, une mémoire tournée vers l'avenir.
Le plus grand hommage que nous puissions rendre à ceux qui ont donné leur vie dans les deux guerres mondiales, c'est l'amitié indéfectible entre la France et l'Allemagne.
C'est de cela que nous sommes venus témoigner ensemble aujourd'hui, dans ce haut lieu de mémoire.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 15 septembre 2009