Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à RTL le 31 août 2009, sur l'étendue de l'épidémie de la grippe A et le calendrier de la mise sur le marché du vaccin.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour R. Bachelot.
 
Bonjour, J.-M. Aphatie.
 
Vous avez bien fait de venir sur RTL ce matin. Sondage Harris- Interactive pour RTL : 58 % des Français sont satisfaits de l'action du Gouvernement dans la gestion de la crise de la grippe A. Pas de commentaire ?
 
Merci... Merci aux Français.
 
Etes-vous certaine que la France soit touchée par l'épidémie et quand ?
 
La France est d'ores et déjà touchée par la grippe A. Nous avons plus d'un millier de cas en France métropolitaine et nous en avons beaucoup plus dans l'Outre-Mer. Je rentre de La Réunion où nous avons enregistré la semaine dernière, à La Réunion, plus de 9.000 cas. Donc, il faut prendre ce risque de pandémie grippale, avec calme comme les Français, et avec détermination.
 
Mais quand est-ce que la grippe A de manière massive sera présente en métropole ?
 
Alors, on sait bien que les virus de la grippe circulent beaucoup plus volontiers en période de plus grand froid, en période hivernal. Donc, on peut attendre une montée de la pandémie grippale au début de l'automne, dans le courant du dernier trimestre de 2009.
 
Plusieurs millions de personnes touchées à ce moment, par hypothèse ?
 
Il est trop tôt, moi je ne fais pas de calcul de ce type. Les experts sont d'ailleurs assez divisés entre eux, vous l'avez noté, quelques déclarations...
 
Les experts sont toujours divisés.
 
...Quelques déclarations contradictoires. Je me fonde néanmoins sur l'avis des infectiologues, des épidémiologistes. J'essaie de dégager les consensus scientifiques les plus larges en ce domaine. Ce ne sont pas toujours les experts les plus solides qui parlent le plus devant les micros d'ailleurs. Donc j'écoute les experts les plus sérieux, qui prévoient effectivement l'arrivée, le pic pandémique, dans le courant du dernier trimestre.
 
Et certains experts disent qu'à ce moment-là, vous n'aurez pas encore les vaccins.
 
Nous avons déjà des vaccins, nous en avons reçu...
 
Combien ?
 
Pas beaucoup, quelques milliers.
 
Vous ne donnez pas de chiffre.
 
Pour l'instant, je ne souhaite pas dire de chiffre. Ce qui est sûr, c'est que la France, donc le gouvernement français, a commandé 94 millions de doses. Vous savez qu'il faut deux doses pour vacciner chaque personne. Nous en avons 30 millions d'autres en pré-réservation. Ce que je veux c'est...
 
 94 plus 30.
 
Voilà. Ce que je veux c'est, assurer à tous les Français la possibilité de se faire vacciner.
 
Est-ce que vous aurez assez de doses de vaccins quand l'épidémie se déclarera vraiment ? Est-ce que vous serez livré à temps ?
 
Ce que nous dit l'industrie pharmaceutique c'est que les livraisons vont s'échelonner à partir de la fin septembre. Mais il y a un autre point d'interrogation que vous n'avez pas soulevé : c'est l'autorisation de mise sur le marché. Il ne suffit pas d'avoir des vaccins. Moi je veux offrir à mes compatriotes des vaccins parfaitement sécurisés, dans leur efficacité bien sûr mais aussi dans leur innocuité et l'industrie pharmaceutique nous dit, ainsi que l'Agence européenne du médicament, qui est à la manoeuvre pour procéder à ces autorisations, que nous pourrions avoir des vaccins avec une autorisation de mise sur le marché à la mi octobre.
 
Les écoliers vont rentrer cette semaine. A partir de combien de cas déclarés dans une école celle-ci sera-t-elle fermée ?
 
Il n'y a pas de chiffre. Ce qui signe le concept de "cas groupés", c'est trois cas, mais cela ne veut pas dire du tout que l'école ferme à partir de trois cas.
 
Vous éviterez de fermer les écoles ?
 
J'éviterai bien entendu de fermer les écoles. J'ai demandé aux préfets, c'est aux préfets de prendre cette décision, d'agir au cas par cas, à partir évidemment de la topologie par exemple de l'école : est-ce que l'école est dans un seul bâtiment, est-ce que c'est une structure pavillonnaire ? Il y a beaucoup de choses à rentrer, à mettre en cause, dans cette affaire. Donc, trois cas ça signe "cas groupés", ça ne veut pas dire fermeture de l'école.
 
Des masques seront distribués gratuitement dans les pharmacies pour les gens qui seront porteurs du virus. R. Yade disait aussi que la Ligue de football professionnel - je la cite - "mettra en place des masques gratuits à destination des supporters, s'ils le souhaitent, dans les stades". C'est vrai que vous allez jusque là ?
 
C'est une réponse inappropriée. Ah ! Je veux bien indiquer quelle est la doctrine en matière de port de masque. Il y a deux types de masque : les masques qu'on appelle FFP2, qui sont destinés aux professionnels : les médecins en particulier, les infirmières, qui sont en contact avec les personnes malades. Et les masques chirurgicaux, qui sont destinés aux personnes porteuses du virus. Il n'y a aucune raison pour l'instant d'aller dans les stades avec un masque.
 
On ne verra pas de tribune avec des gens masqués ?
 
C'est une réponse inappropriée. Je crois savoir que la Fédération de football, si elle a eu cette idée, évidemment a écouté les préconisations du ministère de la Santé qui sont les préconisations de raison.
 
Et R. Yade, secrétaire d'Etat aux Sports, a peut-être mal compris ce que vous lui avez expliqué ?
 
Sans doute.
 
Sans doute. L'urologue B. Debré, qui est aussi député UMP, dit que "pour une grippette, vous faites beaucoup de bruit" ?
 
Certes, le virus est peu sévère - je n'aime pas d'ailleurs le terme de bénin qui est parfois employé - le virus est peu sévère mais c'est un virus très contaminant, très diffusant. Nous savons aussi que certaines personnes fragiles peuvent être particulièrement menacées par ce virus. Nous savons aussi que la grippe saisonnière, que nous ne craignons pas, est quand même à l'origine de entre 2.500 et 6.000 décès dans notre pays. A partir du moment où ce virus est très contaminant, il faut prendre ce problème avec calme mais avec sérieux, car cela exige un certain nombre de choses : des implications citoyennes dans les gestes barrières, sur lequel nous faisons évidemment une très grosse communication ; la mise en tension de notre appareil sanitaire, l'hôpital, la médecine de ville... Et puis, nous préparer à cette campagne vaccinale. Donc, ce n'est pas parce que nous prenons les choses avec calme qu'il ne faut pas les prendre avec détermination.
 
Donc, vous n'en faites pas trop ?
 
Les Français le pensent.
 
Vous continuerez de répondre aux auditeurs de RTL à partir de 8h35. Une ou deux petites questions complémentaires sur la politique. Vous avez une crise sanitaire sur les bras. Vous allez trouver le temps pour mener la campagne des régionales dans les Pays de Loire, où vous êtes tête de liste. On peut tout faire à la fois ?
 
Oui, je le crois. Je ferai de toutes façons ce que me demandera le président de la République en fonction de la situation.
 
Mais vous êtes candidate ?
 
Je suis candidate, effectivement.
 
Et vous aurez le temps, en étant ministre de la Santé, de mener cette campagne ? Si vous êtes élue présidente de la région, puisqu'on parle beaucoup de cumul des mandats, vous demeurerez ministre de la Santé ?
 
Je ferai, là aussi, ce que me demandera le président de la République.
 
C'est une façon de ne pas répondre, ce matin.
 
Je me sens apte à faire les deux choses. Mais c'est le président de la République qui décide. On n'est pas propriétaire, j'ai cru le comprendre, d'un poste de ministre.
 
Vous ferez liste commune avec P. de Villiers ?
 
Oui, absolument, si on est d'accord.
 
Vous allez déjeuner bientôt ensemble, lit-on dans la presse ce matin.
 
La presse est drôlement bien informée. Oui, effectivement.
 
C'est quand que vous déjeunez avec P. de Villiers ?
 
Je crois que c'est le 17 septembre.
 
17 septembre, très bien, il y aura sans doute des journalistes au restaurant. Durant sa campagne présidentielle - c'était il y a deux ans, mais ce n'est pas sûr qu'il ait changé d'idées - P. de Villiers proposait de donner un statut à l'embryon dès sa conception, ce qui était une manière de dire qu'il s'oppose à l'avortement. Alors, vous ferez un beau ticket tous les deux.
 
Je ne partage pas un certain nombre d'idées de P. de Villiers, il le sait. Mais vous savez, j'ai été vice présidente de la région des Pays de la Loire. Il y a très longtemps que nous nous déployons ensemble pour le bien être des citoyens des Pays de la Loire, et sur les dossiers des Pays de la Loire, il n'y a pas une feuille de papier à cigarette entre nous.
 
On peut être opposé sur des questions importantes, mais faire de la politique ensemble ? C'est pour ça que les gens ont du mal à comprendre parfois.
 
Faire de la gestion régionale ensemble, les socialistes sont là pour nous le démontrer.
 
R. Bachelot, qui n'a pas répondu que sur la grippe A, mais qui va poursuivre sur la grippe A, était l'invitée de RTL.
  Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre 2009