Interview de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports à Europe 1 le 2 octobre 2009, sur la violence dans le sport, le football et la prévention et la sécurité dans les stades avec les supporters et hooligans.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
M.-O. Fogiel.- Bonjour R. Yade
 
Bonjour.
 
Vous êtes la secrétaire d'Etat chargée des Sports. C'est une journée chargée pour vous. Vous deviez recevoir R. Domenech mais en fait une réunion interministérielle a été prévue pour parler de la violence, donc vous avez reporté votre rendez-vous avec R. Domenech.
 
Tout a fait.
 
Que vouliez-vous lui dire à R. Domenech ? Vous diriez qu'il y a un problème de management selon vous en équipe de France ?
 
Non, je ne dirais pas cela du tout. Je le soutiens comme je soutiens toute l'équipe de France. Je trouve que cette charge permanente, constante contre lui a souvent quelque chose d'injuste.
 
Donc, vous vouliez lui apporter votre soutien en le recevant aujourd'hui. C'était cela ?
 
Il le sait déjà. Je l'ai rencontré plusieurs fois à l'occasion de plein de matchs et à Clairefontaine. Il le sait déjà. L'équipe de France doit se qualifier pour la Coupe du monde, donc on doit être derrière elle, et pas lui jeter la pierre dès qu'elle sort sur un terrain.
 
Donc vous, vous étiez choquée de toutes les critiques parce qu'il en a des critiques.
 
Rappelez-vous E. Jacquet ! Pendant cinq ans avant 98, il était harcelé. Vous avez vu comment cela s'est terminé : une victoire en Coupe du monde. Donc, c'est une belle petite tradition française.
 
Donc, vous lui renouvelez votre soutien sur Europe 1.
 
Tout a fait. Je pense que c'est un homme qui est sympathique, qui est courageux, qui prend des coups à la place de son équipe et je pense qu'il faut être derrière lui. Et puis, à quoi cela sert ce petit jeu ?
 
Il a donné une interview au Télégramme de Brest hier et il disait qu'il en avait marre d'anciens joueurs désormais consultants dans les médias qui n'hésitent pas à le mettre directement en cause. Il parlait clairement de J.-M. Larqué. Vous en avez marre vous aussi de ces commentateurs qui ne savent pas de quoi ils parlent...
 
Je ne suis pas concernée directement, mais simplement je pense qu'être sélectionneur de l'équipe de France c'est un job très, très difficile. Tous les Français, ou je dirais chaque Français est un sélectionneur en puissance, donc il est sous le feu du jugement permanent, ce qui est normal. Mais en même temps, des fois à la veille de matchs capitaux, on trouve des polémiques, on déterre des dissensions soi-disant dans l'équipe etc. Il n'y a pas mieux pour déstabiliser une équipe. Et pourtant, malgré tout, l'équipe arrive à délivrer des beaux matchs, comme il l'a fait en Roumanie et en Serbie.
 
Et vous soutenez !
 
Oui.
 
Au fait, le foot, vous y connaissez quelque chose ?
 
Oui.
 
Oui, vraiment cela vous intéresse ou cela vous intéresse depuis que vous êtes secrétaire d'Etat au sport ?
 
Ah non, le foot, ce n'est pas le cas de tous les sports. Parce qu'il y a 200 sports en France, je ne les connais pas tous. Mais le foot oui.
 
La violence dans les stades, est-ce que vous y connaissiez quelque chose avant de prendre le dossier en main et avant d'aller tout à l'heure à la réunion interministérielle chef F. Fillon ?
 
Autant oui. J'apprends à connaître les acteurs depuis plusieurs mois, parce qu'effectivement je ne viens pas du milieu sportif. Mais de toute façon, le Président et le Premier ministre qui m'ont nommée le savaient très bien. Cela ne m'empêche pas depuis quatre mois, j'ai rencontré...
 
De bosser !
 
...j'ai rencontré plus de 500 personnes, de bosser. Il n'y a rien de tel que de bûcher ses dossiers.
 
Sur la question autour de la violence. On reparle de l'interdiction à vie de stade des hooligans. Il y a déjà une loi qui existe. Elle n'est pas appliquée semble-t-il. Qu'allez-vous dire tout à l'heure au Premier ministre ? Vous demandez quoi concrètement ?
 
Il y a une réunion avec le Premier ministre ce matin, et cet après-midi, j'ai la réunion que j'ai prévue avec le milieu sportif depuis plusieurs semaines pour annoncer justement des propositions en complément des mesures de sécurité annoncées par B. Hortefeux. Moi je veux travailler sur la prévention et sur la coordination. Depuis 15 ans, beaucoup de choses ont été faites. Il y a une loi, celle de Sarkozy en 2004, qui est très bien. Simplement, il faut que les préfets l'appliquent. Il faut que les clubs n'hésitent pas à porter plainte lorsque les supporters mettent le bordel dans le stade. Le stade n'est pas un défouloir. Le stade n'est pas un champ de bataille. Il y a des valeurs du sport, il faut savoir les respecter.
 
Et vous diriez qu'il y a des responsabilités du dirigeant de club ? Ils sont trop souples avec leurs propres supporters ?
 
Non ce que je dis c'est que, vous savez le pouvoir il est dans la direction, il est un peu aussi chez les supporters. Donc, on n'a pas envie forcément de se les mettre à dos. Mais ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est que c'est assez inégal. Il faut aider les clubs. On n'est pas là pour les stigmatiser, on n'est pas là pour stigmatiser le football. On est là en tant que pouvoir public pour les aider. Les aider cela veut dire quoi ? Cela veut dire travailler sur la répression comme l'a fait... oui la répression...
 
Comme l'a fait B. Hortefeux, il faut le dire !
 
Non, Hortefeux a travaillé pas sur la répression - ça c'est la justice plutôt, et c'est ce qu'on fait avec M. Alliot-Marie. Lui travaille sur le déploiement des forces de police ; moi je voudrais travailler sur la prévention mais également avec les supporters.
 
Sauf qu'on a l'impression d'entendre ce discours depuis des années et il n'y a jamais eu autant d'incidents que cette année. Concrètement qu'allez-vous faire ?
 
Justement. Le but c'est de voir qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est-ce qui peut être amélioré, qu'est-ce qui fait obstacle à l'application de la loi, et enfin, non pas de proposer un énième plan, un énième projet de loi, je ne jouerais pas ce petit jeu-là, mais de vraiment voir ce qui ne va pas et comment on y remédie.
 
Mais votre première mesure concrète ?
 
Je pense qu'il faudrait réactiver une fédération nationale des associations de supporters pour que les pouvoirs publics puissent dialoguer avec eux à la veille de matchs de séquences sportives importants. Cela, cela me semble important pour le dialogue avec les supporters. Parce qu'on n'est pas là juste pour les réprimer. Et de l'autre côté, il faut appliquer la loi de manière stricte, parce que la loi c'est celle que N. Sarkozy a fait voter. Les préfets doivent l'appliquer. L'autre jour, j'étais à un match, en août, Bordeaux-Nice. Et je vois qu'il y a des fumigènes dans le stade. Cela ne choque personne. Mais c'est interdit et je ne vous parle pas des coups de feu dans le sport amateur, etc., comme cela s'est passé récemment.
 
Un mot sur les JO., Copenhague tout à l'heure. Est-ce que vous avez une préférence entre Chicago, Tokyo, Madrid, Rio, vous qui avez rencontré B. Obama la semaine dernière.
 
Je n'ai pas rencontré B. Obama. Il était en là en face, il a fait un discours. Je dis simplement que là-dessus, je n'ai pas à exprimer une préférence. Ce sont nos votants au CIO...
 
Mais vous vous avez une petite préférence personnelle. Allez ! On ne dira à personne.
 
Non, non, je n'ai pas le droit d'avoir une préférence personnelle.
 
Mais vous l'avez. Vous souhaitez que la France se représente un jour pour les JO ?
 
On est déjà candidat pour le JO d'hiver de 2018.
 
Mais en 2020 par exemple.
 
On est candidat pour l'euro 2016. Vous savez ce que je vais faire parce que Londres, après l'échec de Paris-2012, on n'a pas tiré les leçons. On va réunir les acteurs pour voir ce qui n'a pas marché et comment on peut mieux faire notre lobbying pour pouvoir être élu. On ne se va pas priver d'être candidat parce que la France est une grande nation sportive, cela fait partie de notre rang et donc on va se battre pour que nous puissions accueillir de grandes manifestations sportives.
 
Très bien N. Sarkozy vous avait demandé d'être plus présente. Cela y est, vous vous y êtes mise manifestement.
 
Non, il ne m'a jamais demandé cela. Mais j'ai rencontré 500 personnes, participé à une cinquantaine de manifestations sportives, j'ai obtenu 150 millions d'euros pour la rénovation des stades, un prélèvement sur les paris sportifs pour le sport amateur. En quatre mois, je n'aurais pas cru. Et ce n'est pas terminé. Donc il y a beaucoup de travail. Je suis très exigeante vis-à-vis de moi-même, comme le milieu sportif l'est vis-à-vis de moi. Donc on jugera sur les résultats.
 
Comme on dit que c'est du sport, et le sport c'est du résultat.
 
Oui, tout a fait.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009