Texte intégral
C. Bayt-Darcourt.- La Question du jour, ce matin, avec le ministre de la Défense, en direct d'Afghanistan. Vous vous trouvez précisément sur la base française de Tagap (phon.) c'est au Nord-Est de Kaboul. Trois mille soldats français sont en Afghanistan, 31 sont morts depuis 2001 ; les attaques des talibans se multiplient contre les militaires étrangers. On a compris que vous ne voulez pas que la France s'en aille maintenant. Alors, quand ?
La question ne se pose pas en terme de date arrêtée. Ce qu'il faut, c'est que nous continuions à oeuvrer, dans le cadre d'une double action, une action militaire pour assurer la sécurité et la stabilité, mais il n'y aura pas de victoire seulement militaire. Et donc, il faut en même temps faire en sorte qu'on crée un lien de confiance, de coopération avec les populations pour que cette population considère que son avenir et sa sécurité c'est avec les forces de l'Alliance et avec les forces de l'armée nationale afghane qu'elle doit jouer. Et c'est parce que vous aurez créé ce lien de confiance et de coopération que la pression sociale des habitants sera suffisamment forte pour que, progressivement, les insurgés lâchent les armes.
Vous parlez de sécurité, mais il y a encore des attentats quasiment tous les jours ; encore un hier, à Kaboul : il a fait 16 morts, six militaires italiens tués. C'est l'année la plus meurtrière en Afghanistan, il n'y a pas vraiment de sécurité, pourtant on est là-bas depuis 2001. Ça n'a rien changé...
Ecoutez, ça c'est une appréciation qui est celle que vous pouvez avoir dans un studio, à Paris. Quand vous êtes en vallée de Surobi et que vous constatez qu'aujourd'hui des militaires peuvent aller dans le bazar de la principale ville sans être armés pour aller y faire leurs courses, c'est bien la preuve que les choses s'améliorent. Alors bien entendu, c'est très variable d'une vallée à l'autre, d'une région à l'autre, de l'Est à l'Ouest. Tout ça ne peut pas faire l'objet d'une appréciation générale, on n'est jamais à l'abri même dans les endroits qui ont été stabilisés, sécurisés, où les choses vont beaucoup mieux, d'une infiltration de talibans. Mais en vérité, là où on une attitude, qui n'est pas seulement une attitude militaire, de lutte contrer les talibans mais au contraire, une attitude qui cherche à construire, à faire en sorte que les instruments du développement se mettent en place, eh bien on constate que le savoir-faire de l'armée française est capable d'améliorer réellement la situation.
Est-ce qu'il va y avoir, comme le réclame l'opposition, un nouveau débat sur la présence française en Afghanistan, ou alors pour vous le sujet est clos, on reste, point final ?
C'est au Gouvernement d'en décider...
Vous en faites partie !
Oui, mais enfin, le Gouvernement c'est un organe collégial, ça ne se limite pas au ministre de la Défense. Ce que je sais c'est que, lorsque nous avons eu ce débat il y a quelques mois, le PS s'était opposé à la présence française en Afghanistan. Désormais, il réclame un débat avec un changement de stratégie. Je crois aujourd'hui que ce changement de stratégie a lieu, que les Américains ont enfin entendu ce que nous disions depuis plus d'un an et demi. Moi je veux bien un débat, mais je vous rappelle que lorsque nous avons eu ce débat, le groupe socialiste devait être à peu près entre 10 et 15 députés en fin de débat. Donc, faut-il encore que ce débat ait un sens.
"Assurer la sécurité", dites-vous, il y a aussi le filon de la drogue, de la corruption. Qu'est-ce qu'on fait contre ça ?
Oui, bien entendu, il pèse sur les épaules du futur gouvernement afghan une immense responsabilité. Cette responsabilité, c'est celle d'un peuple qui, menacé de mort par les talibans, est quand même allé voter. L'armée française nous racontait hier que, sous le déluge des roquettes, les Afghans allaient voter dans un certain nombre de villages où les talibans sont encore présents, et les Afghans ont fait cet acte de foi, de croire que leur avenir était un avenir de paix, et que cet acte démocratique était un acte fondamental pour donner une nouvelle légitimité au gouvernement issu des urnes. Et donc, il pèse une énorme responsabilité qui est celle d'engager la réconciliation nationale, qui est celle de lutter réellement contre la corruption, corruption qui s'appuie notamment sur le trafic de drogue.
On ne peut quand même oublier qu'il y a une crise politique en Afghanistan, apparemment il y a des fraudes à la présidentielle. Du coup, H. Karzaï ne peut pas encore être élu, il va y avoir des enquêtes. Est-ce que la France soutient toujours ce Président ?
La France soutien le Gouvernement qui sera issu des urnes. Il y a deux commissions électorales indépendantes : l'une, afghane, l'autre, internationale. On est en train de procéder au décompte et au recomptage des voix, aux corrections et au rectifications qui doivent avoir lieu, et j'ai été ravi de lire il y a peu de temps une dépêche du Président Karzaï indiquant qu'il se soumettrait au résultat de ces commissions électorales. Donc, le processus démocratique est un processus démocratique normal. Il n'y a pas de crise politique, il y a eu une campagne électorale, et à l'issue de cette campagne, il y a eu un certain nombre de contestations, ça existe partout.
Et vous, H. Morin, en tant que ministre français de la Défense, qu'est-ce que vous préfèreriez : installer au plus vite un nouveau gouvernement, avec H. Karzaï comme Président, ou alors organiser un deuxième tour pour que H. Karzaï ait une vraie légitimité, ce qui n'est pas le cas pour l'instant ?
Bien entendu, l'essentiel est que l'ensemble du processus démocratique s'exerce, et donc que ces commissions électorales indépendantes puissent jouer leur rôle. Si, à la proclamation des résultats, il faut un second tour, il y aura un second tour. Il est évident que ce second tour ne serait pas simple à organiser puisque nous arrivons aux portes de l'hiver, et donc, probablement, ce second tour ne pourrait avoir lieu qu'à la sortie de l'hiver. Donc, je ne sais pas si l'Afghanistan peut se payer le luxe d'avoir sept à huit encore de campagne électorale et d'instabilité politique, mais si le processus démocratique impose un second tour, il faut qu'il y ait un second tour.
Une question sur le bouclier anti-missiles que les Américains renoncent finalement à installer en Europe. C'est un soulagement pour la France, un espoir de détente avec les Russes ?
Dans le cadre des conversations que nous pouvions avoir, nous avions toujours exprimé une certaine réserve sur ce bouclier anti-missiles, parce que nous estimions qu'il fallait créer les conditions - qu'il faut créer les conditions - permettant d'engager une discussion avec les Russes notamment, pour créer un espace de sécurité et de confiance sur le continent européen. Et que ce bouclier anti-missiles était un facteur qui empêchait notamment cette volonté-là que nous avons, et que les Russes ont aussi exprimée, de faire de l'Europe un espace de sécurité et de stabilité. Et donc, la décision du Président Obama me semble une bonne décision, déjà sur cet aspect politique. Par ailleurs, sur l'aspect technique ou stratégique, une défense anti-missiles cela impose de se poser un certain nombre de questions : quelle est la menace réelle qui est visée ? Quels sont les moyens technologiques ? Et enfin, quel est le coût ? Parce que c'est une opération, c'est un équipement qui est extrêmement lourd, financièrement, et vous le savez, les budgets de défense, notamment européens, sont relativement faibles, à l'exception de celui de la France et du Royaume-Uni.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2009
La question ne se pose pas en terme de date arrêtée. Ce qu'il faut, c'est que nous continuions à oeuvrer, dans le cadre d'une double action, une action militaire pour assurer la sécurité et la stabilité, mais il n'y aura pas de victoire seulement militaire. Et donc, il faut en même temps faire en sorte qu'on crée un lien de confiance, de coopération avec les populations pour que cette population considère que son avenir et sa sécurité c'est avec les forces de l'Alliance et avec les forces de l'armée nationale afghane qu'elle doit jouer. Et c'est parce que vous aurez créé ce lien de confiance et de coopération que la pression sociale des habitants sera suffisamment forte pour que, progressivement, les insurgés lâchent les armes.
Vous parlez de sécurité, mais il y a encore des attentats quasiment tous les jours ; encore un hier, à Kaboul : il a fait 16 morts, six militaires italiens tués. C'est l'année la plus meurtrière en Afghanistan, il n'y a pas vraiment de sécurité, pourtant on est là-bas depuis 2001. Ça n'a rien changé...
Ecoutez, ça c'est une appréciation qui est celle que vous pouvez avoir dans un studio, à Paris. Quand vous êtes en vallée de Surobi et que vous constatez qu'aujourd'hui des militaires peuvent aller dans le bazar de la principale ville sans être armés pour aller y faire leurs courses, c'est bien la preuve que les choses s'améliorent. Alors bien entendu, c'est très variable d'une vallée à l'autre, d'une région à l'autre, de l'Est à l'Ouest. Tout ça ne peut pas faire l'objet d'une appréciation générale, on n'est jamais à l'abri même dans les endroits qui ont été stabilisés, sécurisés, où les choses vont beaucoup mieux, d'une infiltration de talibans. Mais en vérité, là où on une attitude, qui n'est pas seulement une attitude militaire, de lutte contrer les talibans mais au contraire, une attitude qui cherche à construire, à faire en sorte que les instruments du développement se mettent en place, eh bien on constate que le savoir-faire de l'armée française est capable d'améliorer réellement la situation.
Est-ce qu'il va y avoir, comme le réclame l'opposition, un nouveau débat sur la présence française en Afghanistan, ou alors pour vous le sujet est clos, on reste, point final ?
C'est au Gouvernement d'en décider...
Vous en faites partie !
Oui, mais enfin, le Gouvernement c'est un organe collégial, ça ne se limite pas au ministre de la Défense. Ce que je sais c'est que, lorsque nous avons eu ce débat il y a quelques mois, le PS s'était opposé à la présence française en Afghanistan. Désormais, il réclame un débat avec un changement de stratégie. Je crois aujourd'hui que ce changement de stratégie a lieu, que les Américains ont enfin entendu ce que nous disions depuis plus d'un an et demi. Moi je veux bien un débat, mais je vous rappelle que lorsque nous avons eu ce débat, le groupe socialiste devait être à peu près entre 10 et 15 députés en fin de débat. Donc, faut-il encore que ce débat ait un sens.
"Assurer la sécurité", dites-vous, il y a aussi le filon de la drogue, de la corruption. Qu'est-ce qu'on fait contre ça ?
Oui, bien entendu, il pèse sur les épaules du futur gouvernement afghan une immense responsabilité. Cette responsabilité, c'est celle d'un peuple qui, menacé de mort par les talibans, est quand même allé voter. L'armée française nous racontait hier que, sous le déluge des roquettes, les Afghans allaient voter dans un certain nombre de villages où les talibans sont encore présents, et les Afghans ont fait cet acte de foi, de croire que leur avenir était un avenir de paix, et que cet acte démocratique était un acte fondamental pour donner une nouvelle légitimité au gouvernement issu des urnes. Et donc, il pèse une énorme responsabilité qui est celle d'engager la réconciliation nationale, qui est celle de lutter réellement contre la corruption, corruption qui s'appuie notamment sur le trafic de drogue.
On ne peut quand même oublier qu'il y a une crise politique en Afghanistan, apparemment il y a des fraudes à la présidentielle. Du coup, H. Karzaï ne peut pas encore être élu, il va y avoir des enquêtes. Est-ce que la France soutient toujours ce Président ?
La France soutien le Gouvernement qui sera issu des urnes. Il y a deux commissions électorales indépendantes : l'une, afghane, l'autre, internationale. On est en train de procéder au décompte et au recomptage des voix, aux corrections et au rectifications qui doivent avoir lieu, et j'ai été ravi de lire il y a peu de temps une dépêche du Président Karzaï indiquant qu'il se soumettrait au résultat de ces commissions électorales. Donc, le processus démocratique est un processus démocratique normal. Il n'y a pas de crise politique, il y a eu une campagne électorale, et à l'issue de cette campagne, il y a eu un certain nombre de contestations, ça existe partout.
Et vous, H. Morin, en tant que ministre français de la Défense, qu'est-ce que vous préfèreriez : installer au plus vite un nouveau gouvernement, avec H. Karzaï comme Président, ou alors organiser un deuxième tour pour que H. Karzaï ait une vraie légitimité, ce qui n'est pas le cas pour l'instant ?
Bien entendu, l'essentiel est que l'ensemble du processus démocratique s'exerce, et donc que ces commissions électorales indépendantes puissent jouer leur rôle. Si, à la proclamation des résultats, il faut un second tour, il y aura un second tour. Il est évident que ce second tour ne serait pas simple à organiser puisque nous arrivons aux portes de l'hiver, et donc, probablement, ce second tour ne pourrait avoir lieu qu'à la sortie de l'hiver. Donc, je ne sais pas si l'Afghanistan peut se payer le luxe d'avoir sept à huit encore de campagne électorale et d'instabilité politique, mais si le processus démocratique impose un second tour, il faut qu'il y ait un second tour.
Une question sur le bouclier anti-missiles que les Américains renoncent finalement à installer en Europe. C'est un soulagement pour la France, un espoir de détente avec les Russes ?
Dans le cadre des conversations que nous pouvions avoir, nous avions toujours exprimé une certaine réserve sur ce bouclier anti-missiles, parce que nous estimions qu'il fallait créer les conditions - qu'il faut créer les conditions - permettant d'engager une discussion avec les Russes notamment, pour créer un espace de sécurité et de confiance sur le continent européen. Et que ce bouclier anti-missiles était un facteur qui empêchait notamment cette volonté-là que nous avons, et que les Russes ont aussi exprimée, de faire de l'Europe un espace de sécurité et de stabilité. Et donc, la décision du Président Obama me semble une bonne décision, déjà sur cet aspect politique. Par ailleurs, sur l'aspect technique ou stratégique, une défense anti-missiles cela impose de se poser un certain nombre de questions : quelle est la menace réelle qui est visée ? Quels sont les moyens technologiques ? Et enfin, quel est le coût ? Parce que c'est une opération, c'est un équipement qui est extrêmement lourd, financièrement, et vous le savez, les budgets de défense, notamment européens, sont relativement faibles, à l'exception de celui de la France et du Royaume-Uni.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2009