Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à France le 11 septembre 2009, sur la progression de l'épidémie de grippe A et la mise sur le marché du vaccin.

Prononcé le

Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour R. Bachelot.
 
Bonjour, monsieur Sicard.
 
Hier, il y a un collège de 850 élèves qui a été fermé près de Montpellier. Est-ce que ça veut dire qu'une nouvelle étape a été franchie dans l'épidémie de grippe A ?
 
Oui, effectivement, depuis la semaine dernière, nous constatons que la circulation du virus est en train de s'accélérer, d'ailleurs les chiffres de l'institut de veille sanitaire sont, à ce sujet, tout à fait parlants et le fait qu'on a fermé, effectivement un collège signe bien cette accélération.
 
Cette semaine, par exemple, on estime à combien, le nombre de nouveaux cas ?
 
Alors 6000 cas effectivement constatés de grippe et 25 000 cas de syndromes de type grippal. Donc là, on est dans une phase d'accélération oui.
 
A propos des fermetures d'écoles, il y a une polémique. Certains spécialistes disent que ça contribue, au contraire à répandre l'épidémie ?
 
Écoutez, les décisions sont prises au cas par cas, en regardant la typologie des établissements. Il ne s'agit jamais d'une fermeture systématique. A partir du moment où on constate un nombre de cas groupés - et trois cas groupés signent ce que les épidémiologistes appellent un cluster -, la question est posée, simplement.
 
Le pic de l'épidémie, ce sera quand ?
 
C'est très difficile à dire. Ce que nous savons et ce que nous attendons, c'est qu'effectivement avec la rentrée des classes d'une part et avec la rentrée sur les lieux de travail, on pourrait avoir un premier pic épidémique - on pourrait avoir, nous disent les épidémiologistes, un premier pic - à la fin septembre début octobre. Mais très probablement, la pandémie évoluera par vagues. Donc ce n'est pas parce que nous aurons un premier pic, que nous pourrions ne pas en avoir d'autres.
 
Et quand est-ce qu'on pourra commencer à vacciner ?
 
Ce que nous savons, c'est que nous recevons les premiers vaccins de différents laboratoires. Mais la question qui est posée, c'est évidemment la question des autorisations de mise sur le marché, car il n'est pas question de commencer à vacciner sans que les procédures de sécurité soient complètement terminées. Alors les laboratoires nous disent, puisqu'ils présentent ces autorisations, ces demandes d'autorisations à une agence européenne du médicament et que les procédures pourraient nous permettre de commencer la vaccination à la fin octobre.
 
Tout le monde ne sera pas vacciné en même temps. Il y aura des priorités ?
 
Bien sûr ! Et pour cela, nous nous en sommes référés à trois instances : le comité de lutte contre la grippe, le comité technique des vaccinations et, en dernière instance, le Haut conseil de la santé publique, qui nous ont conseillé de vacciner l'ensemble de la population, mais selon un ordre de priorité qui veut que d'abord, soient vaccinés d'un côté les professionnels de santé, en contact avec les malades et puis un certain nombre de populations particulièrement fragiles, en particulier les femmes enceintes.
 
Est-ce qu'il faut se faire vacciner, aussi, contre la grippe habituelle ?
 
Oui, alors je suis heureuse que vous posiez la question. Parce que ce ne sont pas les mêmes populations qui sont fragilisées. Il faut en particulier que les personnes plus âgées, les seniors, qui ont l'habitude de se faire vacciner contre la grippe, il faut qu'elles sachent que le vaccin contre la grippe A H1N1 ne les protègera pas de la grippe saisonnière. Il faut donc que dès qu'elles vont recevoir leur bon sur la grippe saisonnière, par la Sécurité sociale, qu'elles se fassent vacciner, disons début octobre, puis par la suite, elles se feront vacciner contre la grippe A H1N1.
 
Sur le vaccin contre la grippe A, il y a une polémique : il y a un tiers des professionnels de la santé qui refuseraient de se faire vacciner, parce qu'ils disent que le vaccin est potentiellement dangereux. Comment vous réagissez ?
 
Non, il faut rassurer tout le monde. D'abord, il y a deux tiers des médecins qui considèrent qu'il est de leur devoir, parce qu'ils sont exposés à la maladie, et ils exposent leurs patients à la contamination, au fait qu'ils pourraient être un foyer de contamination. Il y a quand même deux tiers des professionnels de santé qui prennent leur responsabilité. Là aussi, je veux leur redire, bien sûr que la vaccination n'est pas obligatoire, mais c'est un geste citoyen, c'est un geste pour se protéger eux-mêmes et puis c'est aussi un vaccin altruiste qui protège les autres. Et je sais qu'en général, on a choisi d'être un professionnel de santé parce qu'on est poussé par des motivations de bienveillance. Donc je ne doute pas que ce tiers qui hésite encore, le fera.
 
Est-ce que vous-même, vous allez vous faire vacciner ?
 
Je me ferai vacciner, à mon tour, uniquement à mon tour.
 
C'est-à-dire ?
 
Nous aurons terminé les périodes de vaccination vers le mois de décembre, et je ne suis pas un public prioritaire, donc je serai certainement - et je ne suis pas particulièrement, dans les populations fragiles, je crois que ça apparaît clairement - donc je me ferai vacciner certainement dans la dernière salve.
 
Il y a une autre polémique qui est faite par certains spécialistes qui dissent : finalement, sur la grippe on en fait trop, le Gouvernement prend trop de précautions. Comment vous réagissez à cette polémique-là ?
 
Je réagis avec beaucoup de calme, elle est évidemment inévitable, ce sont les mêmes, qui bien entendu, quand la contamination, quand la pandémie s'accélèrera, nous diront sans doute qu'on n'en fait pas assez. Par contre, moi, ce que je veux dire, c'est que la lutte contre la pandémie, ce n'est pas quelque chose que le Gouvernement mène tout seul. Ca exige de la solidarité de la part de nos concitoyens, de la responsabilité. Le Gouvernement est à sa place, mais sur les gestes barrière par exemple que nous devons mettre en oeuvre tous ensemble, c'est une bonne démarche, c'est une démarche citoyenne et puis ça nous réapprendra peut-être, un certain nombre de valeurs, que notre société ne met pas souvent en exergue.
 
Dans cette épidémie, il y a des paliers, est-ce que si on franchit un nouveau palier, il faudra porter le masque dans la rue, dans les magasins, par exemple ?
 
La question ne se pose pas pour l'instant. Nous attendons de voir comment les chiffres vont évoluer. Le passage en niveau 6 pourrait être une question qui sera posée. Après, évidemment, que ces chiffres... qu'une accélération soit confirmée, mais de toute façon, vous savez le passage au niveau 6, c'est une boîte à outils avec un certain nombre d'outils que nous utiliserons en fonction de ce que nous dirons les épidémiologistes, c'est-à-dire les spécialistes de cette épidémie de grippe.
 
Mais ça veut dire que même si le niveau 6 était atteint, tout le monde ne devrait pas porter un masque ?
 
Exactement ! Qu'est-ce que c'est la doctrine, parce que je vois un certain nombre d'erreurs qui sont commises. Qu'est-ce que c'est la doctrine, pour ce qui concerne les masques ? Portent des masques les professionnels de santé - il y a des masques spéciaux, des masques qu'on dit FFP2 - les professionnels de santé, qui sont en contact avec des malades. Et puis portent des masques chirurgicaux, qu'on appelle des masques altruistes, les malades pour éviter qu'ils projettent des virus vers leurs proches. Donc il n'y a aucune raison, R. Sicard, pour que vous présentiez cette interview tous les matins avec un masque.
 
Ce n'est pas prévu, pour l'instant.
 
Ah ! Tant mieux.
 
Sur une autre question d'actualité, il y a une polémique autour de B. Hortefeux. Certains l'accusent de racisme après une vidéo diffusée sur Internet. La gauche demande sa démission, comment vous, vous réagissez ?
 
Je suis révoltée par un procès médiatique absolument misérable. B. Hortefeux est un homme de coeur, il est un homme de dignité, moi, je travaille avec lui, j'allais dire quotidiennement, dans le cadre justement de cette préparation à la pandémie grippale, puisqu'il est à la tête de la cellule interministérielle de crise. Je peux apprécier au jour le jour ses qualités d'homme d'Etat et vraiment je le redis, ce procès médiatique est misérable.
 
Merci, R. Bachelot.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 septembre 2009