Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité à France 2 le 2 octobre 2009, sur les violences familiales et la délinquance des mineurs.

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Média : France 2

Texte intégral

 
 
 
 
R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour N. Morano.
 
Bonjour.
 
Avant de parler de la politique de la famille, je voudrais qu'on revienne sur le numéro de Paris Match de cette semaine. Il y a un reportage qui vous est consacré, on vous y retrouve en famille, avec vos enfants. Vous êtes quelqu'un de plutôt secret. Qu'est-ce qui vous a poussé finalement à accepter ce reportage ?
 
Parce que je pense que nous avons des valeurs à défendre, qui sont les valeurs de la solidarité familiale, et la famille c'est très important, à la fois pour moi, mais également je pense aussi pour les Français. Et c'est vrai qu'en ayant un père devenu handicapé, c'est pour moi...
 
Alors voilà, on apprend que votre père donc est handicapé, il a eu un accident vasculaire cérébral.
 
Oui.
 
Ça a changé votre vie, j'imagine ?
 
Ca a changé complètement ma vie, et donc j'ai compris à quel point le handicap nous concerne tous, parce qu'on peut naître handicapé, on peut le devenir. Il y a plus de 5 millions qui sont handicapés dans notre pays et c'est vrai que quand on vit le handicap, eh bien, incontestablement on le comprend mieux que d'autres et on s'investit d'autant plus.
 
Dans ce reportage, il y a une photo qui fait polémique, parce qu'on vous voit jouer avec vos enfants, à un jeu vidéo qui est un jeu dangereux, dit-on. Vous aviez position d'ailleurs contre ce jeu. Pourquoi vous jouez avec ça, avec vos enfants ?
 
Parce qu'à travers ce reportage, j'ai parlé de mes convictions, de mes engagements, et en tant que ministre de la Famille, j'avais pris position contre ce jeu, et cet engagement...
 
Pourquoi il est chez vous ?
 
Il est chez moi, parce qu'un de mes enfants l'avait emprunté à ses amis, et je voulais montrer à travers ce reportage que les parents doivent toujours faire preuve de pédagogie, expliquer lorsque les enfants vont acheter très facilement d'ailleurs de jeux vidéos, les scènes de violence qu'il peut y avoir. Et à travers ce jeu, mes enfants m'avaient demandé pourquoi j'avais pris position ? Parce que certains des amis de leurs amis l'avaient. Eh bien, il y a des scènes, en plus, moi qui suis maintenant, en charge dans mon domaine de compétences du droit des femmes, et donc qui lutte contre les violences faites aux femmes, il y a des scènes absolument insoutenables, où une femme se fait assassiner, violer dans une voiture, et c'est très bien... Il faut que les parents - ça c'est mon engagement mis en pratique, si vous voulez- il faut que les parents soient à côté de leurs enfants, accompagnent leurs enfants, lorsqu'ils vont acheter un jeu vidéo, et lorsqu'il y a des scènes de violence, il faut expliquer que ce jeu n'est pas bon. Voilà !
 
Et maintenant, il est interdit chez vous ?
 
Oui, évidemment, dans ce... non pas maintenant, il a toujours été interdit, chez moi, mais en même temps, vous ne pouvez pas interdire sans expliquer. Et donc quand vos enfants, vos enfants vous ne les gardez pas enfermer chez vous, moi, je suis une mère de famille comme tout le monde et donc mes enfants, ils vont chez des copains, et quand ils me demandent : mais pourquoi tu as pris position contre ce jeu ? Parce que Laurent l'a et moi, je n'ai pas le droit de m'en servir. Je leur démontre que et ça fait objet de débat, vous savez dans une famille, il faut beaucoup parler, beaucoup dialoguer avec ses enfants.
 
Vous avez plutôt une image de dur en politique. Est-ce qu'avec ce reportage, vous avez voulu changer cette image ?
 
Non, je n'ai pas voulu changer d'image, je suis moi-même, c'est-à-dire fortement engagée dans ma vie familiale, fortement engagée avec mes convictions. Et je trouve que la famille c'est la valeur la plus essentielle dans la société et pour moi, c'est une valeur fondamentale.
 
Vous ne craignez pas qu'on dise que c'est encore une « peoplelisation » de la vie politique ?
 
Non, au contraire, je trouve que c'est démontré que lorsqu'on est en responsabilité, lorsqu'on est ministre, on est simplement quelqu'un comme tout le monde. On peut être confronté à la maladie, on peut être confronté au handicap, on a des enfants à élever, à éduquer, ce n'est pas facile, tous les jours. Donc voilà ! Et en période de crise, vous savez, je trouve que la solidarité familiale c'est sans doute un des plus beaux messages qu'on peut avoir.
 
Dans l'actualité, il y a l'affaire M.-C. Hodeau, cette jeune femme qui a été assassinée pendant qu'elle faisait son jogging. Ça pose la question de la récidive, puisque l'assassin présumé était un récidiviste ; B. Hortefeux disait qu'il y avait eu des erreurs des magistrats. M. Alliot-Marie, la ministre de la Justice a dit qu'elle défendait plutôt les magistrats. Il y a une cacophonie au Gouvernement ?
 
Non, je pense qu'il n'y a pas de cacophonie. Moi, je retiens ce qu'a dit le président de la République. Nous avons un arsenal législatif qui est déjà très important, avec ce que nous avons adopté, et je pense notamment à la rétention de sûreté, qui est un texte essentiel aussi. Mais je crois qu'il faut regarder l'acte. Voilà, on est confronté à un violeur récidiviste. Même s'il y a moins de 2 % de récidive en la matière, il faut trouver la meilleure façon d'accompagner à sa sortie le détenu et en la matière, la réflexion sur la castration chimique est indispensable.
 
Vous y êtes favorable à cette castration chimique ?
 
 Il faut vraiment se poser la question, parce qu'on ne peut pas, on sait qu'on ne peut pas guérir ce genre de pulsion. Voilà ça ne se guérit pas, à l'heure actuelle, nous n'avons pas les remèdes qui existent. En revanche, la castration chimique permet justement de ne plus avoir ces pulsions. Alors nous devons évidemment avoir ce débat, parce que pour l'instant, c'est sur la base du volontariat. Je crois qu'il faut renforcer les mesures de suivi de la personne qui va sortir de prison, et vraiment imposer des mesures très drastiques, donc la castration chimique devra faire l'objet d'un débat. C'est essentiel !
 
Vous pensez qu'il faut de nouvelle loi ? Il y en a déjà eu beaucoup sur le sujet ?
 
Il y en a beaucoup, mais vous savez la loi, elle permet de s'adapter à l'évolution de la société. Et sur ce sujet, même si c'est moins de 2 %, je pense d'abord à la victime ou aux potentielles victimes. Et donc nous devons évidemment réfléchir à ce sujet de la castration chimique, et surtout prendre des mesures beaucoup plus rapprochées, de suivi du détenu qui a été incarcéré pour cette cause.
 
Aujourd'hui, vous participez à un conseil de prévention de la délinquance. On s'aperçoit que la délinquance est souvent à l'intérieur de la famille, notamment en ce qui concerne les femmes. Est-ce que là, il y a des mesures, des nouvelles mesures à prendre ?
 
Nous allons examiner évidemment, toutes les violences intrafamiliales, et je vous rappelle que le président de la République avait demandé que soit créée la Brigade de protection des familles telle qu'existe la Brigade de protection des mineurs. Mais nous voulons aller plus loin, parce que vous savez, ce conseil national de la délinquance, de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes, nous allons aussi parler de la prévention de la délinquance des mineurs. Et là, on voit bien que dans une classe d'âge de 13-18 ans, 1 sur 20, est concerné par la délinquance des mineurs. Et donc nous voulons renforcer aussi le suivi de la part des familles. Alors nous allons créer un conseil, un comité national de soutien à la parentalité, qui va se décliner dans tous les départements.
 
Ca veut dire quoi, concrètement ?
 
Il va se décliner dans tous les départements, parce que nous avons sur l'ensemble du territoire qui existe déjà, des réseaux d'écoute et d'accueil des parents, ce qu'on appelle les REAP, pour lequel l'Etat d'ailleurs donne des budgets importants et je les ai augmentés de 15,5 % chaque année. C'est un budget global de près de 55 millions d'ici à la fin du quinquennat que nous consacrons aux réseaux d'aide, d'écoute et d'accueil des parents. Mais il faut qu'ils soient beaucoup plus performants. Et donc à travers ce conseil national, ce comité national que nous allons décliner dans tous les départements, eh bien, nous aurons avec les associations, sous l'égide du préfet et avec ceux qui sont en responsabilité, une action beaucoup plus concrète, directement quand les familles sont touchées. Mais j'irai plus loin, parce que vous savez que la loi de 2007, sur la prévention de la délinquance, a prévu des conseils des droits et des devoirs des familles dans les mairies.
 
Alors il n'y en a que 31 en France, c'est très peu, il en faudrait plus ?
 
Voilà, il n'y en a que 31 en France, il n'y en a 11 en création, moi, j'en avais installé 2, un à Woippy et un dans la commune du Raincy. L'objectif c'est d'aider mieux les parents, dès lors qu'on voit que l'enfant risque de tomber vers la délinquance et que la commune, le maire qui est le mieux placé pour aider les familles qu'il connaît bien, puisse prendre des mesures à travers ce Conseil des Droits et des Devoirs des Familles. Nous devons absolument les développer, je les réunis la semaine prochaine, à mon ministère, pour faire le point de ce qui existe déjà. Définir une méthodologie, pour être encore plus performant vis-à-vis des familles et des parents. Je crois que c'est comme ça, que nous arriverons à lutter contre la prévention de la délinquance.
 
Une question politique : B. Hortefeux réunit chaque semaine des proches dont vous faites partie. On dit que c'est parce qu'il vise Matignon, qu'il vise la succession de F. Fillon. Est-ce que B. Hortefeux ferait un bon Premier ministre ?
 
Ecoutez d'abord, B. Hortefeux n'aurait... enfin, il n'a jamais été prévu que ce soit réuni toutes les semaines, mais régulièrement. Ça fait longtemps qu'il le faisait et j'allais régulièrement à des petits déjeuners avec lui. Nous avons d'ailleurs beaucoup évoqué les sujets concernant la sécurité et l'évolution de la délinquance...
 
Mais ça ferait un bon Premier ministre ou pas ?
 
Écoutez, ça fera un bon Premier ministre, il y a beaucoup de membres du Gouvernement ou d'autres qui ont des qualités pour être Premier ministre. Moi, ce que je vois c'est que F. Fillon exerce très bien sa fonction de Premier ministre et qu'il n'est pas à l'ordre du jour de changer de Premier ministre.
 
Merci, N. Morano.
 
Merci à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009