Texte intégral
C. Barbier.- A. Merkel a remporté les élections législatives en Allemagne. Elle va composer une coalition avec les libéraux. En quoi ce virage à droite peut-il modifier les relations franco-allemandes ?
Cela ne modifiera pas. Nous avons des relations extrêmement proches avec l'Allemagne, de plus en plus proches, surtout depuis la crise, qui a amené les deux pays à vraiment travailler ensemble. Nous attendons avec impatience la formation du prochain Gouvernement. Il y a énormément de travail devant nous. Les relations sont vraiment excellentes, d'une très grande proximité et elles vont continuer.
Est-ce que la coalition avec les libéraux ne va pas faire pencher le Gouvernement allemand vers des solutions anticrise différentes plus éloignées de celles que mettent en place le Gouvernement français, qui sont assez keynésiennes ?
J'entends cet argument, mais il ne correspond pas à la réalité. La réalité c'est que si vous regardez... Malheureusement, les deux pays subissent les mêmes contraintes nées de la crise. Et les plans de relance sont très semblables, voire les mêmes. Les déficits sont très semblables aussi. Nous avons un pourcentage d'endettement malheureusement très élevé dans les deux pays et à peu près dans les mêmes eaux, pour cette année et l'année prochaine.
L'engagement allemand contre le déficit est quand même beaucoup plus ferme qu'en France, où on tolère !
Ils l'ont inscrit dans leur Constitution, c'est vrai, à partir de 2013. Dans la réalité des choses, ils sont quand même obligés d'aider leur économie de la même façon que nous sommes obligés de maintenir cette économie qui, pour la croissance, est encore très, très fragile, des deux côtés du Rhin. Je ne crois pas, honnêtement, depuis que j'ai été nommé, je n'ai pas entendu de donneurs de leçon en Allemagne. Au contraire, les deux pays sont sous les mêmes contraintes. Je vois des éditoriaux de ce genre, en disant : attention, les deux pays sont en train de diverger. Je ne vois pas cela dans la réalité. Je vois au contraire un secteur privé déterminé, des deux côtés du Rhin, à travailler ensemble sur des politiques industrielles communes, le désir d'avancer sur des sujets comme la politique énergétique commune, sur les grands sujets de l'Europe face à la mondialisation. Je ne vois pas ce climat de donneur de leçon ou de divorce sur les politiques économiques.
Vous parlez d'énergie. Vous attendez de ce nouveau gouvernement allemand qu'il mette fin au moratoire sur le nucléaire. En 2020, l'Allemagne devrait abandonner le nucléaire. Ils revenir là-dessus ?
Ce serait une bonne nouvelle pour l'Europe et pour le monde que de voir un grand pays comme l'Allemagne rejoindre la France dans la construction d'une part significative d'énergie nucléaire à l'échelle mondiale, je crois qu'on en a besoin, si on veut être dans les clous des engagements de Copenhague.
Faut-il créer une taxe carbone à l'entrée des frontières ? C'était l'un des projets d'A. Merkel et de N. Sarkozy ?
Là aussi, quand je disais tout à l'heure que les deux pays travaillent vraiment ensemble, si vous regardez les résultats du week-end à Pittsburgh, qui a coïncidé avec l'élection allemande, on voit bien que sur l'ensemble des points qui ont été obtenus, de la gouvernance des banques au bonus en passant par les normes comptables, etc., tout cela a été dans la lettre commune Sarkozy/Merkel. Donc les deux pays travaillent vraiment ensemble. Et, s'agissant de la taxe aux frontières, c'est une arme de dissuasion. Nous faisons deux choses en direction des pays émergents et des grands pays pollueurs comme les Etats-Unis et la Chine, disons que d'un côté nous sommes prêts à aider les pays du Tiers-monde [par] transfert de technologie et transfert d'argent pour décarboner leurs économies. Mais en revanche, il n'est pas question non plus d'accepter un dumping écologique sur nos entreprises, donc la possibilité d'avoir une taxe carbone aux frontières de l'Union et là nous sommes en phase avec les allemands.
Vous vous êtes occupé du dossier afghan avant d'être ministre, avant d'être au Gouvernement. Cette victoire de la droite va-t-elle mettre un terme à la polémique allemande sur la présence de la Bundeswehr à Kaboul ?
La polémique a joué un rôle très court. Elle n'a pas pesé sur la campagne électorale. Elle est venue au moment où il y a eu cet incident terrible, entre guillemets, d'une "bavure", d'un bombardement, demandé à l'époque par un officier allemand sur le terrain, ça avait entraîné toute une controverse. Connaissant un peu l'Afghanistan, ce genre de choses est malheureusement très difficile à éviter quand les forces sont prises sous feu, et la controverse est retombée.
Les Allemands resteront à Kaboul, dans la coalition ?
Je le souhaite parce que, d'abord, ils ont 4.200 hommes, et qu'il y a un élément de cohésion européenne dans cette affaire, même si les contingents ne sont pas aux mêmes endroits, il est important que les Européens soient présents, ne serait-ce que parce que nous portons aussi une philosophie différente de celle des Etats-Unis sur la façon de sortir de cette crise. Par exemple, je le dis en un mot, l'essentiel de l'effort doit être de nature civile et économique. L'urgence c'est de former la police et l'armée afghanes, moins d'aller chasser le terroriste dans les montagnes. Et là-dessus, il y a une approche européenne dans ce conflit.
C'est en chassant le terroriste et c'est en infiltrant les lignes ennemies que des soldats français sont morts, quatre encore ce week-end, par accident. Est-ce que l'armée française est bien encadrée, bien formée ?
L'armée française fait un boulot formidable, il faut voir ce que c'est que la géographie de ce pays, notamment dans la région où nous sommes déployés, c'est un terrain extrêmement, extrêmement dur, et l'hiver arrivant, il y a maintenant de l'eau, il y a... C'est très, très dur, c'est très, très dur, et moi je rends hommage... Tous les jours, je pense à nos soldats, là-bas.
Référendum en Irlande, vendredi, sur le Traité de Lisbonne. Que faire, que fera le président de la République française, si le non l'emporte ?
Je ne vais pas spéculer sur l'issue du référendum...
Vous êtes obligé de prévoir un petit peu quand même...
Prévoir, on le fait, spéculer publiquement, on ne le fait pas.
Il y a un plan B dans les tiroirs ?
Je ne vais pas en dire plus. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, parce que le sort de 500 millions d'Européens est entre les mains - le sort institutionnel - est entre les mains de 3 ou 4 millions d'électeurs irlandais, c'est une campagne très indécise. Je m'y suis rendu fin juillet, c'était très indécis, ça le demeure. On va voir comment on sort. Quoi qu'il arrive, l'Europe avancera parce que nous n'avons pas le choix. Nous sommes face à un monde qui va passer à 9 milliards d'hommes dans les trente ans qui viennent. Il y a énormément de travail à faire, en matière énergétique, en matière d'immigration, en matière d'industrie, en matière de social, et on ne va pas s'arrêter. Donc on trouvera les solutions si jamais nous étions devant une situation de ce genre.
M. Barnier sera le prochain commissaire français à Bruxelles ?
Il faut demander au président de la République, c'est lui qui nomme.
Et c'est votre choix aussi, vous seriez pour, ça vous irait ?
M. Barnier est un ami, il a montré ses compétences en matière européenne, mais encore une fois, la décision elle est celle du président de la République. Quant à la nature du siège, on peut avoir nos préférences, mais au final, c'est le résultat de négociations entre les chefs d'Etat avec le président Barroso qui vient d'être réélu.
La Suisse n'est pas dans l'Union européenne, mais allez-vous intervenir pour que R. Polanski, le cinéaste, soit libéré, ou souhaitez-vous au contraire qu'il soit extradé vers les Etats-Unis ?
Le ministre des Affaires étrangères, mon supérieur direct, B. Kouchner, est intervenu la veille. Moi-même, je suis un peu étonné quand même que Polanski ayant une maison en Suisse depuis des années, cette manifestation étant dédiée à son oeuvre, il soit arrêté de façon... C'est très surprenant ce qui s'est passé. Je me demande qu'est-ce qui a pu motiver une décision de ce genre, compte tenu des circonstances, du fait que cette personne habite la Suisse depuis longtemps.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 septembre 2009
Cela ne modifiera pas. Nous avons des relations extrêmement proches avec l'Allemagne, de plus en plus proches, surtout depuis la crise, qui a amené les deux pays à vraiment travailler ensemble. Nous attendons avec impatience la formation du prochain Gouvernement. Il y a énormément de travail devant nous. Les relations sont vraiment excellentes, d'une très grande proximité et elles vont continuer.
Est-ce que la coalition avec les libéraux ne va pas faire pencher le Gouvernement allemand vers des solutions anticrise différentes plus éloignées de celles que mettent en place le Gouvernement français, qui sont assez keynésiennes ?
J'entends cet argument, mais il ne correspond pas à la réalité. La réalité c'est que si vous regardez... Malheureusement, les deux pays subissent les mêmes contraintes nées de la crise. Et les plans de relance sont très semblables, voire les mêmes. Les déficits sont très semblables aussi. Nous avons un pourcentage d'endettement malheureusement très élevé dans les deux pays et à peu près dans les mêmes eaux, pour cette année et l'année prochaine.
L'engagement allemand contre le déficit est quand même beaucoup plus ferme qu'en France, où on tolère !
Ils l'ont inscrit dans leur Constitution, c'est vrai, à partir de 2013. Dans la réalité des choses, ils sont quand même obligés d'aider leur économie de la même façon que nous sommes obligés de maintenir cette économie qui, pour la croissance, est encore très, très fragile, des deux côtés du Rhin. Je ne crois pas, honnêtement, depuis que j'ai été nommé, je n'ai pas entendu de donneurs de leçon en Allemagne. Au contraire, les deux pays sont sous les mêmes contraintes. Je vois des éditoriaux de ce genre, en disant : attention, les deux pays sont en train de diverger. Je ne vois pas cela dans la réalité. Je vois au contraire un secteur privé déterminé, des deux côtés du Rhin, à travailler ensemble sur des politiques industrielles communes, le désir d'avancer sur des sujets comme la politique énergétique commune, sur les grands sujets de l'Europe face à la mondialisation. Je ne vois pas ce climat de donneur de leçon ou de divorce sur les politiques économiques.
Vous parlez d'énergie. Vous attendez de ce nouveau gouvernement allemand qu'il mette fin au moratoire sur le nucléaire. En 2020, l'Allemagne devrait abandonner le nucléaire. Ils revenir là-dessus ?
Ce serait une bonne nouvelle pour l'Europe et pour le monde que de voir un grand pays comme l'Allemagne rejoindre la France dans la construction d'une part significative d'énergie nucléaire à l'échelle mondiale, je crois qu'on en a besoin, si on veut être dans les clous des engagements de Copenhague.
Faut-il créer une taxe carbone à l'entrée des frontières ? C'était l'un des projets d'A. Merkel et de N. Sarkozy ?
Là aussi, quand je disais tout à l'heure que les deux pays travaillent vraiment ensemble, si vous regardez les résultats du week-end à Pittsburgh, qui a coïncidé avec l'élection allemande, on voit bien que sur l'ensemble des points qui ont été obtenus, de la gouvernance des banques au bonus en passant par les normes comptables, etc., tout cela a été dans la lettre commune Sarkozy/Merkel. Donc les deux pays travaillent vraiment ensemble. Et, s'agissant de la taxe aux frontières, c'est une arme de dissuasion. Nous faisons deux choses en direction des pays émergents et des grands pays pollueurs comme les Etats-Unis et la Chine, disons que d'un côté nous sommes prêts à aider les pays du Tiers-monde [par] transfert de technologie et transfert d'argent pour décarboner leurs économies. Mais en revanche, il n'est pas question non plus d'accepter un dumping écologique sur nos entreprises, donc la possibilité d'avoir une taxe carbone aux frontières de l'Union et là nous sommes en phase avec les allemands.
Vous vous êtes occupé du dossier afghan avant d'être ministre, avant d'être au Gouvernement. Cette victoire de la droite va-t-elle mettre un terme à la polémique allemande sur la présence de la Bundeswehr à Kaboul ?
La polémique a joué un rôle très court. Elle n'a pas pesé sur la campagne électorale. Elle est venue au moment où il y a eu cet incident terrible, entre guillemets, d'une "bavure", d'un bombardement, demandé à l'époque par un officier allemand sur le terrain, ça avait entraîné toute une controverse. Connaissant un peu l'Afghanistan, ce genre de choses est malheureusement très difficile à éviter quand les forces sont prises sous feu, et la controverse est retombée.
Les Allemands resteront à Kaboul, dans la coalition ?
Je le souhaite parce que, d'abord, ils ont 4.200 hommes, et qu'il y a un élément de cohésion européenne dans cette affaire, même si les contingents ne sont pas aux mêmes endroits, il est important que les Européens soient présents, ne serait-ce que parce que nous portons aussi une philosophie différente de celle des Etats-Unis sur la façon de sortir de cette crise. Par exemple, je le dis en un mot, l'essentiel de l'effort doit être de nature civile et économique. L'urgence c'est de former la police et l'armée afghanes, moins d'aller chasser le terroriste dans les montagnes. Et là-dessus, il y a une approche européenne dans ce conflit.
C'est en chassant le terroriste et c'est en infiltrant les lignes ennemies que des soldats français sont morts, quatre encore ce week-end, par accident. Est-ce que l'armée française est bien encadrée, bien formée ?
L'armée française fait un boulot formidable, il faut voir ce que c'est que la géographie de ce pays, notamment dans la région où nous sommes déployés, c'est un terrain extrêmement, extrêmement dur, et l'hiver arrivant, il y a maintenant de l'eau, il y a... C'est très, très dur, c'est très, très dur, et moi je rends hommage... Tous les jours, je pense à nos soldats, là-bas.
Référendum en Irlande, vendredi, sur le Traité de Lisbonne. Que faire, que fera le président de la République française, si le non l'emporte ?
Je ne vais pas spéculer sur l'issue du référendum...
Vous êtes obligé de prévoir un petit peu quand même...
Prévoir, on le fait, spéculer publiquement, on ne le fait pas.
Il y a un plan B dans les tiroirs ?
Je ne vais pas en dire plus. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, parce que le sort de 500 millions d'Européens est entre les mains - le sort institutionnel - est entre les mains de 3 ou 4 millions d'électeurs irlandais, c'est une campagne très indécise. Je m'y suis rendu fin juillet, c'était très indécis, ça le demeure. On va voir comment on sort. Quoi qu'il arrive, l'Europe avancera parce que nous n'avons pas le choix. Nous sommes face à un monde qui va passer à 9 milliards d'hommes dans les trente ans qui viennent. Il y a énormément de travail à faire, en matière énergétique, en matière d'immigration, en matière d'industrie, en matière de social, et on ne va pas s'arrêter. Donc on trouvera les solutions si jamais nous étions devant une situation de ce genre.
M. Barnier sera le prochain commissaire français à Bruxelles ?
Il faut demander au président de la République, c'est lui qui nomme.
Et c'est votre choix aussi, vous seriez pour, ça vous irait ?
M. Barnier est un ami, il a montré ses compétences en matière européenne, mais encore une fois, la décision elle est celle du président de la République. Quant à la nature du siège, on peut avoir nos préférences, mais au final, c'est le résultat de négociations entre les chefs d'Etat avec le président Barroso qui vient d'être réélu.
La Suisse n'est pas dans l'Union européenne, mais allez-vous intervenir pour que R. Polanski, le cinéaste, soit libéré, ou souhaitez-vous au contraire qu'il soit extradé vers les Etats-Unis ?
Le ministre des Affaires étrangères, mon supérieur direct, B. Kouchner, est intervenu la veille. Moi-même, je suis un peu étonné quand même que Polanski ayant une maison en Suisse depuis des années, cette manifestation étant dédiée à son oeuvre, il soit arrêté de façon... C'est très surprenant ce qui s'est passé. Je me demande qu'est-ce qui a pu motiver une décision de ce genre, compte tenu des circonstances, du fait que cette personne habite la Suisse depuis longtemps.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 septembre 2009