Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à RFI le 11 septembre 2009, sur la présence des militaires français en Afghanistan et sur la vente d'avions Rafale au Brésil.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

F. Rivière.- Bonjour, H. Morin !
 
Bonjour, F. Rivière !
 
Il y a huit ans, jour pour jour, les États-Unis étaient victimes d'une attaque terroriste sans précédent ; deux avions de ligne détournés venaient s'encastrer dans les tours jumelles du World Trade Center. Ces attentats ont fait près de 3 000 morts. Quelques semaines plus tard, le 7 octobre 2001, l'armée américaine lançait les premières frappes contre l'Afghanistan pour renverser le régime des talibans, considéré comme un des principaux foyers du terrorisme islamique. La France est engagée depuis le début dans la coalition internationale. Huit ans plus tard, le pays n'est toujours pas pacifié, les attentats continuent, les talibans continuent d'infliger des pertes aux soldats de la coalition. Comment vous qualifieriez cette opération ? Est-ce que c'est un échec ?
 
Bah, c'est évident qu'il faut que les choses progressent plus qu'elles ne progressent. Disons les choses telles qu'elles sont : nous n'avons pas des résultats qui sont à la hauteur des espoirs que nous avons mis dans cette opération, qui est une opération importante menée par la totalité de la communauté internationale. Mais je voudrais simplement vous faire toucher du doigt une réalité ; cette réalité serait d'imaginer un seul instant ce que pourrait être le départ de cette communauté internationale. Dans l'hypothèse où la communauté internationale venait à partir, nous aurions immédiatement le chaos en Afghanistan, sans aucun doute, très probablement le retour des talibans, et donc à nouveau un pays qui serait un des foyers du terrorisme mondial.
 
Mais les talibans sont déjà de retour, ils gagnent du terrain.
 
Oui, enfin la communauté internationale subit des pertes, mais contrôle tout de même une grande partie du sol et du territoire afghan. La deuxième chose, c'est que l'Afghanistan est au sein d'un arc de crise ; cet arc de crise, l'Afghanistan a pour voisins le Pakistan et l'Iran. Lorsqu'on sait à quel point aujourd'hui la situation est instable au Pakistan, les risques de contagion d'un retour des talibans en Afghanistan sont très importants. Et le Pakistan c'est un pays de 170 millions d'individus détenant l'arme nucléaire. Et donc on voit bien que se joue là-bas une partie de la stabilité du monde. Nous sommes ici pour l'intérêt du monde. Nous y sommes pour non pas seulement mener un combat quelconque, on y est pour garantir et tenter d'assurer la stabilité d'une zone profondément instable.
 
N. Sarkozy va présider dans quelques heures, à Vannes, en Bretagne, la cérémonie d'hommage aux deux Français tués la semaine dernière en Afghanistan. La France a perdu au total trente et un soldats dans ce pays. Le Parti socialiste demande un débat au Parlement sur l'intervention en Afghanistan et notamment, je cite, sur "la nature de l'intervention militaire, ses objectifs, ses méthodes ".
 
Est-ce que vous y êtes favorable ?
 
Ecoutez, ce débat nous l'avons eu il y a quelques mois.
 
Oui, mais la situation a évolué depuis.
 
Non, la situation n'a pas évolué...
 
Il y a une élection présidentielle.
 
L'élection présidentielle n'est pas terminée, déjà. Et, deuxièmement, ce débat nous l'avons eu. Je me permets de vous signaler qu'il restait à peu près quinze socialistes dans l'hémicycle lorsque nous avons eu ce débat, il y a quatre mois ou cinq mois, pour autoriser, dans le cadre de la révision constitutionnelle, le Gouvernement à envoyer des troupes en Afghanistan. Ce que réclame la France, c'est une modification de la stratégie. Et ce changement de stratégie nous l'avons, par exemple, déjà obtenu à travers ce qu'on appelle « l'afghanisation », c'est-à-dire le transfert aux autorités afghanes du contrôle d'un certain nombre de zones, comme c'est en train de se faire aujourd'hui à Kaboul dans la région centre. Ce qu'il faut bien entendu c'est l'adapter. Et cette stratégie, selon moi, doit faire en sorte que nous soyons en mesure de pouvoir obtenir la confiance et la coopération de la population afghane. C'est-à-dire qu'il nous faut mener une action qui donne confiance aux Afghans dans... il faut que les Afghans aient la certitude qu'en coopérant avec la communauté internationale, eh bien leur sécurité est garantie. Or aujourd'hui ils sont dans cette situation où à la fois ils souhaitent la paix, et d'ailleurs le fait qu'il y ait eu autant de votants dans des conditions difficiles le démontre, et en même temps ils sont sous la menace talibane. Et donc il peut y avoir dans certaines zones des coopérations, des collaborations passives, j'allais dire, avec les talibans. Et donc il faut qu'on sorte de cela. Ça veut dire qu'il faut des troupes qui soient plus présentes, qui soient plus proches de la population et qu'au moment même où on assure la sécurité et la stabilité d'une zone, eh bien on mette en place les éléments du développement. Ça, c'est un élément majeur. Le deuxième élément majeur c'est qu'il faut absolument faire des efforts plus importants encore pour le développement des institutions afghanes et améliorer, bien entendu, la gouvernance du pays.
 
Je voudrais qu'on parle un instant des Rafale après l'annonce de la vente de 36 Rafale au Brésil. Le site du Monde affirmait hier que le ministre brésilien vous aurait discrètement rassuré sur la nature du communiqué qui indiquait qu'en fait le processus de sélection allait continuer ; est-ce que, oui ou non, vous avez reçu cette assurance de la part du ministre brésilien de la Défense ?
 
Ecoutez, moi ce que je sais c'est que le Président Lula, chef des Armées, plus haute autorité politique de l'Etat, a indiqué sa préférence pour le Rafale et a indiqué qu'on engageait des négociations, qui sont des négociations forcément longues, parce qu'elles portent sur de nombreux éléments : le financement de l'avion, l'ensemble du système d'armes, comment on effectue les transferts des technologies, comment se met en place le partenariat industriel, donc c'est une discussion de plusieurs mois. Mais très clairement il y a aussi des procédures qu'il faut respecter, des formalités et c'est cela qu'a voulu indiquer le ministre de la Défense Jobim, tout en ayant bien en tête que ça ne remet pas en cause la préférence clairement affichée par le Président Lula.
 
Le Rafale a une longueur d'avance sur les autres ?
 
Nous sommes exactement dans une situation comparable à celle que nous avions connue sur les sous-marins. Parce qu'on parle des Rafale, mais ce qu'on oublie c'est que nous avons signé un contrat extrêmement important sur les sous-marins. Et lorsque j'y suis allé, au mois de décembre, j'ai signé avec mon collègue ministre de la Défense brésilien un protocole ; ce protocole a fait l'objet ensuite d'une longue discussion entre l'industriel et les autorités brésiliennes. Et jeudi, la veille de notre déplacement ou l'avant-veille de notre déplacement, DCNS a signé le contrat définitif sur la construction et la livraison de cinq sous-marins.
 
En quelques secondes, H. Morin, vous avez vu la vidéo qui fait polémique : B. Hortefeux aux universités d'été avec ce jeune militant d'origine arabe ; qu'est-ce que vous ne pensez ?
 
Ecoutez, je crois qu'il faut... Cette polémique n'a pas de sens. Tant B. Hortefeux que la personne qui était à côté de lui ont indiqué que la plaisanterie concernait les Auvergnats, voilà.
 
Merci, H. Morin, bonne journée !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 septembre 2009