Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Wallid El Mouallem, ministre syrien des affaires étrangères, sur le processus de paix israélo-palestinien, le Liban et le dialogue franco-syrien, le dossier nucléaire iranien et le cas de Clotilde Reiss en attente de verdict en Iran, Paris le 29 septembre 2009.

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Circonstance : Visite en France du ministre syrien des affaires étrangères à Paris le 29 septembre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

J'ai l'honneur d'accueillir mon collègue Wallid El Mouallem, le ministre syrien des Affaires étrangères.
Nous nous sommes vus plusieurs fois cette année et toujours de façon constructive. Evidemment, il y a eu deux visites du président de la République et puis nous nous sommes rencontrés à diverses occasions.
Evidemment, nous avons parlé du Processus de paix, puisque M. Mouallem revient de Washington et de New York où il a rencontré non seulement des responsables américains mais aussi beaucoup de responsables politiques à l'Assemblée générale des Nations unies.
Nous avons parlé de la nécessité, pour ce processus de reprendre son cours et vous connaissez les conditions qui ont été débattues de part et d'autres par les Palestiniens et par les Israéliens.
Vous connaissez la position de la France, nous espérons, M. Mouallem et moi-même, que les pourparlers vont reprendre.
Nous avons parlé des relations bilatérales entre la Syrie et la France. Ces relations sont exceptionnelles, je pense que nous avançons dans tous les domaines.
Nous allons, grâce à l'entregent de notre nouvel ambassadeur de France à Damas et aussi à l'ouverture d'un Bureau de l'Agence française de Développement à Damas, donner une dimension plus importante encore à nos relations économiques.
Nous avons également parlé de l'Union pour la Méditerranée et nous avons évoqué une réunion, que j'espère prochaine, qui se situerait en France puisque la France et l'Egypte ont encore la co-présidence. De cela, nous préciserons évidemment les termes.
Nous avons parlé des droits de l'Homme, nous avons également parlé de la manière dont nous pourrions développer, entre les pays de la région, une entente meilleure qui servirait le Processus de paix.
J'ai par ailleurs félicité M. Mouallem parce que le président syrien s'est, il y a quelques temps, rendu en visite en Arabie saoudite et c'est un développement qui est important pour nous ainsi qu'une éventuelle visite en retour du Roi d'Arabie Saoudite en Syrie.
Nous avons parlé de bien d'autres choses et nous continuerons ; simplement, je voulais souhaiter la bienvenue à mon ami M. Mouallem.

Q - Le Liban a toujours été important dans les relations franco-syriennes, comment évaluez-vous l'importance du Liban dans vos pourparlers et dans les contacts franco-syriens aux Emirats ?
R - Ce qui nous importe pour le moment, c'est la formation d'un gouvernement.
Je m'étais rendu en visite à Damas et j'avais été reçu par le président Bachar El Assad et, à cette époque, il s'agissait de ne pas opérer d'ingérence dans le processus d'élections, puis de formation du gouvernement.
Maintenant, nous en sommes à souhaiter que tout le monde se regroupe, pour qu'un gouvernement soit mis sur pied, sur place au Liban.
Nous en sommes là et nous sommes convenus que cela était maintenant nécessaire, après quelques mois tout de même.
Maintenant, c'est M. Saad Hariri qui est à nouveau pressenti par le président de la République libanaise et, sans jouer le rôle que doivent jouer eux-mêmes les Libanais dans leur communauté, en s'entendant entre eux, nous devons essayer, si on nous le demande, à tous les niveaux, d'agir pour que cela se fasse, pour qu'eux-mêmes, les Libanais, décident de leur gouvernement.

Q - Quel est l'état des négociations pour l'association entre la Syrie et l'Union européenne ? Monsieur Kouchner, quels sont les sujets épineux que vous avez évités ? Un journal syrien a qualifié le régime libanais comme étant dans un état de mort clinique et qu'il aurait besoin d'une bonne dose de réanimation. La Syrie aurait-elle la recette magique ?
R - C'est une recette scientifique, ce n'est pas magique la médecine. Par ailleurs, je ne commente pas les opinions, les articles dans les journaux.
C'est la première fois au contraire, depuis longtemps, que les élections au Liban se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Donc, ce régime n'est pas "en mort clinique" comme vous le dites, mais la formation d'un gouvernement est difficile et nous en avons parlé.
Vous savez qu'il y a un dispositif 15-10-5, avec la représentation communautaire, les Accords de Taëf, la Constitution libanaise, tout cela est difficile mais il faut s'obstiner pour que, comme nous l'avons dit, Wallid et moi, les uns et les autres puissent tous êtres satisfaits de la formation d'un gouvernement par les Libanais. Pas de "mort clinique", pas de "réanimation".

Q - Où en sont les négociations sur l'association de la Syrie avec l'Union européenne grâce, notamment, à la contribution de la France ?
R - Les accords sont toujours assortis de conditions politiques. Donc, vous accepterez, car vous aurez cet accord, mais il y a un certain nombre de conditions qui sont demandées à tous les pays qui souhaitent avoir un partenariat avec l'Union européenne. Je pense donc que c'est sur la bonne voie. Oui, il y a des conditions qu'il faut remplir. Donc, c'est à la négociation, à la Commission et à la Présidence que revient de faire avancer ce dossier et je ne doute pas qu'il avancera un jour.

Q - Monsieur le Ministre Kouchner, après l'échec des Etats-Unis de relancer les négociations de paix dans la région, quel est le rôle de la France dans ce dossier ?
R - Je crois que la France a joué tout son rôle, peut-être même plus, depuis deux ans et demi. D'abord, au niveau du processus de paix en général, au Liban, en Syrie, en Israël, en Egypte, et en Palestine. Je crois qu'il y aura bien d'autres visites et dans les jours qui viennent. Nous essayons d'apporter notre pierre à cet édifice de la paix et nous sommes sûrs qu'un jour, je ne connais pas la date exacte, nous y parviendrons. Je crois que la France a été engagée. Si vous avez assisté à l'Assemblée générale des Nations unies, vous aurez constaté par la voix du président Sarkozy, mais également par d'autres voix, que la diplomatie française compte, je le crois, beaucoup dans cette région.

Q - Concernant le dossier iranien, le président Sarkozy a chargé le président Assad de jouer les médiateurs sur le plan du nucléaire mais aussi concernant Clotilde Reiss, y a-t-il du nouveau concernant ce dossier ?
R - Je crois que nous n'avons pas besoin de médiation sur le plan du nucléaire, les choses sont claires. La dernière de nos surprises n'a pas été la moindre concernant le deuxième site d'enrichissement de l'uranium. Concernant Clotilde Reiss, j'ai moi-même rencontré, il y a 3 jours encore, le ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mottaki et nous continuons le dialogue, nous sommes partisans du dialogue.
Nous ne voulons pas de confrontation, c'est clair. Une rencontre se déroulera le 1er octobre à Genève à laquelle la France est représentée par son directeur politique, c'est le niveau qui a été requis. Nous avons beaucoup parlé à New York de cette rencontre, du dialogue, des négociations, de l'écoute et nous voulons résolument que les Iraniens répondent aux questions de l'Agence internationale de l'Energie atomique. Et la dernière surprise, c'est que pendant qu'ils ne répondaient pas aux questions, ils construisaient un autre site d'enrichissement de l'uranium.
En ce qui concerne Clotilde Reiss, j'ai répondu à son père hier, nous n'avons, hélas, rien de nouveau. Clotilde est à l'ambassade de France à Téhéran, elle y est bien mais elle souhaiterait retrouver sa complète liberté. Nous la comprenons et nous la savons complètement innocente des charges qui continuent de peser sur elle. Nous attendons la délibération et la décision du tribunal révolutionnaire de Téhéran qui devrait statuer. Nous voulons que cette jeune femme de 24 ans retrouve sa famille et la liberté le plus vite possible.

Q - (Au sujet du dossier nucléaire iranien)
R - Quant au processus qui amènera les 5+1, c'est-à-dire les six pays qui se retrouveront avec l'Iran à Genève, je suis heureux que cela se fasse. Nous avons toujours demandé la négociation, mais notre expérience n'est pas très bonne en cette matière. J'espère que cette rencontre sera productive et qu'elle sera suivie par d'autres. Ce qui nous inquiète, c'est ce qui se développe, sans réponse aux questions posées par l'Agence internationale de l'Energie atomique sur le programme nucléaire iranien. Il ne s'agit pas du développement du programme civil iranien, auquel le peuple et les dirigeants iraniens ont tout à fait droit, et que nous avons proposé de soutenir, comme d'autres pays, mais le développement d'un programme militaire.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2009